vendredi 24 mars 2017

IL VOYAIT !

QUATRIEME DIMANCHE DE CAREME

(Jn 9, 1-41

IL VOYAIT !

Dimanche dernier nous avons essayé de suivre Jésus dans ce très beau et surprenant dialogue avec cette femme Samaritaine qui n'inspirait guère le respect et qui, au terme de la RENCONTRE devint missionnaire de la Bonne Nouvelle : NE SERAIT-IL POINT LE CHRIST ?
Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un très long épisode de l’Évangile selon Saint Jean sur l'aveugle de naissance .
 A notre naissance, nous sommes TOUS, aveugles, sourds, muets, grabataires, c'est l'éducation qui nous ouvre à la vie ! Nos parents nous apprennent à regarder et voir les choses, à leur donner un nom, à écouter pour entendre, à nous tenir debout pour marcher et avancer. L'aveugle, dont il est question ici, est intrinsèquement ainsi, l'éducation n'a aucune chance de l'éveiller, il est handicapé à vie. Cependant, une rencontre unique va le combler !
Je divise en six séquences cet épisode évangélique. Après Jésus bien sûr, le personnage principal que nous retrouvons, dans chacune de ces séquences,ou presque, est l'aveugle de naissance, qui, sur l'intervention de Jésus découvre la lumière et la LUMIERE !
Jésus, un homme aveugle, les disciples : Jésus, parce qu'Il sait regarder, voit ! Et que voit-il ? Un homme aveugle de naissance qui mendie. A cette époque la maladie et plus encore l'infirmité sont vues comme une punition de Dieu , d'où la question des disciples et la réponse claire de Jésus.
PAUL CLAUDEL écrit: "Dieu n'est pas venu supprimer la souffrance, il n'est même pas venu pour l'expliquer. Il est venu pour la remplir de sa présence" (Le Heurtoir, p. 33) Il est venu la vivre avec nous, à nos côtés. Il s'est fait solidaire de nos souffrances. Il est même venu les prendre sur lui.
 Par rapport au lien entre la souffrance et le mal commis, Jésus confirme que la souffrance n'est pas forcément une conséquence directe des fautes humaines Il ne niera pourtant pas tout lien entre la souffrance et le mal moral, Jésus lui-même endurera les pires tourments, victime innocente de la malice des hommes.
Il y a dans le message de Jésus, d'une part, une invitation à lutter contre la souffrance  et, d'autre part, un appel à accepter sa propre souffrance. On retrouvera ce double aspect, qui sera précisé, dans l'attitude du Christ face à la souffrance.
Quand Il rencontre des personnes en souffrance, Jésus intervient pour les soulager, que cette souffrance soit morale ou physique.Il précise ici qu'Il doit travailler « aux œuvres de Celui qui l'a envoyé » ?. Ce qui sous-entend qu'Il est venu non seulement pour révéler l'Amour du Père, mais travailler à Ses œuvres. Un jour, Saint Irénée écrira : « la gloire de Dieu c'est l'homme debout », or un homme debout c'est un homme en pleine possession de lui-même, c'est un homme en pleine intégrité morale, psychique et physique. Jésus veut donc donner à cet homme qu'il voit limité, sa pleine intégrité, en lui offrant ce qui lui manque : voir  la Lumière. Il ne le fait pas sans préciser qu'Il est Lui-même cette LUMIERE venue éclairer ce monde qui marche dans la ténèbre. La base étant posée, Jésus s'inscrit dans l’œuvre créatrice du Père : de l'eau, de la boue  qu'Il applique sur des yeux morts, pour leur donner vie ! L'homme suivit les indications de Jésus et IL VOYAIT !
Il est, me semble-t-il, important, de préciser que cet homme, sur l'invitation de Jésus, participe au processus de sa guérison. Dieu ne fait rien sans nous, c'est vrai pour chacun ! Nous sommes invités à effectuer la petite part dont nous sommes capables, Jésus accomplit le reste. C'est vrai aujourd'hui, comme ce l'était hier. Dieu veut avoir besoin de nous pour se faire connaître, Dieu veut notre participation dans notre propre marche !
En ce temps-là,en sortant du Temple,Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance.Ses disciples l’interrogèrent :« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,pour qu’il soit né aveugle ? »Jésus répondit :« Ni lui, ni ses parents n’ont péché.Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui.Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé,tant qu’il fait jour ;la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler.Aussi longtemps que je suis dans le monde,je suis la lumière du monde. » Cela dit, il cracha à terreet, avec la salive, il fit de la boue ;puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle,et lui dit :« Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé.L’aveugle y alla donc, et il se lava ;quand il revint, il voyait.
Les voisins de l'homme aveugle et l'homme guéri Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant– car il était mendiant –,dirent
alors :« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »Les uns disaient :« C’est lui. »Les autres disaient :« Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. »Mais lui disait :« C’est bien moi. »Et on lui demandait :« Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »Il répondit :« L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue,il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit :‘Va à Siloé et lave-toi.’J’y suis donc allé et je me suis lavé ;alors, j’ai vu. »Ils lui dirent :« Et lui, où est-il ? »Il répondit :« Je ne sais pas. »
Les voisins, et nous le comprenons, s'étonnent ! Ils ont connu cet homme mendiant, parce que aveugle, pour subvenir à ses besoins, et le voilà égal à eux, il voit, se déplace librement, vaque à ses occupations ! 
Ils parlementent entre eux, l'interrogent, veulent en savoir davantage... Lui ne sait qu'une chose, et, pas la moins importante : il voit. Quelqu'un est intervenu, et a disparu sans laisser sa « carte de visite » ! L'homme dit le déroulement des faits, il ne rajoute aucune fioriture, il sait simplement qu'il voit !
Nous avons là un témoignage simple et vrai qui devrait nous éclairer sur la façon de témoigner : je dis ce que j'ai vu , pas un mot de plus ! Tout ce que je pourrais ajouter est superflu et ne peut que brouiller les pistes.
Les voisins, ont du mal à entrer dans ce qu'ils constatent, leurs avis les divisent, certains doutent ! Un aveugle qui recouvre la vue ? Cela les dépasse et ils pensent qu'il y a erreur sur la personne ! Quand une situation nous dépasse n'arrivons-nous pas à nier l'évidence ? Et pourtant, Dieu est libre de Ses dons !

