vendredi 17 mars 2017

UN PUITS ! UNE GRANDE SOIF ! JESUS ! UNE FEMME !

TROISIEME DIMANCHE DE CARÊME


(Jn 4, 5-15.19b-26.39a.40-42)

« Une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle »



Jésus arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar,près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph.Là se trouvait le puits de Jacob.Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source.C’était la sixième heure, environ midi.


Le décor est planté : Jésus fatigué, à l'heure de midi, s'assied sur le margelle du puits de Jacob, disent d'autres traductions. Sans doute attend-il une opportunité pour puiser de l'eau et se rafraîchir, celle-ci ne tarde pas !
Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau.

Immédiatement s'instaure un dialogue. Comme toujours dans nos vies, c'est Jésus qui prend l'initiative.

Jésus lui dit :« Donne-moi à boire. »– En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions.La Samaritaine lui dit :
« Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine ? »
La surprise de la Samaritaine est à la mesure de la situation !

– En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains.
Pourquoi ?



"L'opposition commence par le schisme de 935 av. J.-C. Le peuple hébreu se scinde alors en deux: le Royaume du nord et le Royaume du sud. Environ deux siècles plus tard, en 721 av. J.-C., les Assyriens s'emparent de la capitale de la Samarie pour mettre fin au Royaume du nord. À partir de cette date, la population samaritaine forme un regroupement de gens constitué d'Assyriens venus repeupler la Samarie et d'Israélites non déportés du Royaume du nord. Ces deux groupes se mêlent l'un à l'autre et il en résulte une « dilution » de leurs croyances religieuses respectives. 


Deux autres faits accentuent la division entre les Samaritains et les Judéens. D'une part, au VIe siècle av. J.-C., les Samaritains se construisent un temple sur le mont Garizim. Ce nouveau lieu de culte constituera un sanctuaire rival du temple de Jérusalem. D'autre part, en 166 av. J.-C., des troupes samaritaines se joignent à l'armée séleucide pour combattre Israël lors de la révolte des frères Maccabées: « Apollonius rassembla une troupe importante de Samarie pour faire la guerre à Israël (1M3,10) 

Au temps de Jésus, les Juifs considèrent les Samaritains comme des hérétiques (ils ne reconnaissent que les cinq premiers livres de la Bible), des schismatiques (en raison de leur temple sur le mont Garizim) et même comme des païens. L'Évangile selon saint Jean témoigne notamment de ces relations tendues entre Juifs et Samaritains. Ainsi, le dialogue entre Jésus et la Samaritaine rappelle que les Juifs n'ont pas de relations avec les Samaritains (Jn 4,9). De plus, les Juifs emploient le terme « Samaritain » pour injurier Jésus: « N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon? » (Jn 8,48). Cependant, dans l'évangile selon saint Luc, Jésus rend hommage à un Samaritain. Jésus va même jusqu'à en faire un modèle de charité envers le prochain ( Lc 10,25-37)." 
Daniel Montpetit
Jésus n'entre pas dans ce genre de considération ! Pour Lui, il y a des femmes, des hommes , d'où qu'ils viennent, quels qu'ils soient, à qui Il vient révéler l'amour miséricordieux du Père et rien, ni personne, ne Le détournera de sa mission ! Il est prêt à mourir pour révéler l'amour infini de Son Père.

Jésus lui répondit :« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’,c’est toi qui lui aurais demandé,et il t’aurait donné de l’eau vive. »

L'eau vive ! Qu'est-ce que cela peut représenter pour cette femme ? Ne s'agit-il pas ici d'un dialogue de sourds ? L'un, Jésus, va doit au but, Il parle de la grâce, la Samaritaine , bien terre à terre, le prend au mot mais à son niveau, purement immédiat et matériel ! Ne sommes-nous pas très souvent confrontés à ce genre de situations ? Combien de dissensions naissent et grandissent de la sorte ! Nous ne mettons pas les mêmes réalités sous les mêmes mots ! La machine se grippe, s'emballe, la corde se distend, les tensions montent, s'enveniment , personne ne veut céder.

Qui s’assoit calmement, posément, comme Jésus , commence par écouter avant de dérouler l'écheveau enchevêtré ?Il faut prendre du temps pour cela !

Elle lui dit :« Seigneur, tu n’as rien pour puiser,et le puits est profond.D’où as-tu donc cette eau vive ?  Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits,et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? »

La Samaritaine suit son idée, en femme pratique, elle effectue un état des lieux : tu n'as rien pour puiser et le puits est profond. L'eau, normalement est dans le puits , ton eau vive d'où vas-tu la sortir ? Vient la question qui devrait faire basculer cette conversation : es-tu plus grand que notre Père Jacob qui a utilisé ce puits et nous l'a légué ? Cette femme reste correcte mais renvoie Jésus à un peu plus de réalisme pratique !

Jésus sait où Il va , Il se situe à un autre niveau inconnu de son interlocu-trice. Jésus ne cherche pas la polémique, ce n'est pas Sa manière d'agir, Il ne s'embarrasse pas non plus de détails matériels inutiles ici, c'est sur le thème de l'eau , de la soif qu'Il va tenter d'éveiller cette femme , Il va la mettre en situation de désir . Il n'apporte pas une solution toute faite, Il ne plaque pas un enseignement, Il avance doucement pour permettre à cette femme d'exprimer son attente profonde. Il facilite sa réflexion, discrètement Il la fait avancer à son rythme, pour renverser la situation.

Sollicitée pour apaiser la soif de Jésus, c'est elle qui sollicite cette eau supérieure qui devrait la désaltérer à vie !

