vendredi 2 mars 2018

CE TEMPLE , C'EST VOUS !

TROISIÈME DIMANCHE DE CARÊME

(Jn 2, 13-25)


L'ancêtre du Temple, n'est autre que le Tabernacle, qui contenait les Tables de la Loi (Thora) . Le peuple de la Bible était constitué, à son origine, de nomades qui vivaient sous la tente. Les tentes ont gagné une force symbolique pour devenir plus qu’un lieu de vie, avec une tente particulièrement sainte qui est souvent mentionnée dans la Bible : la tente de la Rencontre. Elle était considérée comme le lieu de la Rencontre avec Dieu, c’est là qu’on pouvait Le consulter. Moïse va dans cette tente, pour recevoir les ordres de Dieu. Elle était vue comme un Temple portatif, précurseur du Temple de Salomon. Cette tente était le lieu où l’on plaçait l’Arche de l’Alliance, le coffre contenant les tables de la loi, reçues par Moïse sur le Sinaï. La Tente, était située, à l’extérieur du campement
 
Plus tard, dans l’histoire, cette tente évoque le temps de la découverte du Seigneur dans le désert suite à la libération de l’Égypte. La Présence divine s'y manifeste par une nuée « Tout le peuple voyait la colonne de nuée qui se tenait à l'entrée de la tente; et tout le peuple se levait, et chacun se prosternait à l'entrée de sa tente. Et le Seigneur parlait à Moïse face à face, comme un homme parle à son ami. Moïse retournait ensuite au camp; mais son serviteur, Josué, fils de Nun, jeune homme, ne s'éloignait pas du milieu de la tente. (Exode 33)
 
La Tente de la Rencontre, le Temple qui lui succède, sont des lieux sacrés, réservés à la Rencontre de Dieu ce qui suit n'a donc rien de surprenant : « Comme la Pâque juive était proche,Jésus monta à Jérusalem.Dans le Temple, il trouva installés les marchands de
bœufs, de brebis et de colombes,et les changeurs.Il fit un fouet avec des cordes,et les chassa tous du Temple,ainsi que les brebis et les bœufs ;il jeta par terre la monnaie des changeurs,renversa leurs comptoirs,et dit aux marchands de colombes :« Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Jésus, et c'est légitime, ne peut admettre que ce lieu destiné à la Rencontre de Dieu, donc, à la prière, devienne un espace de commerce . L'amour de Dieu est gratuit et, dans un lieu destiné à une relation de gratuité on vient faire des affaires financières : c'est insupportable , Jésus le dit haut et fort et prend les moyens pour que cela ne se renouvelle pas ! « Car le zèle de ta maison me dévore, Et les outrages de ceux qui t'insultent tombent sur moi. Je verse des larmes et je jeûne, Et c'est ce qui m'attire l'opprobre;… » Psaume 69,10
« Car Christ ne s'est point complu en lui-même, mais, selon qu'il est écrit: Les outrages de ceux qui t'insultent sont tombés sur moi. » Rom 15,3

Aujourd'hui, l'église succède au Temple, à nous de voir , si nous avons le zèle de Jésus pour permettre que nos églises soient ces lieux de recueillement qui permettent la Rencontre de Dieu.

N'oublions pas, par ailleurs, que nous sommes, depuis notre baptême, le « Temple de l'Esprit Saint :
« N'oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous. » (1Corinthiens 3)
« Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l'Esprit Saint, qui est en vous et que
vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre rachat. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps » (1Corinthiens 6)

Que faisons-nous du Temple de notre corps ? Avons-nous conscience de notre dignité ? Comment traitons-nous ce corps qui nous est confié et qui est la demeure de l'Esprit Saint 
 
Le risque est, soit de l’idolâtrer, soit de le négliger jusqu'au mépris, soit de lui demander trop, jusqu'à l'extrême , au point de l'user avant l'heure ! Notre corps a certes d'énormes potentialités que nous devons apprendre à gérer raisonnablement par respect de l'Auteur et de soi-même ! Rendons grâce au Seigneur pour ce merveilleux outil et accordons-lui tout le soin qui convient de façon intelligente et mesurée afin qu'il puisse longtemps servir son Créateur !