« On » , les Pharisiens , l'homme guéri, ses parents ! « On » : les premières personnes qui constatent cet étrange et surprenant changement ! Sans doute les voisins ! « ON » l'amène aux Pharisiens qui se définissent
comme un mouvement de stricte observance religieuse. Flavius Josèphe, écrit « pour l’emporter sur les autres Juifs par la piété et, par une interprétation plus exacte de la Loi ». Ils font ainsi de la surenchère par rapport à la pratique commune. Leur objet c’est, selon la formule d’un de leurs docteurs, « de faire une haie à la Torah ». Ils représentent ici l'autorité religieuse qu'ils se targuent de faire respecter à la lettre. D'où cette précision « c'était un jour de Sabbat que Jésus avait fait de la boue »
Chacun sait aujourd'hui à quel point la pratique du Sabbat est pointilleuse. Nous trouvons de nombreux passages dans l’Évangile où Jésus se dresse devant des lois mesquines qui placent les êtres vivants après la loi . « Esprits pervertis, est-ce que le jour du sabbat chacun de vous ne détache pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire"  (Luc 13) 
« Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de la perdre ? »  (Luc  6) Jésus, nous le savons, place l'homme en premier ! Il nous apprend et nous invite à l'intelligence des Écritures.
L'aveugle de naissance est invité à reprendre le récit de sa guérison. Les circonstances sont différentes, mais nous retrouvons les divisions et les interrogations de la séquence précédente .A ce stade, il est demandé au « miraculé » de s'impliquer davantage : « toi que penses-tu de cette situation ? L'homme ne se fait pas prier : « pour moi, c'est un prophète ! »
Les Pharisiens ont des doutes, c'est légitime, sur la cécité antérieure de notre ami, aussi convoquent-ils les parents . Quoi de plus légitime ? Prudents, les parents qui craignent des représailles, les renvoient au témoignage de leur fils ! Ne rejoignons-nous pas le dialogue de sourds de la semaine dernière ? S'engager vraiment réclame une grande liberté intérieure. Qu'aurions-nous fait ? Comment régissons-nous habituel-lement ? Avons-nous le courage de nos opinions ? Où sommes-nous ces caméléons qui changent de couleur quand le vent risque de tourner à notre désavantage ? Avons-nous le courage de nos convictions ? Osons-nous affirmer notre foi dans un contexte défavorable ou jouons-nous l'autruche ? Autant de bonnes questions à se poser en ce carême en demandant à Jésus de nous aider à grandir en liberté et en vérité d'être.

On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle.Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir.Il leur répondit :« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé,et je vois. »Parmi les pharisiens, certains disaient :« Cet homme-là n’est pas de Dieu,puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. »D’autres disaient :« Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? »Ainsi donc ils étaient divisés.Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle :« Et toi, que dis-tu de lui,puisqu’il t’a ouvert les yeux ? »Il dit :« C’est un prophète. »Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir.C’est pourquoi
ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent :« Cet homme est bien votre fils,et vous dites qu’il est né aveugle ?Comment se fait-il qu’à présent il voie ? »Les parents répondirent :« Nous savons bien que c’est notre fils,et qu’il est né aveugle.Mais comment peut-il voir maintenant,nous ne le savons pas ;et qui lui a ouvert les yeux,nous ne le savons pas non plus.Interrogez-le,il est assez grand pour s’expliquer. »Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs.En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ.Voilà pourquoi les parents avaient dit :« Il est assez grand, interrogez-le ! »

Les Pharisiens, l'homme guéri .Cet homme ne se laisse pas impressionner par les propos désobligeants de ses interlocuteurs, il s'en tient à la même version. Quelles que soient les insinuations des pharisiens, il maintient ce qui est essentiel pour lui et qui change sa vie : « il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Les pharisiens insistent ! L'homme guéri, qui n'est pas privé d'intelligence, ni d'humour, va les piquer au vif : « Je vous l’ai déjà dit,et vous n’avez pas écouté.Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » 
C'en est trop ! Les pharisiens explosent et l'injurient. Conscient de leur mauvaise foi, l'homme les pousse dans leurs derniers retranchements : « Voilà bien ce qui est étonnant !Vous ne savez pas d’où
il est,et pourtant il m’a ouvert les yeux.Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs,mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce.Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance.Si lui n’était pas de Dieu,il ne pourrait rien faire. »Ils répliquèrent :« Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance,et tu nous fais la leçon ? »Et ils le jetèrent dehors. » Les pharisiens reprennent ici la thèse qui veut que la maladie soit la conséquence du péché personnel ou des ascendants ! En somme, ils continuent de nier l'évidence ! Peut-être pouvons-nous rentrer en nous-mêmes et tenter de discerner nos propres aveuglements ? Ici, en effet, la situation s'est inversée, l'ancien aveugle voit et constate que l'homme Jésus l'a guéri et qu'il ne pourrait poser un acte « de vie » s'il ne venait pas de Dieu. Les pharisiens, eux, sont aveuglés par leur suffisance, ils se ferment au don de Dieu, ils refusent de voir ce qui est clair, pourtant, comme de l'eau de source, les aveugles, ce sont eux ! 
Ne nous arrive-t-il pas de nier l'évidence pour sauver la face ? Dieu s'offre à nous à tous les instants, nous pouvons éprouver Sa présence la prière bien sûr, mais tout devient prière selon le regard que nous posons sur les êtres et sur les choses : la beauté de l'enfant qui s'éveille à la vie, la joie de celle ou celui qui retrouve la santé, la fleur qui s'épanouit sous nos yeux émerveillés, un coucher de soleil à nul autre pareil...Tout nous parle de l'immanence de Dieu, savons-nous Le reconnaître ? Savons-nous Le remercier ? Savons-nous Le louer ?

Jésus, l'homme guéri ! L'expression est violente « ils le jetèrent dehors. » Ce comportement exprime le dépit, la colère, les pharisiens, en quelque sorte , se « débarrassent » de cette personne devenue gênante parce que sa présence remet en question tous leurs préjugés cela leur est insupportable !
Jésus ,tenu au courant de la situation revient vers cet homme. Si Jésus le trouve, c'est qu'Il le cherchait, comme Il cherche toute brebis perdue jusqu'à la retrouver pour lui permettre de vivre en sécurité ! " Qui d'entre vous, ayant cent brebis, s'il en perd une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée? Et quand il l'a retrouvée, il la met sur ses épaules tout joyeux et, de retour à la maison, il convoque les amis et les voisins et leur dit: " Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis qui était perdue. " (Luc 15).
Ici, Jésus conduit cet homme de la lumière du jour à la LUMIERE de l'esprit , s'instaure alors ce merveilleux dialogue qui permet à cet homme de passer d'une rive à l'autre, d'un certain matérialisme à la claire vision de la foi. Pour le moment, Jésus est pour lui un prophète, celui qui a changé sa vie humaine, celui qui lui donne une place dans la communauté des hommes, qui lui permet de se tenir debout, de trouver une place dans la société, mais Jésus ne peut en rester à ce stade, l'oeuvre du Père serait inachevée : Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors.Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »Il répondit :« Et qui est-il, Seigneur,pour que je croie en lui ? »Jésus lui dit :« Tu le vois ,et c’est lui qui te parle. »Il dit :« Je crois, Seigneur ! »Et il se prosterna devant lui. » Cet homme est étonnant de pureté « d'être » ! Il ne tergiverse pas, il a une totale confiance en Celui qui vient de lui permettre de voir la lumière, il se prosterne ! C'est un acte de reconnaissance, de vénération, c'est dire : « je crois », j'adhère, je suis tiens.
Quand Jésus passe dans nos vies, et Il passe très souvent si nos yeux acceptent de Le reconnaître, savons-nous nous prosterner et adorer ? Reconnaître que Dieu est Dieu, que nous lui devons tout, ou, plus exactement que nous recevons tout de son amour ?
Jésus, des Pharisiens ! Les pharisiens ne sont jamais très loin de Jésus, ils l'épient sans cesse pour le trouver en faute, pour le pousser même à l'erreur , ils ne cherchent qu'une chose:Le prendre en défaut pour le faire condamner, Jésus les gêne ! Peut-être pourrions nous réfléchir à nos comportements lorsqu'une personne nous gêne, nous fait de l'ombre ! Essayons-nous de la présenter au Seigneur dans la prière ou bien essayons-nous, par des moyens
beaucoup moins nobles de l'éloigner ? Jésus dit alors :« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement :que ceux qui ne voient pas puissent voir,et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent :« Serions-nous aveugles, nous aussi ? »Jésus leur répondit :« Si vous étiez aveugles,vous n’auriez pas de péché ;mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’,votre péché demeure. » La remarque de Jésus est très subtile ! On peut être aveugle par méconnaissance, par défaut d'intelligence, ce n'est pas le cas ici. Les pharisiens ne sont pas aveugles, ils sont de mauvaise foi, donc leur péché demeure ! Et si c'était cela le péché contre l'Esprit Saint ?
Ensemble et les uns pour les autres, demandons au Seigneur de nous libérer de nos aveuglements petits ou grands et d'ouvrir tout grands les yeux de notre cœur pour devenir ces témoins en Esprit et Vérité dont le monde a tellement besoin.
« qui est-il, Seigneur,pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit :« Tu le vois ,et c’est lui qui te parle. » Il dit :« Je crois, Seigneur ! » A nous de le dire à notre tour : Je crois Seigneur !"

