3ème
DIMANCHE DE PÂQUES
(Lc 24, 13-35)
Le
même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine),deux
disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs,à deux
heures de marche de Jérusalem et ils
parlaient
entre eux de tout ce qui s’était passé.Or, tandis qu’ils
s’entretenaient et s’interrogeaient,Jésus lui-même
s’approcha,et il marchait avec eux. Mais leurs
yeux étaient empêchés de le reconnaître.
Ces deux disciples ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître Jésus
ressuscité ! Souvenons-nous de Marie Madeleine ( les deux
disciples l'évoqueront d'ailleurs à un moment:) Dans son désarrois,
ne prend elle pas Jésus pour le jardinier, voire un gardien des
lieux : « elle
se retourne et aperçoit Jésus
qui était là, mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus
lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le
prenant pour le gardien, elle lui répond : « Si c'est toi qui l'as
emporté, dis-moi où tu l'as mis, et moi, j'irai le reprendre. »
Jésus
lui dit alors : « Marie ! » Elle se tourne vers lui et lui dit : «
Rabbouni ! » ce
qui veut dire : « Maître » dans la langue des Juifs ». (Jn
20) Et
nous, aujourd'hui, savons-nous reconnaître, Jésus Ressuscité,
présent dans notre vie personnelle ? Dans nos frères ?
Dans le milieu professionnel ? Dans notre paroisse ? Le
reconnaissons-nous agissant dans notre monde?Savons-nous capter les
signes indubitables de Sa Présence agissante ? Ou bien
sommes-nous de ceux qui ne voient que hasard, chance, aubaine, veine
… ? Savons-nous reconnaître « la grâce » de
Dieu , le don de Dieu dans nos vies ? Je
veille autant que possible à bannir de mon vocabulaire les termes
hasard et chance, ils sont pour moi des négations de Dieu ! Et
quand je suis en présence de personnes mal croyantes, ou
incroyantes, je prends la précaution de leur dire « pour moi
qui ai ce bonheur d'avoir reçu le don de la Foi, je vois en cette
circonstance, la main de Dieu, la grâce de Dieu » !
Heureusement nous trouvons encore, toutes générations confondues,
des personnes qui ponctuent leurs « réussites » par
l'expression « grâce à Dieu » souhaitons que ce soit
un véritable acte de Foi !
Ici,
nos deux voyageurs sont empêchés de reconnaître Jésus . Tellement
enfermés dans leur marasme, repliés sur leur déception .
N'attendaient-ils pas un chef politique, un guerrier qui mettrait de
l'ordre et libérerait le peuple de l'occupation étrangère ?
Nous,
nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël !
Leurs
idées, préconçues, leurs attentes terre-à-terre ont fermé leurs
yeux à la Lumière ! «Et
la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont
point reçue ». (Jn 1)
Pendant
des mois ils ont fait route avec Jésus et Ses disciples immédiats,
les apôtres, mais ils sont passés à côté de La Vérité sans La
reconnaître pour ce qu'Elle est, pour « Qui Elle est » !
Ils ont entendu Ses discours, Ses déclarations, Ses confidences …
mais superficiellement, la parole du Verbe Incarné les effleurait
sans plus, Elle ne rencontrait pas d'échos au fond de leur
être comme Jésus Lui-même le décrit dans la Parabole du
Semeur ….
Si
nous sommes sincères avec nous-mêmes, avec nos frères, avec le
Christ Lui-même, force nous est de reconnaître nos propres
comportements, la pauvreté de notre réflexion ! Quel Jésus
connaissons-nous ? Quel Jésus cherchons-nous ? Quels
signes attendons-nous ? « Ils demandent des signes »
dira Jésus ...Cette
génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais en fait de
signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. » Alors il les
abandonna et partit. (Mt16)
Bien
souvent nous nous fabriquons un certain Jésus que nous adaptons
à notre personnalité, à nos besoins, nos attentes, la croix nous
répugne, comme les disciples d'Emmaüs. Quand l'épreuve est là,
nos yeux sont empêchés, notre cœur se renferme, nous sommes
aveuglés,écrasés et si Jésus nous « titille » au fond
de notre cœur : « De
quoi discutez-vous en marchant ? »Comme
les deux pèlerins, ébahis, attristés, nous nous plaçons dans le
lot des incompris , de ceux qui ne trouvent pas de place dans cette
société. Comme eux, stupéfaits ( à la place de « ils »
écrivons, pensons : « nous » :
ils
(nous) s’arrêtèrent,
tout tristes.Ils
ne comprennent pas qu'on puisse ignorer ce drame ! Ils ne
comprennent pas que ce voyageur soit si mal informé ! Et ils
sont tristes, sincèrement tristes ! Comme nous sommes tristes,
déçus quand les gens ne comprennent pas notre point de vue et
quand nous ne comprenons pas l'action du Seigneur dans notre
quotidien!
