vendredi 24 avril 2020

SUR NOS ROUTES D'EMMAÜS !



3ème DIMANCHE DE PÂQUES

(Lc 24, 13-35)



Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine),deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs,à deux heures de marche de Jérusalem    et ils
parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient,Jésus lui-même s’approcha,et il marchait avec eux.    Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Ces deux disciples ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître Jésus ressuscité ! Souvenons-nous de Marie Madeleine ( les deux disciples l'évoqueront d'ailleurs à un moment:) Dans son désarrois, ne prend elle pas Jésus pour le jardinier, voire un gardien des lieux : « elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le gardien, elle lui répond : « Si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et moi, j'irai le reprendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » Elle se tourne vers lui et lui dit : « Rabbouni ! » ce qui veut dire : « Maître » dans la langue des Juifs ». (Jn 20) Et nous, aujourd'hui, savons-nous reconnaître, Jésus Ressuscité, présent dans notre vie personnelle ? Dans nos frères ? Dans le milieu professionnel ? Dans notre paroisse ? Le reconnaissons-nous agissant dans notre monde?Savons-nous capter les signes indubitables de Sa Présence agissante ? Ou bien sommes-nous de ceux qui ne voient que hasard, chance, aubaine, veine … ? Savons-nous reconnaître « la grâce » de Dieu , le don de Dieu dans nos vies ? Je veille autant que possible à bannir de mon vocabulaire les termes hasard et chance, ils sont pour moi des négations de Dieu ! Et quand je suis en présence de personnes mal croyantes, ou incroyantes, je prends la précaution de leur dire « pour moi qui ai ce bonheur d'avoir reçu le don de la Foi, je vois en cette circonstance, la main de Dieu, la grâce de Dieu » ! Heureusement nous trouvons encore, toutes générations confondues, des personnes qui ponctuent leurs « réussites » par l'expression «  grâce à Dieu » souhaitons que ce soit un véritable acte de Foi !
Ici, nos deux voyageurs sont empêchés de reconnaître Jésus . Tellement enfermés dans leur marasme, repliés sur leur déception . N'attendaient-ils pas un chef politique, un guerrier qui mettrait de l'ordre et libérerait le peuple de l'occupation étrangère ? Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ! Leurs idées, préconçues, leurs attentes terre-à-terre ont fermé leurs yeux à la Lumière ! «Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue ». (Jn 1) 
Pendant des mois ils ont fait route avec Jésus et Ses disciples immédiats, les apôtres, mais ils sont passés à côté de La Vérité sans La reconnaître pour ce qu'Elle est, pour « Qui Elle est » ! Ils ont entendu Ses discours, Ses déclarations, Ses confidences … mais superficiellement, la parole du Verbe Incarné les effleurait sans plus, Elle ne rencontrait pas d'échos au fond de leur être comme Jésus Lui-même le décrit dans la Parabole du Semeur ….
Si nous sommes sincères avec nous-mêmes, avec nos frères, avec le Christ Lui-même, force nous est de reconnaître nos propres comportements, la pauvreté de notre réflexion ! Quel Jésus connaissons-nous ? Quel Jésus cherchons-nous ? Quels signes attendons-nous ? « Ils demandent des signes » dira Jésus ...Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. » Alors il les abandonna et partit. (Mt16)
Bien souvent nous nous fabriquons un certain Jésus que nous adaptons à notre personnalité, à nos besoins, nos attentes, la croix nous répugne, comme les disciples d'Emmaüs. Quand l'épreuve est là, nos yeux sont empêchés, notre cœur se renferme, nous sommes aveuglés,écrasés et si Jésus nous « titille » au fond de notre cœur : « De quoi discutez-vous en marchant ? »Comme les deux pèlerins, ébahis, attristés, nous nous plaçons dans le lot des incompris , de ceux qui ne trouvent pas de place dans cette société. Comme eux, stupéfaits ( à la place de  « ils » écrivons, pensons : « nous » :
ils (nous) s’arrêtèrent, tout tristes.Ils ne comprennent pas qu'on puisse ignorer ce drame ! Ils ne comprennent pas que ce voyageur soit si mal informé ! Et ils sont tristes, sincèrement tristes ! Comme nous sommes tristes, déçus quand les gens ne comprennent pas notre point de vue et quand nous ne comprenons pas l'action du Seigneur dans notre quotidien!
L'un d'eux prend le risque d'informer ce voyageur :L’un des deux, nommé Cléophas,
lui répondit :« Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »    Il leur dit :« Quels événements ? »Ils lui répondirent :« Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth,cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :    comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré,ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.    Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël.Mais avec tout cela,voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.    À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur.Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,    elles n’ont pas trouvé son corps ;elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision :des anges, qui disaient qu’il est vivant.    Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau,et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ;mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Autrement dit : il y a bien quelques rumeurs qui circulent, mais Lui on ne l'a pas vu ! N'êtes-vous pas surpris par cette incapacité à reconnaître dans ce compagnon de route Celui qui est Vivant ? Tout simplement, ces deux pèlerins ne peuvent pas imaginer une seule seconde que ce « Prophète Jésus » ait emprunté le chemin de l'humilité, de l'abaissement, du silence jusqu'à accepter de mourir, comme un paria, sur une croix, et, de plus, entre deux brigands ! Pour eux, c'est tout simplement impossible! Ils s'étaient fabriqués un Sauveur à l'image des « Grands de ce monde » or, Celui en qui ils avaient mis leur espérance s'est laissé vaincre (en apparence!) par le Mal ! Il n'a rien, absolument rien d'un Dieu à leur regard ! N'est-ce pas la raillerie la plus cruelle qui lui fut adressée sur la croix : « Si tu es le Roi des Juifs, sauve-Toi, Toi même » Lc 23, 37 Terrible défi qu'à Sa place nous aurions tenté de relever !