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

L'Ermite

vendredi 17 mars 2017

UN PUITS ! UNE GRANDE SOIF ! JESUS ! UNE FEMME !

TROISIEME DIMANCHE DE CARÊME


(Jn 4, 5-15.19b-26.39a.40-42)

« Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle »



Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar,près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.Là se trouvait le puits de Jacob.Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source.C’était la sixième heure, environ midi.


Le décor est planté : Jésus fatigué, à l'heure de midi, s'assied sur le margelle du puits de Jacob, disent d'autres traductions. Sans doute attend-il une opportunité pour puiser de l'eau et se rafraîchir, celle-ci ne tarde pas !
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.

Immédiatement s'instaure un dialogue. Comme toujours dans nos vies, c'est Jésus qui prend l'initiative.

Jésus lui dit :« Donne-moi à boire. »– En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.La Samaritaine lui dit :
« Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine ? »
La surprise de la Samaritaine est à la mesure de la situation !

– En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.
Pourquoi ?



"L'opposition commence par le schisme de 935 av. J.-C. Le peuple hébreu se scinde alors en deux: le Royaume du nord et le Royaume du sud. Environ deux siècles plus tard, en 721 av. J.-C., les Assyriens s'emparent de la capitale de la Samarie pour mettre fin au Royaume du nord. À partir de cette date, la population samaritaine forme un regroupement de gens constitué d'Assyriens venus repeupler la Samarie et d'Israélites non déportés du Royaume du nord. Ces deux groupes se mêlent l'un à l'autre et il en résulte une « dilution » de leurs croyances religieuses respectives. 


Deux autres faits accentuent la division entre les Samaritains et les Judéens. D'une part, au VIe siècle av. J.-C., les Samaritains se construisent un temple sur le mont Garizim. Ce nouveau lieu de culte constituera un sanctuaire rival du temple de Jérusalem. D'autre part, en 166 av. J.-C., des troupes samaritaines se joignent à l'armée séleucide pour combattre Israël lors de la révolte des frères Maccabées: « Apollonius rassembla une troupe importante de Samarie pour faire la guerre à Israël (1M3,10) 

Au temps de Jésus, les Juifs considèrent les Samaritains comme des hérétiques (ils ne reconnaissent que les cinq premiers livres de la Bible), des schismatiques (en raison de leur temple sur le mont Garizim) et même comme des païens. L'Évangile selon saint Jean témoigne notamment de ces relations tendues entre Juifs et Samaritains. Ainsi, le dialogue entre Jésus et la Samaritaine rappelle que les Juifs n'ont pas de relations avec les Samaritains (Jn 4,9). De plus, les Juifs emploient le terme « Samaritain » pour injurier Jésus: « N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon? » (Jn 8,48). Cependant, dans l'évangile selon saint Luc, Jésus rend hommage à un Samaritain. Jésus va même jusqu'à en faire un modèle de charité envers le prochain ( Lc 10,25-37)." 
Daniel Montpetit
Jésus n'entre pas dans ce genre de considération ! Pour Lui, il y a des femmes, des hommes , d'où qu'ils viennent, quels qu'ils soient, à qui Il vient révéler l'amour miséricordieux du Père et rien, ni personne, ne Le détournera de sa mission ! Il est prêt à mourir pour révéler l'amour infini de Son Père.