Jésus lui répondit :« Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ;mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ;et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »

Jésus n'est-Il pas ce rocher dont il est question dans la première lecture, ce rocher qui vient désaltérer le monde , pourvu que le monde accepte d'être désaltéré ! « Moi, je serai là, devant toi,sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher,il en sortira de l’eau,et le peuple boira ! »Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël. Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle),parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur,et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant :« Le Seigneur est-il au milieu de nous,oui ou non ? « Donne-nous de l’eau à boire » (Ex 17, 3-7)!

Tout bascule ici. Pourtant , si cette Samaritaine avance, elle en reste au côté pratique de cette situation : apaiser sa soif , ne plus assurer la corvée d'eau ! Remonter l'eau du fond du puits n'est pas chose facile, et la transporter sous le soleil est fatiguant , imaginer la fin de cette besogne est un rêve inespéré et qui serait bienvenu !

Toutefois la Samaritaine commence à prendre conscience que cet homme, ce Juif, est différent , Il lui parle honnêtement, ne tient pas de propos désobligeants, il n'y a rien de déplacé chez lui, elle est assez fine pour percevoir un « autrement » un « plus » qui révèle une connaissance inhabituelle, d'où cette remarque : « Je vois que tu es un prophète ! »

Jésus, dans la version complète de cet épisode lui demande d'aller chercher son mari . Honnête, la Samaritaine décline le désordre de sa situation matrimoniale, pourquoi cacherait-elle quoique ce soit ? Elle se découvre connue et reconnue et n'éprouve aucune crainte ! 

 La femme lui dit :« Seigneur, donne-moi de cette eau,que je n’aie plus soif,et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.Je vois que tu es un prophète !...Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là,et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Elle se risque à souligner encore une différence et pas des moindres ! Le lieu de la « Rencontre » le lieu de l'adoration ! Elle limite Dieu, Sa Présence, à un lieu, elle L'enferme, Le réduit comme nous le faisons souvent hélas , à ses propres limites, ses propres mots, sa terre , son peuple.

Jésus lui dit :« Femme, crois-moi :l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons,car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant –où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité :tels sont les adorateurs que recherche le Père.Dieu est esprit,et ceux qui l’adorent,c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »

A Son tour, Jésus se glisse dans la brèche initiée par la Samaritaine. Jésus ne brusque rien, Il marche au rythme de cette femme, Il ne s'impose pas, Il lève le voile peu à peu ! Dans notre société où la communication a le vent en poupe, où nous multiplions les techniques de dialogues, où nous investissons temps et argent avec des résultats bien médiocres, ne serait-il pas souhaitable de lire, relire, approfondir les dialogues de Jésus ? Nous dépenserions moins d'argent et nous découvri-rions le vrai respect de la personne, l'amour vrai de l'autre, nous appren-drions à écouter, à entendre, à laisser résonner en nous ce que cet autre veut dire. Je suis frappée par la quantité de conflits amicaux, familiaux, générés par l'infirmité de notre écoute. Pour bien écouter, comme Jésus, nous devons nous asseoir, prendre le temps, aller au pas de l'autre. L’Évangile qui a 2000 ans est plus jeune que toute notre technique de communication. Regardons Jésus, écoutons Jésus, imitons Jésus !

La Samaritaine, parce qu'elle a soif elle aussi, ne perd rien des paroles de Jésus , chaque fois elle rebondit sur les remarques entendues, en partant des connaissances acquises mais dépassées, puisque, avec son interlocu-teur, nous entrons dans la nouveauté de la Nouvelle Alliance. N'est-Il pas venu accomplir la loi ?


La femme lui dit :« Je sais qu’il vient, le Messie,celui qu’on appelle Christ.Quand il viendra,c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Cette femme dit des choses justes, mais le Messie qu'elle attend, comme tous ses amis d'ailleurs, est bien différent de Celui qui a la simplicité de lui demander à boire ! Bien différent de cet homme fatigué, dépourvu de serviteurs ! Reconnaître le Messie, comme cela , d'emblée, dans cet homme fatigué, assoiffé, seul, n'est pas chose facile pas plus qu'il n'est facile pour tout un chacun, aujourd'hui, de voir Jésus dans son frère pécheur, et, à plus forte raison dans le pauvre du coin de rue, dans l'assassin, le terroriste !

Jésus lui dit :« Je le suis,moi qui te parle. » Imaginons le bouleverse-ment de cette femme qui découvre dans Celui avec qui elle converse si simplement , le Messie attendu depuis des siècles ! On comprend qu'elle plaque tout, Jésus, sa cruche, le puits et rejoignent la ville pour devenir, sans en être consciente, la première missionnaire de la Samarie « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? »Ils sortirent de la ville,et ils se dirigeaient vers lui.Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus.Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui,ils l’invitèrent à demeurer chez eux.Il y demeura deux jours.Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui,et ils disaient à la femme :« Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons :nous-mêmes, nous l’avons entendu,et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Ici, et il en est toujours ainsi, cette femme a été le relais nécessaire pour établir le lien, pour permettre la Rencontre Unique, avec Le Christ, mais, et les Samaritains l'ont compris , le contenu, c'est Jésus ! Dans le service d'évangélisation, nous sommes des passeurs et c'est déjà beaucoup, qui que nous soyons, mais Celui qui nourrit, Celui qui désaltère, Celui qui soigne, Celui qui guérit, Celui qui ressuscite, c'est Jésus assis sur la margelle d'un puits, ou gravissant la montagne, ou donnant Sa vie sur la croix. Nous devons apprendre à nous effacer, à disparaître pour ne pas fausser la Rencontre et permettre à nos frères de recevoir le seul et unique don de Dieu, qui est Dieu Lui-même en Jésus le Vivant !



Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?

« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,


où vos pères m’ont tenté et provoqué,


et pourtant ils avaient vu mon exploit. »





L'Ermite

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire