DEUXIEME DIMANCHE DE CARÊME
Année B
(Mc 9, 2-10)
Pourquoi l’Évangile de la Transfiguration en ce deuxième dimanche de Carême ? C'est la question qui peut nous tarauder … Il y a sans nul doute, bien des points de vue, j'opte pour celui qui me semble être le plus pertinent pour notre montée vers Pâques .
Lors de cette étape de la vie de Jésus, ne s'agit-il pas en effet d'une montée ? Qui dit « montée », dit, montagne, et c'est bien sur une montagne, celle du Tabor, que Jésus entraîne trois de Ses disciples et nous avec eux !
Pourquoi le Mont Tabor ?( s'écrit aussi Thabor) Peut-être parce qu'il s'agit d'une montagne plus isolée que les autres et Jésus sait vers quoi Il va et pourquoi Il choisit ce lieu particulier en vue de l'expérience spirituelle hors du commun qu'Il va permettre de vivre à Ses trois disciples .Du haut de ses 588 mètres, le mont Tabor domine de près de 450 mètres la plaine en contrebas, la tavor Kfar. C'est une colline isolée ou une petite montagne s'élevant brusquement d'une terre légèrement en pente ou plate, et qui n'est pas volcanique. Il a presque la forme d'une demi-sphère, surgissant d'un environnement assez plat. Dans le récit de cet événement, les Évangiles parlent, sans précision aucune, d’une haute montagne. C’est la tradition chrétienne, avec Origène, Cyrille de Jérusalem et Jérôme qui a localisé, dès les premiers siècles, la transfiguration de Jésus au Tabor.
Et nous savons que la montagne est le lieu classique des manifestations divines . Dieu se manifeste à Moïse sur la montagne du Sinaï, à Élie sur le Mont Horeb, autre nom du Sinaï.
« Notre montagne à nous » , à cette étape de notre cheminement , le sommet vers lequel nous tendons dès notre entrée en Carême, n'est-ce pas la Résurrection de Jésus qui se lève vainqueur en cette nuit pascale ? Et les quarante jours de préparation qui sont offerts ne sont-ils pas comme une longue retraite pour retrouver un peu d'intimité avec le Seigneur et faire le point ?
Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne.
Avec, Pierre Jacques et Jean, Jésus nous fait signe et nous convie à mettre nos pas dans Ses pas pour mener ce combat spirituel qui, avec Sa grâce, devrait nous ouvrir à la « transfiguration » de nos vies souvent bien terre à terre, trop terre à terre, pour avancer joyeux, de transfiguration, en transfiguration, jusqu'à notre propre « passage » qui nous conduira à notre résurrection au jour choisi par le Père.
Mais que signifie « être transfiguré » ? Au premier niveau c'est donner à une personne humaine, à son visage et à son expression, un éclat inhabituel : un sourire transfigure, la joie transfigure , l'amour vrai transfigure , autant de sentiments qui illuminent un visage, et lui donnent un éclat particulier.
Dans la foi, nous vivrons lors de notre « passage » une transformation telle que notre matérialité s'estompera au bénéfice de la lumière , nous serons les mêmes et pas tout-à-fait les mêmes, parce que nous serons transformés, transfigurés, illuminés par et dans la gloire de Dieu.
Quant à nous, si l’Église nous propose cet Évangile en début de Carême n'est-ce pas pour nous encourager sur le chemin escarpé de la conversion, à tenir bon pendant ces quarante jours pour nous « lever » avec Lui en cette Nuit à nulle autre pareille et chanter, à pleins poumons, l' ALLELUIA PASCAL ?
En
quels pays de solitude,
Quarante jours, quarante nuits,
Irez-vous
poussés par l'Esprit ?
Qu'il vous éprouve et vous dénude
!
Voyez : les temps sont accomplis,
Et Dieu vous convoque à
l'oubli
De ce qui fut vos servitudes.
Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Six jours avant cet événement, Jésus avait annoncé Sa Passion future, Pierre bouleversé par les propos de Jésus, L'a entraîné à l'écart pour Lui faire de vifs reproches, quant à Jésus, en réponse aux paroles de Pierre, Il n'hésita pas à l'admonester vivement : « Passe derrière moi Satan ! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes » Mc 8, 33b
Cette remarque de Jésus peut nous paraître excessive, elle veut simplement permettre à Pierre de se situer dans un registre très différent de celui de l'humain. Jésus veut lui révéler qu'Il est venu pour une mission bien précise et que rien ne peut, et ne doit, L'en détourner, et même pas l'amitié, une amitié qui se révèle ici particulièrement humaine. Aimer ce n'est pas faire barrière à la souffrance, aimer vraiment, c'est rester proche, se faire proche , accompagner celui qui souffre sur le chemin qui est le sien et pas celui que nous voudrions pour lui.
Quand nos frères souffrent nous ne sommes pas appelés à supprimer leur souffrance , c'est la plupart du temps impossible, mais nous devons leur être présents dans l'amitié et les accompagner sur ce chemin de vie.
Si Jésus est transfiguré ici devant Ses trois disciples, c'est pour les fortifier, leur permettre de garder l'espérance quand ils Le verront défiguré, ne dit-Il pas à Pierre à un moment : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, quand tu seras revenu, affermis tes frères. Lc 22 Jésus fait ici allusion à la trahison de Pierre et à Sa propre Passion.
Quant à la présence de Élie qui leur apparut avec Moïse, et qui tous deux s’entretenaient avec Jésus. Si elle les renvoie à l'Ancien Testament qu'ils connaissent bien , Moïse représentant la loi et Élie les Prophètes, ce que Jésus résume Lui-même en Saint Matthieu par ces mots « Donc, tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux; car c'est la Loi et les Prophètes. (Mt 7) Jésus révèle ici qu'Il s'inscrit bien dans la continuité, qu'Il est venu, non pour abolir mais pour accomplir . Jésus veut leur permettre de comprendre que ce qu'ils vivent au jour le jour, s'inscrit dans la longue et belle Histoire du Salut de l'humanité. Moïse et Élie, l’un fondant les structures et l’autre forgeant les cœurs et les âmes du peuple d’Israël. Et Jésus en conversation avec eux sur la montagne, n’était-ce pas la confirmation qu’avec Jésus, Dieu conduisait toujours la même histoire de libération et d’amour ? Jésus a voulu le montrer aux apôtres. Dieu parle, Il ne parle pas à Jésus, ni à Moïse ou Élie. Dans son infinie miséricorde, Il parle à Pierre, Jacques et Jean, qui vont encore avoir à supporter tant d’incertitudes, de peines, d’événements intolérables, demain « Voici mon Fils bien-aimé, écoutez-le !
Sur
les sommets d'incandescence
Entendrez-vous
le Bien-Aimé
Vous parlant depuis la nuée ?
Qu'il
vous prépare à ses souffrances !
Suivez Jésus transfiguré
:
Demain il sera crucifié
En
signature d'Alliance.
Et nous , dans ce monde où le Satan s'acharne, où l’église est ébranlée par toutes sortes d'accusations, les unes vraies, d'autres ô combien fausses , quelle est notre attitude intérieure, comment réagissons-nous ? Restons-nous dans la confiance ou faisons-nous partie de ceux qui aboient et colportent, le vrai et le faux sans discernement au lieu d'entrer dans la puissance du silence de Dieu et d'ADORER ?
Pourquoi
rester sur vos ornières,
Baissant vos fronts d'aveugles-nés
?
Vous
avez été baptisés !
L'amour de
Dieu fait tout renaître.
Croyez
Jésus : c'est l'Envoyé !
Vos corps à son corps sont branchés
:
Prenez à Lui d'être lumière.
De grâce soyons lumières et non ténèbres, soyons des croyants en esprit et en vérité, aimons notre Église !