Quant aux corps de nos frères quel est notre regard ? Quel respect avons-nous à leur égard ? Prenons-nous soin des plus fragiles, ? ...

Devant la sainte colère de Jésus « Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit :L’amour de ta maison fera mon tourment. »Ce verset révèle à quel point les disciples eux-mêmes fréquentaient l’Écriture Sainte. Ce sont les détracteurs de Jésus qui s'insurgent et remettent en question la fermeté de intervention de Jésus :Des Juifs ( rappelons au passage que Jésus est Lui-même Juif, il n'y a donc pas de connotation négative ici. C'est un état de fait) l’interpellèrent :« Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » 
 
La question que nous pouvons nous poser c'est la tournure de leur interrogation : ils demandent un signe , pourquoi ? Nous sommes au tout début de l’Évangile de Jean ! Cet épisode, chez Jean, suit immédiatement celui de l'eau changée en vin pour venir au secours de jeunes mariés, à la demande de Marie Sa Mère. On sait très bien que les nouvelles circulent très vite , certains connaissent l'origine de Jésus : « que peut-il sortir de bon de Nazareth ?» le miracle de Cana pose question et voilà qu'aujourd'hui Jésus se permet de libérer la Maison de Son Père, d'un encombrement indigne du climat qui devrait être le sien ! A mon avis, nous sommes là devant un début de polémique qui ne fera que s'amplifier avec le temps et Jésus, reconnaissons-le, ne cherche pas à se défausser, mais Il utilise un langage particulièrement abstrait pour ceux qui le suivent avec un œil inquisiteur, pour les autres aussi d'ailleurs !

Jésus leur répondit :« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »Les
Juifs lui répliquèrent :« Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire,et toi, en trois jours tu le relèverais ! »Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. La première difficulté vient du langage, Jésus et ses interlocuteurs ne mettent pas les mêmes réalités sous des mots identiques ! Les uns pensent à la construction faite de pierres, alors que Jésus, parle du Sanctuaire de son Corps, lequel abrite en effet la divinité.Son Corps est sanctuarisé, Il est ce « Saint des Saints » où Dieu s'abrite, où Dieu se cache.Les compatriotes de Jésus attendent bien le Messie, mais un Messie tout autre, un Messie guerrier qui les libérera de l'occupant non, de « l'occupant - péchés, passions, » ils attendent un Messie qui leur rendra leur terre, or Jésus n'a pas de terre personnelle, mieux, Il les a toutes puisqu'Il en est le Créateur ! Comment reconnaître le Créateur, la Sagesse éternelle, sous ce voile humain qui est Sa demeure. Reconnaissons la difficulté, ne crions pas trop vite au scandale . Tout cela nous semble relativement évident, mais nous avons 2000 ans de christianisme, eux devaient apprendre à reconnaître un Dieu pauvre, un Dieu sans armée, ni armure, un ami des petits, des plus petits ! Il leur fallait descendre de haut et cela suppose un retournement, un renversement des mentalités, des valeurs, une conversion absolue, c'est le monde à l'envers ! D'ailleurs, ses apôtres, s'ils Lui font confiance, ne comprennent pas tout, loin s'en faut ! Souvenons-nous de l’Évangile de la Transfiguration . Trois d'entre eux ont été bouleversés mais jusqu'à quel point ! En redescendant de la montagne ils s'interrogent sur le sens des propos de Jésus : «  Et ils gardèrent pour eux la chose, tout en se demandant entre eux ce que signifiait " ressusciter des morts ". (Marc 9) 

 Pour comprendre, pour se mettre vraiment en route, prendre ses responsabilités il faudra non seulement le tombeau vide mais des apparitions diverses et variées ! Chacun devra faire cette expérience unique, tel Thomas, absent au bon moment, qui n'adhérera qu'à l'heure de la Rencontre personnelle. Oui, une rencontre personnelle, qui est toujours une grâce personnelle, est indispensable pour consentir à l'invraisemblable de la Foi ! Le baptême, pour chacun de nous est un don, mais en puissance, que chacun doit ratifier à un moment et il ne le peut en vérité, qu'au cœur d'une expérience unique, personnelle, individuelle, à nulle autre pareille! D'où ce verset qui suit :Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts,ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Il en est de même dans nos vies , la plupart du temps, c'est après coup qu'il nous est donné de comprendre les passages et la Présence du Seigneur dans nos vies . Nous devons apprendre à relire notre vie à la lumière de l’Écriture Sainte  pour dire avec Thomas dans un élan du cœur : « Mon Seigneur et mon Dieu » !

