TROISIÈME DIMANCHE DE CARÊME
(Jn 2, 13-25)
L'ancêtre
du Temple, n'est autre que le Tabernacle, qui contenait les Tables
de la Loi (Thora) . Le peuple de la Bible était constitué, à son
origine, de nomades qui vivaient sous la tente. Les tentes ont
gagné une force symbolique pour devenir plus qu’un lieu de vie,
avec une tente particulièrement sainte qui est souvent mentionnée
dans la Bible : la tente de la Rencontre.
Elle était considérée comme le lieu de la Rencontre
avec Dieu, c’est là qu’on pouvait Le consulter. Moïse
va dans cette tente, pour recevoir les ordres de Dieu. Elle
était vue comme un Temple portatif, précurseur du Temple de
Salomon. Cette tente était le lieu où l’on plaçait l’Arche de
l’Alliance, le coffre contenant les tables de la loi, reçues par
Moïse sur le Sinaï. La Tente, était située, à l’extérieur du
campement.
Plus
tard, dans l’histoire, cette tente évoque le temps de la
découverte du Seigneur dans le désert suite à la libération de
l’Égypte.
La
Présence divine s'y manifeste par une nuée « Tout
le peuple voyait la
colonne de nuée
qui se tenait à l'entrée de la tente; et tout le
peuple se levait, et chacun se prosternait à l'entrée de sa tente.
Et le Seigneur parlait à Moïse face à face, comme un homme parle
à son ami. Moïse retournait ensuite au camp; mais son serviteur,
Josué, fils de Nun, jeune homme, ne s'éloignait pas du milieu de la
tente. (Exode 33).
La
Tente de la Rencontre,
le Temple qui lui succède, sont des lieux sacrés, réservés à la
Rencontre de Dieu ce qui suit n'a donc rien de surprenant :
« Comme
la Pâque juive était proche,Jésus
monta à Jérusalem.Dans
le Temple, il trouva installés les marchands de
bœufs, de brebis et
de colombes,et les changeurs.Il fit un fouet avec des cordes,et les
chassa tous du Temple,ainsi que les brebis et les bœufs ;il jeta par
terre la monnaie des changeurs,renversa leurs comptoirs,et dit aux
marchands de colombes :« Enlevez cela d’ici. Cessez
de faire de la maison de mon Père une maison de commerce.
» Jésus, et c'est
légitime, ne peut admettre que ce lieu destiné à la
Rencontre de Dieu,
donc, à la prière, devienne un espace de commerce . L'amour de Dieu
est gratuit et, dans un lieu destiné à une relation de gratuité on
vient faire des affaires financières : c'est insupportable ,
Jésus le dit haut et fort et prend les moyens pour que cela ne se
renouvelle pas ! « Car
le zèle de ta maison me dévore, Et les outrages de ceux qui
t'insultent tombent sur moi. Je verse des larmes et je jeûne, Et
c'est ce qui m'attire l'opprobre;… » Psaume
69,10
« Car
Christ ne s'est point complu en lui-même, mais, selon qu'il est
écrit: Les outrages de ceux qui t'insultent sont tombés sur moi. »
Rom 15,3
Aujourd'hui,
l'église succède au Temple, à nous de voir , si nous avons le zèle
de Jésus pour permettre que nos églises soient ces lieux de
recueillement qui permettent la Rencontre de Dieu.
N'oublions
pas, par ailleurs, que nous sommes, depuis notre baptême, le
« Temple de l'Esprit Saint :
« N'oubliez
pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite
en vous. Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ;
car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous. »
(1Corinthiens 3)
« Ne
le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l'Esprit Saint, qui
est en vous et que
vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez
plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre
rachat. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps »
(1Corinthiens 6)
Que
faisons-nous du Temple de notre corps ? Avons-nous
conscience de notre dignité ? Comment traitons-nous ce corps
qui nous est confié et qui est la demeure
de l'Esprit Saint ?
Le
risque est, soit de l’idolâtrer, soit de le négliger jusqu'au
mépris, soit de lui demander trop, jusqu'à l'extrême , au point de
l'user avant l'heure ! Notre corps a certes d'énormes
potentialités que nous devons apprendre à gérer raisonnablement
par respect de l'Auteur et de soi-même ! Rendons grâce au
Seigneur pour ce merveilleux outil et accordons-lui tout le soin qui
convient de façon intelligente et mesurée afin qu'il puisse
longtemps servir son Créateur !
Quant
aux corps de nos frères quel est notre regard ? Quel respect
avons-nous à leur égard ? Prenons-nous soin des plus
fragiles, ? ...