L'un
d'eux prend le risque d'informer ce voyageur :L’un
des deux, nommé Cléophas,
lui répondit :« Tu es bien le
seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de
ces jours-ci. » Il leur dit :« Quels
événements ? »Ils lui répondirent :« Ce qui
est arrivé à Jésus de Nazareth,cet homme qui était un prophète
puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le
peuple : comment les grands prêtres et nos
chefs l’ont livré,ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont
crucifié. Nous,
nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël.Mais
avec tout cela,voici déjà le troisième jour qui passe depuis que
c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre
groupe nous ont remplis de stupeur.Quand, dès l’aurore, elles sont
allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son
corps ;elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu
une vision :des anges, qui disaient qu’il est vivant.
Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau,et ils
ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ;mais
lui, ils ne l’ont pas vu. » Autrement
dit : il y a bien quelques rumeurs qui circulent, mais
Lui on ne l'a pas vu !
N'êtes-vous pas surpris par cette incapacité à reconnaître dans
ce compagnon de route Celui qui est Vivant ? Tout simplement,
ces deux pèlerins ne peuvent pas imaginer une seule seconde que ce
« Prophète Jésus » ait emprunté le chemin de
l'humilité, de l'abaissement, du silence jusqu'à accepter de
mourir, comme un paria, sur une croix, et, de plus, entre deux
brigands ! Pour eux, c'est tout simplement impossible! Ils
s'étaient fabriqués un Sauveur à l'image des « Grands de ce
monde » or, Celui en qui ils avaient mis leur espérance s'est
laissé vaincre (en apparence!) par le Mal ! Il n'a rien,
absolument rien d'un Dieu à leur regard ! N'est-ce pas la
raillerie la plus cruelle qui lui fut adressée sur la croix :
« Si
tu es le Roi des Juifs, sauve-Toi, Toi même » Lc 23, 37
Terrible
défi qu'à Sa place nous aurions tenté de relever !
A
cette heure de la déréliction seule la Force de Dieu peut permettre
de tenir et de vaincre ! Mais nos frères, parce que nous
leur ressemblons comme deux gouttes d'eau, sont empêchés de
reconnaître le Saint de Dieu dans
cet Ami humilié et vaincu ! C'est là tout le paradoxe
Évangélique ! Saint Paul dira : « C’est
pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses,
les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations
angoissantes. Car,
lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. »
2 Cor, 12
Jésus
ne joue pas les « gros bras » Il ne cherche pas à leur
en remontrer mais tout simplement Jésus remonte ce que nous
appelons l’Économie du Salut, c'est à dire la longue préparation
du Peuple à travers l'Histoire sainte pour que ce Peuple accueille
le Sauveur ! Or, malgré cette longue préparation une partie de
l'humanité est encore aveuglée parce qu'elle a beaucoup de
difficultés à reconnaître un Dieu aussi humble que notre Dieu !
Un Dieu aussi patient que notre Dieu qui marche avec Son Peuple à
qui Il se révèle peu à peu ! Un Dieu aussi petit qui épouse
notre humanité jusqu'à se glisser en elle , disparaître en elle,
pour qu'elle découvre, peu à peu, combien elle est aimée et
jusqu'où va l'amour , sans quoi il n'est pas l'amour !
« Cet amour qui se prouve autant qu'il s'éprouve en aimant »
écrit Paul BAUDIQUET
Jésus
tente de les bousculer légèrement, de les aider à se souvenir
mais en vain :
:« Esprits
sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce
que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas
que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »
Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes,il leur
interpréta, dans toute l’Écriture,ce qui le concernait.
Les
deux pèlerins sont tellement au fond du fond de leur désarrois que
tout glisse, la parole de Jésus ne semble pas les atteindre :
« Jésus est mort, tout est terminé, on rentre à la
maison » ! Ils sont incapables d'entendre les
allusions de Jésus et de remonter dans leurs souvenirs pour
retrouver Ses actes et Ses Paroles ! Ils sont bloqués sur les
derniers événements et plus rien n'existe !
Ne
reconnaissez-vous pas dans leur attitude nos propres blocages ?Quand
nous connaissons l'épreuve, quand nous ne comprenons pas ce qui nous
arrive nous risquons de rester fixés, sur le moment précis,
l'événement déstabilisant et devenons imperméables à la moindre
ouverture, il n'y a que cela et rien d'autre ! Tout est noir,
horriblement noir, il n'y a pas la moindre issue, selon l'expression
bien connue : nous broyons du noir ! Nous tournons le dos à
l'essentiel, nous oublions cet essentiel à savoir : nous jeter
dans les bras de Notre Père avec confiance : «
je sais que Toi, tu sais, et que de cette impasse jaillira la
Lumière car Tu es le Dieu qui nous aime ! »
Puissions-nous comprendre une fois pour toutes que l'épreuve est un
chemin de Vérité, un chemin de Liberté ! Dieu nous parle à
travers les événements, et si nous acceptons ce qui arrive dans nos
vies Il nous conduit à bon Port, à condition que nous L'écoutions
et suivions Ses voies ! «Femme,
pourquoi pleurez-vous?" Elle leur dit:( aux anges) "Parce
qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis."