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. C'est un peu comme après une retraite spirituelle, où pendant des jours on a goûté la Parole, le silence, la fraternité, la prière, en un mot on a goûté Dieu, mais il faut reprendre le cours de la vie ordinaire, redescendre de la montagne , retrouver le quotidien avec ses soucis et ses tracas, sa routine parfois... Jésus est toujours là, Jésus ne nous abandonne pas , Il est avec nous dans les moments de ferveur et Il reste avec nous dans l'ordinaire , à nous de savoir fixer notre regard sur Lui, de rester en état de veille, de devenir d' authentiques veilleurs . Quand les apôtres redescendent, quand nous redescendons de ces moments euphorisants Jésus reste avec eux, avec nous ! Jésus est le même, hier,
Ne
forez plus vos puits d'eau morte :
Vous savez bien le don de
Dieu
Et quelle est sa grâce et son jeu :
Il vous immerge, il
vous rénove !
La vie s'élève peu à peu,
Les champs sont
dorés sous vos yeux :
Embauchez-vous où Dieu moissonne !
Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Cette montagne il convient de la laisser derrière soi pour le moment, et de repartir avec Jésus sur les routes de Palestine (Embauchez-vous où Dieu moissonne !) où l'on va retrouver les difficultés du quotidien. Où l'on va suivre Jésus parfois avec enthousiasme, d'autres fois en « rechignant » devant l'effort, l'incompréhensible. Jésus ne nous demande pas de réussir, Jésus nous demande d'avancer, de Lui faire confiance. L'événement « Transfiguration » n'est autre qu'un témoin sur lequel s'appuyer pour rester debout. Quand on a vécu semblable expérience spirituelle on peut fléchir mais jamais rompre.
Les apôtres vont se disperser, ils vont prendre peur quand les ténèbres vont recouvrir la terre , quand ils vont voir leur Maître livré, exposé sur une croix infamante, un moment désorientés, accablés ils vont se retrouver, se rassembler, attendre dans la prière avec Marie, la Mère de Jésus. Et ils ont bien fait d'attendre, car l'Esprit de Jésus les a comblés et propulsés aux quatre coins du monde .
En quittant la Montagne Jésus leur demande une discrétion absolue leur expliquant d'attendre le bon moment pour s'en servir comme d'un tremplin, justement au moment où tout basculera .
Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire :« ressusciter d’entre les morts ». Sans comprendre, ils ont gardé le secret, ils ont fait confiance. Tout ce qu'ils ont vécu avec Jésus s'entrechoquait dans leurs esprits, ils ne pouvaient croire que la belle histoire se terminait ainsi. Certes ils sont repartis à la pêche, mais sans enthousiasme, les paroles de la Parole Incarnée résonnaient dans leurs esprits :
« tu es heureux Simon, fils de Jonas car ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela mais c’est Mon Père qui est dans les cieux » (Mt 16 ,17)
« veillez et priez afin que vous ne tombiez pas dans la tentation… » (Mt 26 ,41)
Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. Mt 4, 19
Déjà
vos tombes se descellent
Sous la poussée du Dieu vivant.
Regardez
: Jésus y descend !
Appelez-le : Il vous appelle.
Venez
dehors ! C'est maintenant
Le jour où la chair et le sang
Sont
travaillés de vie nouvelle.
Le Carême est pour chacun de nous un temps de grâce, si nous le voulons, pour nous laisser transfigurer avec et par Jésus ! C'est aussi un temps d'action de grâce pour faire mémoire de tous les passages du Seigneur dans nos vies : ce peut être le moment de notre première communion, de notre Profession de Foi, de notre confirmation, d'une retraite précise, d'un engagement …
Demandons à Jésus la grâce de nous attacher à Lui non pour ce qu'Il nous donne, mais pour ce qu'Il EST vraiment : le Fils Bien Aimé du Père qui a pleinement consenti à Sa Volonté en passant par notre humanité limitée, quand Il a pris un corps d'homme, par la croix où Il a anéanti le péché , pour rejaillir le matin de Pâques plus grand et plus beau encore qu'au moment de la Transfiguration dans Sa stature de RESSUSCITE !
Chant de l'Exultet
"Amour
infini de notre Père,
Suprême témoignage de tendresse,
Pour
libérer l'esclave,
Tu
as livré le Fils !
Bienheureuse
faute de l'homme,
Qui valut au monde en détresse
Le seul
Sauveur !
O
Père, accueille la flamme
Qui vers toi s'élève en offrande,
feu
de nos cœurs !"
L'Ermite