Jésus lui répondit :« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’,c’est toi qui lui aurais demandé,et il t’aurait donné de l’eau vive. »

L'eau vive ! Qu'est-ce que cela peut représenter pour cette femme ? Ne s'agit-il pas ici d'un dialogue de sourds ? L'un, Jésus, va doit au but, Il parle de la grâce, la Samaritaine , bien terre à terre, le prend au mot mais à son niveau, purement immédiat et matériel ! Ne sommes-nous pas très souvent confrontés à ce genre de situations ? Combien de dissensions naissent et grandissent de la sorte ! Nous ne mettons pas les mêmes réalités sous les mêmes mots ! La machine se grippe, s'emballe, la corde se distend, les tensions montent, s'enveniment , personne ne veut céder.

Qui s’assoit calmement, posément, comme Jésus , commence par écouter avant de dérouler l'écheveau enchevêtré ?Il faut prendre du temps pour cela !

Elle lui dit :« Seigneur, tu n’as rien pour puiser,et le puits est profond.D’où as-tu donc cette eau vive ?  Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits,et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »

La Samaritaine suit son idée, en femme pratique, elle effectue un état des lieux : tu n'as rien pour puiser et le puits est profond. L'eau, normalement est dans le puits , ton eau vive d'où vas-tu la sortir ? Vient la question qui devrait faire basculer cette conversation : es-tu plus grand que notre Père Jacob qui a utilisé ce puits et nous l'a légué ? Cette femme reste correcte mais renvoie Jésus à un peu plus de réalisme pratique !

Jésus sait où Il va , Il se situe à un autre niveau inconnu de son interlocu-trice. Jésus ne cherche pas la polémique, ce n'est pas Sa manière d'agir, Il ne s'embarrasse pas non plus de détails matériels inutiles ici, c'est sur le thème de l'eau , de la soif qu'Il va tenter d'éveiller cette femme , Il va la mettre en situation de désir . Il n'apporte pas une solution toute faite, Il ne plaque pas un enseignement, Il avance doucement pour permettre à cette femme d'exprimer son attente profonde. Il facilite sa réflexion, discrètement Il la fait avancer à son rythme, pour renverser la situation.

Sollicitée pour apaiser la soif de Jésus, c'est elle qui sollicite cette eau supérieure qui devrait la désaltérer à vie !

Jésus lui répondit :« Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ;mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

Jésus n'est-Il pas ce rocher dont il est question dans la première lecture, ce rocher qui vient désaltérer le monde , pourvu que le monde accepte d'être désaltéré ! « Moi, je serai là, devant toi,sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher,il en sortira de l’eau,et le peuple boira ! »Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël. Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle),parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur,et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant :« Le Seigneur est-il au milieu de nous,oui ou non ? « Donne-nous de l’eau à boire » (Ex 17, 3-7)!

Tout bascule ici. Pourtant , si cette Samaritaine avance, elle en reste au côté pratique de cette situation : apaiser sa soif , ne plus assurer la corvée d'eau ! Remonter l'eau du fond du puits n'est pas chose facile, et la transporter sous le soleil est fatiguant , imaginer la fin de cette besogne est un rêve inespéré et qui serait bienvenu !

Toutefois la Samaritaine commence à prendre conscience que cet homme, ce Juif, est différent , Il lui parle honnêtement, ne tient pas de propos désobligeants, il n'y a rien de déplacé chez lui, elle est assez fine pour percevoir un « autrement » un « plus » qui révèle une connaissance inhabituelle, d'où cette remarque : « Je vois que tu es un prophète ! »

Jésus, dans la version complète de cet épisode lui demande d'aller chercher son mari . Honnête, la Samaritaine décline le désordre de sa situation matrimoniale, pourquoi cacherait-elle quoique ce soit ? Elle se découvre connue et reconnue et n'éprouve aucune crainte ! 

 La femme lui dit :« Seigneur, donne-moi de cette eau,que je n’aie plus soif,et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.Je vois que tu es un prophète !...Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là,et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Elle se risque à souligner encore une différence et pas des moindres ! Le lieu de la « Rencontre » le lieu de l'adoration ! Elle limite Dieu, Sa Présence, à un lieu, elle L'enferme, Le réduit comme nous le faisons souvent hélas , à ses propres limites, ses propres mots, sa terre , son peuple.

Jésus lui dit :« Femme, crois-moi :l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons,car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant –où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité :tels sont les adorateurs que recherche le Père.Dieu est esprit,et ceux qui l’adorent,c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

A Son tour, Jésus se glisse dans la brèche initiée par la Samaritaine. Jésus ne brusque rien, Il marche au rythme de cette femme, Il ne s'impose pas, Il lève le voile peu à peu ! Dans notre société où la communication a le vent en poupe, où nous multiplions les techniques de dialogues, où nous investissons temps et argent avec des résultats bien médiocres, ne serait-il pas souhaitable de lire, relire, approfondir les dialogues de Jésus ? Nous dépenserions moins d'argent et nous découvri-rions le vrai respect de la personne, l'amour vrai de l'autre, nous appren-drions à écouter, à entendre, à laisser résonner en nous ce que cet autre veut dire. Je suis frappée par la quantité de conflits amicaux, familiaux, générés par l'infirmité de notre écoute. Pour bien écouter, comme Jésus, nous devons nous asseoir, prendre le temps, aller au pas de l'autre. L’Évangile qui a 2000 ans est plus jeune que toute notre technique de communication. Regardons Jésus, écoutons Jésus, imitons Jésus !

La Samaritaine, parce qu'elle a soif elle aussi, ne perd rien des paroles de Jésus , chaque fois elle rebondit sur les remarques entendues, en partant des connaissances acquises mais dépassées, puisque, avec son interlocu-teur, nous entrons dans la nouveauté de la Nouvelle Alliance. N'est-Il pas venu accomplir la loi ?


La femme lui dit :« Je sais qu’il vient, le Messie,celui qu’on appelle Christ.Quand il viendra,c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Cette femme dit des choses justes, mais le Messie qu'elle attend, comme tous ses amis d'ailleurs, est bien différent de Celui qui a la simplicité de lui demander à boire ! Bien différent de cet homme fatigué, dépourvu de serviteurs ! Reconnaître le Messie, comme cela , d'emblée, dans cet homme fatigué, assoiffé, seul, n'est pas chose facile pas plus qu'il n'est facile pour tout un chacun, aujourd'hui, de voir Jésus dans son frère pécheur, et, à plus forte raison dans le pauvre du coin de rue, dans l'assassin, le terroriste !

Jésus lui dit :« Je le suis,moi qui te parle. » Imaginons le bouleverse-ment de cette femme qui découvre dans Celui avec qui elle converse si simplement , le Messie attendu depuis des siècles ! On comprend qu'elle plaque tout, Jésus, sa cruche, le puits et rejoignent la ville pour devenir, sans en être consciente, la première missionnaire de la Samarie « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »Ils sortirent de la ville,et ils se dirigeaient vers lui.Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus.Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui,ils l’invitèrent à demeurer chez eux.Il y demeura deux jours.Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui,et ils disaient à la femme :« Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons :nous-mêmes, nous l’avons entendu,et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Ici, et il en est toujours ainsi, cette femme a été le relais nécessaire pour établir le lien, pour permettre la Rencontre Unique, avec Le Christ, mais, et les Samaritains l'ont compris , le contenu, c'est Jésus ! Dans le service d'évangélisation, nous sommes des passeurs et c'est déjà beaucoup, qui que nous soyons, mais Celui qui nourrit, Celui qui désaltère, Celui qui soigne, Celui qui guérit, Celui qui ressuscite, c'est Jésus assis sur la margelle d'un puits, ou gravissant la montagne, ou donnant Sa vie sur la croix. Nous devons apprendre à nous effacer, à disparaître pour ne pas fausser la Rencontre et permettre à nos frères de recevoir le seul et unique don de Dieu, qui est Dieu Lui-même en Jésus le Vivant !



Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?

« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,


où vos pères m’ont tenté et provoqué,


et pourtant ils avaient vu mon exploit. »





L'Ermite

vendredi 10 mars 2017

ECOUTEZ-LE

DEUXIEME DIMANCHE DE CARÊME
Mt 17, 5

Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère,
et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne.

Pourquoi ces trois et pas les autres ? Telle est sans doute la question qui encombre notre esprit ! Oui, pourquoi eux seulement ? Nous ne pouvons faire que des suppositions hasardeuses, Jésus, Lui, sait pourquoi.
L'intensité de ce qui suivra réclame sans nul doute, un climat de silence et d'intimité. Pierre, par ailleurs, est désigné et reconnu depuis peu, comme le successeur de Jésus : « moi, je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matthieu 16). Jean, quant à lui, sera présent aux côtés de Jésus, au pied de la croix, où Jésus lui confiera Sa Mère et, en la personne de Jean, qui représente l'humanité, nous confiera à sa mère ! « Jésus ayant vu sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: "Femme, voilà votre fils." 27 Ensuite il dit au disciple: "Voilà votre mère." Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (Jean 19) Et, nous le savons Dieu est libre de Ses dons, mais Ses dons ne sont pas anodins, ils engendrent une responsabilité ! Pour Jacques, je ne sais pas !
Toutefois, un témoignage est crédible, dans la mesure où trois personnes disent avoir vu et entendu la même chose ! Un seul peut être pris pour un illuminé, deux risquent de se monter la tête, le troisième permet d'être pris au sérieux !
Tous, il y a peu de temps, ont entendu la première annonce de la Passion :
« Jésus commença depuis lors à déclarer à ses disciples qu'il fallait qu'il allât à Jérusalem, qu'il souffrît beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, qu'il fût mis à mort et qu'il ressuscitât le troisième jour. » (Matthieu 16) alors que Pierre, au nom de tous vient de déclarer : " Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. (Matthieu 16) Le contexte est alourdi , le moral des troupes a besoin d'être relevé et les apôtres soudés, alors, Jésus invite ceux, du moins en ce qui concerne Pierre et Jean qui seront confrontés plus étroitement au drame de la Passion, au reniement pour Pierre et Jacques peut être ce tiers qui, le moment venu, confirmera cette expérience unique, révélatrice du mystère du Christ !
Où Jésus entraîne-t-Il ses amis ? « sur une haute montagne. » N'est-ce pas sur une montagne, le Mont Sinaï, que Moïse bénéficie de ce privilège extraordinaire de converser avec son Dieu ? Moïse, lui, devra se voiler le visage, tellement la Lumière « qui est Dieu, » l'éblouit et irradie d'ailleurs son propre visage.
La montagne est aussi un lieu recherché par Jésus pour s'y recueillir, pour converser sereinement avec son Père. C'est aussi sur la montagne qu'Il entraîne ses apôtres pour leur offrir un peu de repos, c'est sur la montagne qu'Il proclame les béatitudes...Jésus est un familier de ces lieux de recueillement qui lui offrent solitude, silence, paix .
Et n'est-ce pas sur le mont « Golgotha que se dressera la croix, étendard de notre salut ?
Il n'est donc pas surprenant que l'événement qui nous intéresse aujourd'hui se passe sur la montagne. Les trois apôtres retenus pour la circonstance, sont là et :
Il – Jésus - fut transfiguré devant eux ;
son visage devint brillant comme le soleil,
et ses vêtements, blancs comme la lumière.
Jésus fut « transfiguré » son humanité, disparaît, pourrait-on dire, sous la « métamorphose » de la Transfiguration. C'est toujours Jésus certes, mais c'est un avant-goût invisible ordinairement, de son «  Être-Dieu ». Ce qui se montre aux apôtres bouleversés c'est ce que St Jean décrira par la suite dans le prologue : En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
« la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée. Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage. Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. (Jean 1)

C'est encore ce que nous confessons lorsque nous proclamons notre foi avec le symbole de Nicée-Constantinople le dimanche :

« Il est Dieu, né de Dieu,lumière, née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu
Engendré non pas créé,
de même nature que le Père ; »

Son visage, ses vêtements, toute Son humanité s'efface pour ne laisser voir que la lumière, donc, la gloire du Ressuscité. Jésus, en cet instant veut, par avance, conforter Ses apôtres qui seront soumis à rude épreuve au moment, pendant et immédiatement après la Passion et cette mort infâme sur la croix . Cette expérience spirituelle sera bien nécessaire au moment de l'épreuve
.N'en est-il pas de même dans nos cheminements ?

Les heures de grâce ne sont-elles pas ce roc sur lequel nous pouvons nous appuyer dans les moments plus difficiles, quand la « ténèbre » domine dans nos vies ? Dieu n'est-Il pas le plus sage des pédagogues ? Ne sait-il pas ce dont nous avons besoin pour continuer notre marche vers les sommets ?

Plus tard, Jésus mettra Pierre en garde : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Luc 22) Tout notre vécu a du sans, hier, éclaire et fortifie aujourd'hui . Parfois nous ne comprenons pas. Restons dans la confiance, c'est Dieu qui nous conduit, une expérience en éclaire une autre, tout, absolument tout est grâce dans notre vie de foi.

Les apôtres ne sont pas au bout de leur étonnement : « Voici que leur
apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. » L'un, Moïse nous enracine dans la loi que Jésus vient parfaire, accomplir, conduire à son aboutissement, l'autre, Élie n'est-il pas prophète , un habitué de la « montagne » de son mystère, de son élévation ? N'incarne-t-il pas tous ceux qui, avec lui, comme lui annoncent ce Messie qui vient faire toutes choses nouvelles ? Les prophètes, représentés ici par Élie, sont rendus présents sur cette montagne du Thabor pour témoigner que ce qu'ils ont annoncé se réalise aujourd'hui et se réalisera par delà la mort physique du Christ Rédempteur ? Ils font aussi, l'unité entre l'Ancienne et la Nouvelle Alliance pour les apôtres qui sont
l’Église naissante et qui auront pour mission de la faire grandir jusqu'aux extrémités de la terre ! Mais, pour l'heure, ce que voient ces privilégiés est tellement grand, tellement beau, tellement confortable que : 


«  Pierre alors prit la parole et dit à Jésus :
« Seigneur, il est bon que nous soyons ici !
Si tu le veux,
je vais dresser ici trois tentes,
une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »


Il est des expériences spirituelles dont on ne voudrait pas voir la fin. Qui après une retraite spirituelle n'a jamais éprouvé le désir de demeurer dans le lieu béni et chaleureux ou Dieu l'a visité ? Cette tentation est fréquente , mais nous savons, au fond de notre être, que toute grâce est une force qui nous propulse vers les frères. Le don de Dieu n'est jamais pour soi tout seul, ce don est un cadeau pour mieux servir nos frères. Non pas de façon abrupte en racontant fadement l'inexprimable, mais en le distillant à doses homéopathiques parce que ce don s'est diffusé dans notre être et, à notre insu passe dans notre parole, notre comportement, notre vie tout entière. Les cadeaux de Dieu sont voulus pour nous imprégner et pour être partagés ! D'ailleurs « cet état de grâce » ne se prolonge jamais, le Seigneur a vite fait de nous rappeler à la réalité, au concret de la vie :

    Il parlait encore,
lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre,
et voici que, de la nuée, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
en qui je trouve ma joie :
écoutez-le ! »



Dieu se charge de sortir les apôtres de leur « extase ».Il y a :
  • la nuée,
  • la voix du Père ,
  • Son message d'identification,
  • et cette recommandation : écoutez-Le.Les apôtres sont enveloppés dans le rayonnement de Jésus , ils font cette expérience unique de son irradiation, ils sont pris entièrement dans ce grand mystère du Christ « lumière née de la Lumière » dans son rayonnement qui illumine leur être mais , là encore, c'est un avant-goût, une préparation de ce qui va suivre . Car en réalité eux ne sont pas dans la lumière elle -même, mais dans l'ombre de cette lumière,on ne s'approche pas du feu de Dieu sans se consumer . «  Nul ne peut voir Dieu sans mourir » lit-on dans l'Exode. La Lumière, c'est le Père, le Fils en est l'émanation et les apôtres ne font que voir,( c'est déjà énorme pour fortifier leur foi !) ils restent, pour le moment, à l'extérieur de cette lumière, et quelle n'est pas leur surprise quand, de la lumière jaillit une Parole et quelle Parole ! 
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
en qui je trouve ma joie :
Les apôtres reçoivent confirmation du balbutiement de Pierre quand Il déclare « tu es le messie de Dieu » Ce Messie est le Fils Bien-aimé qui fait la joie de Dieu. S'Il fait la joie de Dieu, c'est qu'Il est en totale harmonie avec Lui ! On ne fait pas la joie de quelqu'un si on s'affiche différent, si on n'en fait qu'à sa tête... Et le Père donne un ordre, mais un ordre plein de suavité : écoutez-Le . Il leur dit, Il nous dit, écoutez-Le, c'est en L'écoutant que vous trouverez votre bonheur « à qui irions-nous Seigneur, tu as les paroles de vie éternelle » . Écoutez-Le dans tout ce qu'Il est, dans tout ce qu'Il dit, dans ce qu'Il fait . Écoutez Jésus c'est accueillir pleinement Sa Parole dans ce qu'elle a d'exaltant, mais aussi dans ce qu'elle a de purifiant ! Si ta main... Coupe, si ton œil,... arrache ….Oui, en ce temps de carême écouter Jésus c'est aussi cela ! Écoutez Jésus, c'est Le suivre dans tous les aspects de sa vie, les heureux et les difficiles et c'est bien ce qui bouleverse ici les apôtres cette difficulté à emboîter le pas dans ceux de Jésus à tel point que :

  
 Quand ils entendirent cela,
les disciples tombèrent face contre terre
et furent saisis d’une grande crainte.
L'exigence évangélique peut nous faire peur parfois, qui n'a jamais pensé ; « mais où cela va-t-il me mener ? » Et qui n'a jamais senti la main de Jésus l'inviter doucement, en le touchant par ses sacrements, à faire confiance, à relever la tête, à élever son cœur, à reprendre courage pour avancer ?

  
 Jésus s’approcha, les toucha et leur dit :
« Relevez-vous et soyez sans crainte ! »
Jésus nous rassure, Jésus continue de nous rassurer aujourd'hui, de nous affermir et il en sera ainsi tant que nous cheminerons sur cette terre. Jésus nous relève sans cesse quand nous trébuchons, Il est toujours Celui qui nous tend Sa main, qui nous remet en route quand nous fléchissons, Jésus ouvre toujours une route nouvelle, des horizons nouveaux !

  
 Levant les yeux,
ils ne virent plus personne,
sinon lui, Jésus, seul.
L'expérience spirituelle est un moment de grâce, elle doit comme je le disais plus haut, nous permettre d'avancer plus sûrement, plus fermement
Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth s’en alla avec lui.
Comme à Abram, comme à Moïse, comme aux apôtres, comme à tout homme, toute femme qui met sa confiance dans ce Dieu Très saint et si proche , Dieu nous dit en ce Carême, « va vers le Pays que je te montrerai, sois dans la confiance, dans l'abandon, ne crains pas, je suis avec toi jusqu'à la fin des temps . »


Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

L'Ermite