A cette heure de la déréliction seule la Force de Dieu peut permettre de tenir  et de vaincre ! Mais nos frères, parce que nous leur ressemblons comme deux gouttes d'eau, sont empêchés de reconnaître le Saint de Dieu dans cet Ami humilié et vaincu ! C'est là tout le paradoxe Évangélique ! Saint Paul dira : « C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » 2 Cor, 12
Jésus ne joue pas les « gros bras » Il ne cherche pas à leur en remontrer mais tout simplement Jésus remonte ce que nous appelons l’Économie du Salut, c'est à dire la longue préparation du Peuple à travers l'Histoire sainte pour que ce Peuple accueille le Sauveur ! Or, malgré cette longue préparation une partie de l'humanité est encore aveuglée parce qu'elle a beaucoup de difficultés à reconnaître un Dieu aussi humble que notre Dieu ! Un Dieu aussi patient que notre Dieu qui marche avec Son Peuple à qui Il se révèle peu à peu ! Un Dieu aussi petit qui épouse notre humanité jusqu'à se glisser en elle , disparaître en elle, pour qu'elle découvre, peu à peu, combien elle est aimée et jusqu'où va l'amour , sans quoi il n'est pas l'amour ! « Cet amour qui se prouve autant qu'il s'éprouve en aimant » écrit Paul BAUDIQUET
Jésus tente de les bousculer légèrement, de les aider à se souvenir mais en vain :
:« Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !    Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »    Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes,il leur interpréta, dans toute l’Écriture,ce qui le concernait.    
Les deux pèlerins sont tellement au fond du fond de leur désarrois que tout glisse, la parole de Jésus ne semble pas les atteindre : « Jésus est mort, tout est terminé, on rentre à la maison » ! Ils sont incapables d'entendre les allusions de Jésus et de remonter dans leurs souvenirs pour retrouver Ses actes et Ses Paroles ! Ils sont bloqués sur les derniers événements et plus rien n'existe !
Ne reconnaissez-vous pas dans leur attitude nos propres blocages ?Quand nous connaissons l'épreuve, quand nous ne comprenons pas ce qui nous arrive nous risquons de rester fixés, sur le moment précis, l'événement déstabilisant et devenons imperméables à la moindre ouverture, il n'y a que cela et rien d'autre ! Tout est noir, horriblement noir, il n'y a pas la moindre issue, selon l'expression bien connue : nous broyons du noir ! Nous tournons le dos à l'essentiel, nous oublions cet essentiel à savoir : nous jeter dans les bras de Notre Père avec confiance : «  je sais que Toi, tu sais, et que de cette impasse jaillira la Lumière car Tu es le Dieu qui nous aime ! » Puissions-nous comprendre une fois pour toutes que l'épreuve est un chemin de Vérité, un chemin de Liberté ! Dieu nous parle à travers les événements, et si nous acceptons ce qui arrive dans nos vies Il nous conduit à bon Port, à condition que nous L'écoutions et suivions Ses voies ! «Femme, pourquoi pleurez-vous?" Elle leur dit:( aux anges) "Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." Ayant dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout; et elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit: "Femme, pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous?" Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: "Seigneur, si c'est vous qui l'avez emporté, dites-moi où vous l'avez mis, et j'irai le prendre." Jésus lui dit: "Marie!" Elle se retourna et lui dit en hébreu: "Rabboni!" c'est à dire "Maître!" (Jn 20) 
Et si nous sommes trop bouleversés, demandons de l'aide : à un prêtre, une religieuse un croyant ! Il est important de ne pas rester seul, de se faire accompagner au moment de l'épreuve!
Tout en écoutant le voyageur, dont ils n'ont pas demandé l'identité, tellement enfermés dans leur souffrance voilà que nos pèlerins arrivent au village :
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient,Jésus fit semblant d’aller plus loin.    Mais ils s’efforcèrent de le retenir :« Reste avec nous,car le soir approche et
déjà le jour baisse. »Il entra donc pour rester avec eux.    Quand il fut à table avec eux,ayant pris le pain,il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu,il le leur donna.    Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent,mais il disparut à leurs regards. 
Ils ont un peu d'éducation, à l'entrée de la nuit, ils ne vont pas abandonner l'Inconnu poursuivre son chemin seul, sans défense ! Ils ont sympathisé, ils éprouvent même un sentiment fraternel pour cet homme qui a essayé de leur remonter le moral . Il a dit des choses qui les touchent même si elles restent encore obscures, ils ont besoin d'une bonne nuit pour réfléchir à Ses propos et mettre leurs idées en ordre ! Ils invitent donc cet « étranger » à rester avec eux , c'est la moindre des choses !
Tous trois enfin installés autour d'une table chaleureuse s'apprêtent à partager un repas reconstituant quand se produit l'inattendu, l'insoupçonnable, l'incroyable ! Ils ont fait route avec Dieu Lui-même en Jésus ressuscité qui se fait reconnaître, sans un mot inutile à la fraction du pain ! ayant pris le pain,il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu,il le leur donna.C'est à pleurer de joie ! Les écailles tombent de leurs yeux, mais, LUI, n'est plus là !
   Ils se dirent l’un à l’autre :« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous,tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » Il y a des signes qui ne trompent pas : la paix du cœur, la joie profonde, l'amour, le désir de témoigner, de ne pas garder pour soi les merveilles que le Seigneur fait dans nos vies ! « Au diable la nuit, la fatigue de la marche, ils ne peuvent garder pour eux seuls la merveille qu'ils viennent de vivre, ils doivent la crier sur les toits et, en tout premier lieu aux apôtres supposés être enfermés dans une maison verrouillée par peur d'être inquiétés ! Ils restent , malgré tout, les amis du crucifié ! Ils ne peuvent pas l'oublier !
Donc,  sans attendre, apparemment sans prendre autre chose que « le-pain-partagé-Jésus-Lui-même » ils reprennent la route :  À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem.Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons,qui leur dirent :    « Le Seigneur est réellement ressuscité :il est apparu à Simon-Pierre. »    À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route,et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Ceux qui sont restés et ceux qui reviennent sur leurs pas ont effectué la même expérience , les uns et les autres explosent de joie CHRIST EST RESSUSCITE ! CHRIST EST VIVANT !