Ayant dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout; et elle ne
savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit: "Femme,
pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous?" Elle, pensant que
c'était le jardinier, lui dit: "Seigneur, si c'est vous qui
l'avez emporté, dites-moi où vous l'avez mis, et j'irai le
prendre." Jésus lui dit: "Marie!" Elle se retourna et
lui dit en hébreu: "Rabboni!" c'est à dire "Maître!"
(Jn 20)
Et
si nous sommes trop bouleversés, demandons de l'aide : à un
prêtre, une religieuse un croyant ! Il est important de ne pas
rester seul, de se faire accompagner au moment de l'épreuve!
Tout
en écoutant le voyageur, dont ils n'ont pas demandé l'identité,
tellement enfermés dans leur souffrance voilà que nos pèlerins
arrivent au village :
Quand
ils approchèrent du village où ils se rendaient,Jésus fit semblant
d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de
le retenir :« Reste avec nous,car le soir approche et
déjà
le jour baisse. »Il entra donc pour rester avec eux. Quand
il fut à table avec eux,ayant pris le pain,il prononça la
bénédiction et, l’ayant rompu,il le leur donna.
Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent,mais il
disparut à leurs regards.
Ils
ont un peu d'éducation, à l'entrée de la nuit, ils ne vont pas
abandonner l'Inconnu poursuivre son chemin seul, sans défense !
Ils ont sympathisé, ils éprouvent même un sentiment fraternel pour
cet homme qui a essayé de leur remonter le moral . Il a dit des
choses qui les touchent même si elles restent encore obscures, ils
ont besoin d'une bonne nuit pour réfléchir à Ses propos et mettre
leurs idées en ordre ! Ils invitent donc cet « étranger »
à rester avec eux , c'est la moindre des choses !
Tous
trois enfin installés autour d'une table chaleureuse s'apprêtent à
partager un repas reconstituant quand se produit l'inattendu,
l'insoupçonnable, l'incroyable ! Ils ont fait route avec Dieu
Lui-même en Jésus ressuscité qui se fait reconnaître, sans un mot
inutile à la fraction du pain ! ayant
pris le pain,il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu,il le
leur donna.C'est
à pleurer de joie ! Les écailles tombent de leurs yeux, mais,
LUI, n'est plus là !
Ils
se dirent l’un à l’autre :« Notre cœur n’était-il
pas brûlant en nous,tandis qu’il nous parlait sur la route et nous
ouvrait les Écritures ? »
Il y a des signes qui ne trompent pas : la paix du cœur, la
joie profonde, l'amour, le désir de témoigner, de ne pas garder
pour soi les merveilles que le Seigneur fait dans nos vies !
« Au diable la nuit, la fatigue de la marche, ils ne peuvent
garder pour eux seuls la merveille qu'ils viennent de vivre, ils
doivent la crier sur les toits et, en tout premier lieu aux apôtres
supposés être enfermés dans une maison verrouillée par peur
d'être inquiétés ! Ils restent , malgré tout, les amis du
crucifié ! Ils ne peuvent pas l'oublier !
Donc, sans
attendre, apparemment sans prendre autre chose que
« le-pain-partagé-Jésus-Lui-même » ils reprennent la
route :
À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à
Jérusalem.Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs
compagnons,qui leur dirent : « Le
Seigneur est réellement ressuscité :il est apparu à
Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient
ce qui s’était passé sur la route,et comment le Seigneur s’était
fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Ceux
qui sont restés et ceux qui reviennent sur leurs pas ont effectué
la même expérience , les uns et les autres explosent de joie
CHRIST EST RESSUSCITE ! CHRIST EST VIVANT !
Je
laisse ici une fois encore la parole à Paul BAUDIQUEY (prêtre
poète)
Le
lieu précis de la blessure devient celui de la Présence :
Dieu
s'y offre à nous à travers des présences
aussi
réelles, aussi fragiles, aussi incontournables
que
vous et moi.
Nous
nous offrons à Lui, à condition d'être là simplement,
offert
nu à toute rencontre.
Alors
il y aura RESURRECTION.
Il
y a résurrection ,
chaque
fois qu'une perte entraîne un gain,
chaque
fois qu'un vide ouvre à une plénitude,
et
la cruauté des peines à une vie plus féconde ;
chaque
fois que le silence mûrit en nous une parole vive
et
qu'un départ achemine à une vraie rencontre ;
et
encore quand le dénuement conduit à la vérité nue,
la
déprime à une vie plus indomptée
et
l'injustice au pardon !
Et,
en citant Pringent (journaliste) il continue :
« C'est
la vie avec ses heurts et ses malheurs
qui
éclaire, ravive et réchauffe les EVANGILES DE LA RESURRECTION.
C'est
dans le regards de tous les petits et grands ressuscités de notre
entourage
que
brille la lumière de PAQUES »
Ainsi
que dans le clair-obscur
d'une
étrange et souveraine Présence,
celle
de l'Absent qu'Il demeure depuis qu'un soir à Emmaüs …. »
Il
RENDIT GRACE, ROMPIT LE PAIN ET NOUS LE DONNA
Puissent
nos yeux demeurer GRANDS OUVERTS pour RECONNAITRE Jésus Vivant
Ressuscité qui marche avec nous à chaque instant de nos vies !
L'Ermite