Devant
la sainte colère de Jésus « Ses
disciples se rappelèrent qu’il est écrit :L’amour
de ta maison fera mon tourment. »Ce
verset révèle à quel point les disciples eux-mêmes fréquentaient
l’Écriture Sainte. Ce sont les détracteurs de Jésus qui
s'insurgent et remettent en question la fermeté de intervention de
Jésus :Des
Juifs ( rappelons au
passage que Jésus est Lui-même Juif, il n'y a donc pas de
connotation négative ici. C'est un état de fait) l’interpellèrent
:« Quel signe
peux-tu nous donner pour agir ainsi ?
»
La
question que nous pouvons nous poser c'est la tournure de leur
interrogation : ils demandent un signe
, pourquoi ? Nous sommes au tout début de l’Évangile de
Jean ! Cet épisode, chez Jean, suit immédiatement celui de
l'eau changée en vin pour venir au secours de jeunes mariés, à la
demande de Marie Sa Mère. On sait très bien que les nouvelles
circulent très vite , certains connaissent l'origine de
Jésus : « que
peut-il sortir de bon de Nazareth ?»
le miracle de Cana pose question et voilà qu'aujourd'hui Jésus se
permet de libérer la Maison de Son Père, d'un encombrement indigne
du climat qui devrait être le sien ! A mon avis, nous sommes là
devant un début de polémique qui ne fera que s'amplifier avec le
temps et Jésus, reconnaissons-le, ne cherche pas à se défausser,
mais Il utilise un langage particulièrement abstrait pour ceux qui
le suivent avec un œil inquisiteur, pour les autres aussi
d'ailleurs !
Jésus
leur répondit :«
Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »Les
Juifs lui répliquèrent :« Il a fallu quarante-six ans pour bâtir
ce sanctuaire,et toi, en trois jours tu le relèverais ! »Mais
lui parlait du sanctuaire de son corps. La
première difficulté vient du langage, Jésus et ses interlocuteurs
ne mettent pas les mêmes réalités sous des mots identiques !
Les uns pensent à la construction faite de pierres, alors que
Jésus, parle du Sanctuaire de son Corps, lequel abrite en effet la
divinité.Son Corps est sanctuarisé, Il est ce « Saint
des Saints »
où Dieu s'abrite, où Dieu se cache.Les compatriotes de Jésus
attendent bien le Messie, mais un Messie tout autre, un Messie
guerrier qui les libérera de l'occupant non, de « l'occupant -
péchés, passions, » ils attendent un Messie qui leur rendra
leur terre, or Jésus n'a pas de terre personnelle, mieux, Il les a
toutes puisqu'Il en est le Créateur ! Comment reconnaître le
Créateur, la Sagesse éternelle, sous ce voile humain qui est Sa
demeure. Reconnaissons la difficulté, ne crions pas trop vite au
scandale . Tout cela nous semble relativement évident, mais nous
avons 2000 ans de christianisme, eux devaient apprendre à
reconnaître
un Dieu pauvre,
un
Dieu sans armée, ni armure, un ami des petits, des plus petits !
Il leur fallait descendre de haut et cela suppose un retournement, un
renversement des mentalités, des valeurs, une conversion absolue,
c'est le monde à l'envers ! D'ailleurs, ses apôtres, s'ils Lui
font confiance, ne comprennent pas tout, loin s'en faut !
Souvenons-nous de l’Évangile de la Transfiguration . Trois d'entre
eux ont été bouleversés mais jusqu'à quel point ! En
redescendant de la montagne ils s'interrogent sur le sens des propos
de Jésus : «
Et ils gardèrent pour eux la chose, tout en
se demandant entre eux ce que signifiait " ressusciter des morts
". (Marc
9)
Pour
comprendre, pour se mettre vraiment en route, prendre ses
responsabilités il faudra non seulement le tombeau vide mais des
apparitions diverses et variées ! Chacun devra faire cette
expérience unique, tel Thomas, absent au bon moment, qui n'adhérera
qu'à l'heure de la Rencontre
personnelle.
Oui, une rencontre personnelle, qui est toujours une grâce
personnelle, est indispensable pour consentir à l'invraisemblable de
la Foi ! Le baptême, pour chacun de nous est un don, mais en
puissance, que chacun doit ratifier à un moment et il ne le peut en
vérité, qu'au cœur d'une expérience unique, personnelle,
individuelle, à nulle autre pareille! D'où ce verset qui
suit :Aussi,
quand il se réveilla d’entre les morts,ses disciples se
rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils
crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
Il
en est de même dans nos vies , la plupart du temps, c'est
après coup qu'il
nous est donné de comprendre les passages et la Présence du
Seigneur dans nos vies . Nous devons apprendre à relire notre vie à
la lumière de l’Écriture Sainte pour dire avec Thomas dans
un élan du cœur : « Mon
Seigneur et mon Dieu » !