Je laisse ici une fois encore la parole à Paul BAUDIQUEY (prêtre poète)
Le lieu précis de la blessure devient celui de la Présence :
Dieu s'y offre à nous à travers des présences
aussi réelles, aussi fragiles, aussi incontournables
que vous et moi.
Nous nous offrons à Lui, à condition d'être là simplement,
offert nu à toute rencontre.
Alors il y aura RESURRECTION.
Il y a résurrection ,
chaque fois qu'une perte entraîne un gain,
chaque fois qu'un vide ouvre à une plénitude,
et la cruauté des peines à une vie plus féconde ;
chaque fois que le silence mûrit en nous une parole vive
et qu'un départ achemine à une vraie rencontre ;
et encore quand le dénuement conduit à la vérité nue,
la déprime à une vie plus indomptée
et l'injustice au pardon !
Et, en citant Pringent (journaliste) il continue :
« C'est la vie avec ses heurts et ses malheurs
qui éclaire, ravive et réchauffe les EVANGILES DE LA RESURRECTION.
C'est dans le regards de tous les petits et grands ressuscités de notre entourage
que brille la lumière de PAQUES »
Ainsi que dans le clair-obscur
d'une étrange et souveraine Présence,
celle de l'Absent qu'Il demeure depuis qu'un soir à Emmaüs …. »
Il RENDIT GRACE, ROMPIT LE PAIN ET NOUS LE DONNA