Souvenons-nous de Jacob :Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t'abandonnerai pas avant d'avoir accompli ce que je t'ai promis. » Jacob sortit de son sommeil et s'écria : « Vraiment, le Seigneur est dans ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas. » Saisi de crainte, il disait : « Que ce lieu est redoutable ! Il est réellement la maison de Dieu, la porte du ciel ! » (Genèse 28)

De Saint Paul sur la route de Damas et plus près de nous, Claudel « Et c'est alors que se produisit l'événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée, n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher."

Péguy« Mon vieux, écrit-il à Lotte, j'ai senti que c’était grave... J'ai fait un pèlerinage à Chartres... J'ai fait 144 km en trois jours... On voit le clocher de Chartres à 17 km sur la plaine... Dès que je l'ai vu, ça a été une extase. Je ne sentais plus rien, ni la fatigue, ni mes pieds. Toutes mes impuretés sont tombées d'un seul coup, j’étais un autre homme. J'ai prié une heure dans la cathédrale le samedi soir; j'ai prié une heure le dimanche matin avant la grand-messe... J'ai prié comme je n'avais jamais prié, j'ai pu prier pour mes ennemis... Mon gosse est sauvé, je les ai donnés tous trois à Notre-Dame. Moi, je ne peux pas m’occuper de tout... Mes petits ne sont pas baptisés. A la Sainte Vierge de s'en occuper. »

 Et tant d'autres !


A Jérusalem, où Il est arrivé, Jésus ne se cache pas, Il agit en Sauveur venu pour faire connaître Son Père et pour soulager l'homme de ses souffrances :Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque,beaucoup crurent en son nom,à la vue des signes qu’il
accomplissait.Jésus, lui, ne se fiait pas à eux,parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme Jésus n'est pas dupe, Il connaît le fond des cœurs, Il en est le Créateur ! Il connaît les fragilités des uns et des autres, Il sait que ceux qui Le louent aujourd'hui pour les bienfaits dont ils bénéficient, demain crieront avec la foule « a mort, crucifie-le ». Jésus ne se laisse pas arrêter par nos limites, Il ne manifeste aucune acrimonie, son cœur est parfaitement libre, Il est venu en Sauveur et Il est prêt à en payer le prix ! 
 
Il est bon de nous arrêter quelques instants sur les agissements de Jésus et de tenter de mettre honnêtement les nôtres en parallèle ! Avons-nous cette générosité absolue qui donne et donne encore de soi-même quelles que soient les circonstances , jusque dans d'éventuelles trahisons ? Pouvons-nous faire nôtre jusque dans les moindres détails, cette prière attribuée à St François d'Assise :

Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix :
Là où il y a de la haine, que je mette l'amour,
Là où il y a l'offense, que je mette le pardon,
Là où il y a la discorde, que je mette l'union,
Là où il y a l'erreur, que je mette la vérité,
Là où il y a le doute, que je mette la foi,
Là où il y a le désespoir, que je mette l'espérance,
Là où il y a les ténèbres, que je mette ta lumière,
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô Maître, que je ne cherche pas tant :
À être consolé... qu'à consoler,
À être compris... qu'à comprendre
À être aimé... qu'à aimer.
Car,
C'est en donnant... qu'on reçoit,
C'est en s'oubliant... qu'on trouve,
C'est en pardonnant... qu'on est pardonné,
C'est en mourant... qu'on ressuscite à la vie éternelle.
Amen. 

 
Dire cette prière est une chose, la faire sienne dans les événements de notre vie, en est une autre ! Pour cela il est indispensable « de garder son regard fixé sur Jésus » , le seul capable de nous apprendre l'amour vrai, gratuit, total !

L'Ermite

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