De
Saint Paul sur la route de Damas et plus près de nous, Claudel « Et
c'est alors que se produisit l'événement qui domine toute ma vie.
En un instant mon cœur fut touché et
je crus. Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement
de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle
certitude ne laissant place à aucune espèce de doute,
que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les
hasards d'une vie agitée, n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai
dire, la toucher."
Péguy« Mon
vieux, écrit-il à Lotte, j'ai senti que c’était grave... J'ai
fait un pèlerinage à Chartres... J'ai fait 144 km en trois jours...
On voit le clocher de Chartres à 17 km sur la plaine... Dès
que je l'ai vu, ça a été une extase. Je ne sentais plus rien, ni
la fatigue, ni mes pieds. Toutes mes impuretés sont tombées d'un
seul coup, j’étais un autre homme.
J'ai prié une heure dans la cathédrale le samedi soir; j'ai prié
une heure le dimanche matin avant la grand-messe... J'ai
prié comme je n'avais jamais prié, j'ai pu prier pour mes
ennemis...
Mon gosse est sauvé, je les ai donnés tous trois à Notre-Dame.
Moi, je ne peux pas m’occuper de tout... Mes petits ne sont pas
baptisés. A la Sainte Vierge de s'en occuper. »
Et tant d'autres !
A
Jérusalem, où Il est arrivé, Jésus ne se cache pas, Il agit en
Sauveur venu pour faire connaître Son Père et pour soulager
l'homme de ses souffrances :Pendant
qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque,beaucoup
crurent en son nom,à la vue des signes qu’il
accomplissait.Jésus,
lui, ne se fiait pas à eux,parce qu’il les connaissait tous et
n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en
effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme Jésus
n'est pas dupe, Il connaît le fond des cœurs, Il en est le
Créateur ! Il connaît les fragilités des uns et des autres,
Il sait que ceux qui Le louent aujourd'hui pour les bienfaits dont
ils bénéficient, demain crieront avec la foule « a
mort, crucifie-le ».
Jésus ne se laisse pas arrêter par nos limites, Il ne manifeste
aucune acrimonie, son cœur est parfaitement libre, Il est venu en
Sauveur et Il est prêt à en payer le prix !
Il
est bon de nous arrêter quelques instants sur les agissements de
Jésus et de tenter de mettre honnêtement les nôtres en parallèle !
Avons-nous cette générosité absolue qui donne et donne encore de
soi-même quelles que soient les circonstances , jusque dans
d'éventuelles trahisons ? Pouvons-nous faire nôtre jusque dans
les moindres détails, cette prière attribuée à St François
d'Assise :
Seigneur,
fais de moi un instrument de ta paix :
Là où il y a de la haine, que je mette l'amour,
Là où il y a l'offense, que je mette le pardon,
Là où il y a la discorde, que je mette l'union,
Là où il y a l'erreur, que je mette la vérité,
Là où il y a le doute, que je mette la foi,
Là où il y a le désespoir, que je mette l'espérance,
Là où il y a les ténèbres, que je mette ta lumière,
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Là où il y a de la haine, que je mette l'amour,
Là où il y a l'offense, que je mette le pardon,
Là où il y a la discorde, que je mette l'union,
Là où il y a l'erreur, que je mette la vérité,
Là où il y a le doute, que je mette la foi,
Là où il y a le désespoir, que je mette l'espérance,
Là où il y a les ténèbres, que je mette ta lumière,
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô
Maître, que je ne cherche pas tant :
À être consolé... qu'à consoler,
À être compris... qu'à comprendre
À être aimé... qu'à aimer.
À être consolé... qu'à consoler,
À être compris... qu'à comprendre
À être aimé... qu'à aimer.
Car,
C'est en donnant... qu'on reçoit,
C'est en s'oubliant... qu'on trouve,
C'est en pardonnant... qu'on est pardonné,
C'est en mourant... qu'on ressuscite à la vie éternelle.
C'est en donnant... qu'on reçoit,
C'est en s'oubliant... qu'on trouve,
C'est en pardonnant... qu'on est pardonné,
C'est en mourant... qu'on ressuscite à la vie éternelle.
Amen.
Dire cette
prière est une chose, la faire sienne dans les événements de notre
vie, en est une autre ! Pour cela il est indispensable « de
garder son regard fixé sur Jésus » , le seul capable de
nous apprendre l'amour vrai, gratuit, total !
L'Ermite
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