Puissent nos yeux demeurer GRANDS OUVERTS pour RECONNAITRE Jésus Vivant Ressuscité qui marche avec nous à chaque instant de nos vies !
L'Ermite

vendredi 17 avril 2020

LA MISERICORDE DU SEIGNEUR, A JAMAIS JE LA CHANTERAI !


2ème DIMANCHE DE PÂQUES

FÊTE DE LA DIVINE 

MISERICORDE

(Jn 20, 19-31)



En introduction à cette fête je laisse la parole à la conférence des évêques de France :
La Miséricorde est une attitude caractéristique de Dieu qui peut le définir tout entier : comme le disait Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, « Il n’est qu’amour et miséricorde».
La Miséricorde est révélatrice du soin dont le Père entoure ses enfants : Dieu écoute avec attention ce qui monte du cœur de l’homme ce qui provoque en Lui une attention quasi-maternelle. L’homme peut alors accepter de voir la misère, la pauvreté, l’étroitesse de sa vie. Face à nos difficultés à aimer et à pardonner, Dieu lui-même vient combler nos manques et restaurer notre humanité pour nous orienter vers une vie plus donnée.
En latin Miseri veut dire « les pauvres » et Cor, « le cœur ». Miseri-cor, c’est le cœur vers les pauvres. La miséricorde consiste à avoir le cœur qui bat pour les pauvres. Quoi de plus beau, de plus chaleureux, de plus courageux ! Le mot miséricorde, dit Saint Thomas d’Aquin, signifie un cœur rendu misérable par la misère d’autrui. La miséricorde, c’est la compassion pour toutes les formes de souffrances ; c’est la patience bienveillante devant la lenteur de la conversion ; c’est le pardon généreux envers qui se reprend ; c’est le cœur qui s’ouvre devant la misère du prochain.

Ce cœur sensible à la misère ne se réduit pas à des sentiments à de l’émotion. Ce cœur est une attitude de toute la personne, un engagement de la volonté, à la fois une disposition de l’âme et une manière d’agir. Il pousse à vouloir faire cesser la misère du prochain comme on le ferait pour la sienne.

La miséricorde n’est pas une posture humaine, même relookée. C’est l’être intime de Dieu, son cœur de Père, sa bienveillance envers les hommes et le monde, son attribut ultime, l’expression la plus haute de sa justice. La miséricorde, telle que l’Écriture Sainte nous la dévoile, c’est Dieu saisi aux entrailles par ma détresse qui vient à mon secours et me délivre (1).

La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme,
pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance
d’être aimé pour toujours

Extraits de la Bulle :
« La miséricorde, c’est l’acte ultime et suprême par lequel Dieu vient à notre rencontre. La miséricorde, c’est la loi fondamentale qui habite le cœur de chacun lorsqu’il jette un regard sincère sur le frère qu’il rencontre sur le chemin de la vie.

La miséricorde, c’est le chemin qui unit Dieu et l’homme, pour qu’il ouvre son cœur à l’espérance d’être aimé pour toujours malgré les limites de notre péché. » Pape François, Bulle d’Indiction, N°2.

« La miséricorde de Dieu n’est pas une idée abstraite, mais une réalité concrète à travers laquelle Il révèle son amour comme celui d’un père et d’une mère qui se laissent émouvoir au plus profond d’eux mêmes par leur fils. Il est juste de parler d’un amour « viscéral ». Il vient du cœur comme un sentiment profond, naturel, fait de tendresse et de compassion, d’indulgence et de pardon. » Pape François, Bulle d’indiction, N°6


C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine,
alors que
les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs,Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.Il leur dit :« La paix soit avec vous ! »    
De la MISERICORDE il en faut, ô combien ! Jésus a été abandonné par les siens durant la Passion, seul Jean le disciple bien-aimé est resté debout au pied de la croix avec Marie , la Mère de Jésus !
C'est lui qui a eu le privilège de l'accueillir en notre nom comme Mère et c'est lui qui lui a été confié, en notre nom, comme fils ! C'est depuis cet instant que nous pouvons nous adresser à elle comme à notre Maman, et nous savons ce que cela signifie quand nous avons eu cette grâce d'être accompagné par une vraie Maman ! Peut-être avons-nous des difficultés à reconnaître Marie comme telle, dans ce cas, ne craignons pas de rentrer en nous-mêmes , de réfléchir à la place de notre Maman terrestre dans notre vie d'enfant, de jeune , d'adulte et nous trouverons les mots, les silences, pour lui exprimer qui Elle est pour nous et à quel point Elle compte dans notre vie !
Mais revenons à ces versets bouleversants en cette circonstance : les disciples qui ont fuit, se sont enfermés, ils ont même verrouillé les portes, ils ont tellement peur à cette heure d'être conduits comme Jésus devant un prétoire et de finir sur une croix !
Notons toutefois qu'ils ne se sont pas éparpillés, ils sont rassemblés dans un même lieu ! Sans doute sont-ils habités par un certain nombre de questions auxquelles ils voudraient réfléchir calmement, à l'abri du bruit, des curieux et de ceux qui seraient tentés de leur demander des comptes, comme la servante avec Pierre !
Et voilà que Jésus Lui-même se rend présent au milieu d'eux et quelle est Sa salutation :  « La paix soit avec vous » Jésus ne leur demande pas de rendre des comptes sur leur comportement durant la Passion, Jésus vient en messager de Paix ! Jésus leur offre la Paix ! Autrement dit : Son pardon ! Ne trouvez-vous pas cela inouï, hors du commun ? Sommes-nous prêts, alors que nous savons que tel groupe nous dénigre, nous fait du mal à nous présenter en toute simplicité en offrant la Paix de Jésus ?
Quand nous sommes invités à transmettre la Paix de Jésus à nos frères les plus proches de notre espace le dimanche, comment le faisons-nous ? Prenons-nous le temps de regarder la personne ou nous dépêchons-nous pour transmettre un rite à un plus grand nombre de personnes possibles un peu comme un jeu d'enfants ! Par ailleurs, nous plaçons-nous indifféremment ici, ou là selon notre arrivée ou veillions-nous à éviter tel ou telle parce que sa tête ne nous revient pas ou parce que nous avons eu un différent avec cette personne ? Ne serait-ce pas le moment de lui offrir la Paix de Jésus en la regardant avec amour ?
Confinement ! Confinement ! Tu nous déranges pas mal , puisses-tu nous aider à revoir comment nous vivons ce don de la foi, ce don de l'amour fraternel , ce don de la paix et tout le cortège des vertus ! C'est saint François d'Assise qui a écrit une très belle salutation des vertus ! Elle est un peu longue mais je n'hésite pas à vous la partager , après tout nous sommes confinés, à la maison, nous trouverons bien un moment !
« Salut, reine Sagesse, que le Seigneur te garde avec ta sœur, sainte et pure simplicité !
Dame Sainte Pauvreté, que le Seigneur te garde avec ta sœur Sainte Humilité !
Dame Sainte Charité, que le Seigneur te garde avec ta Sœur Sainte Obéissance !
Vous toutes Saintes vertus que le Seigneur vous garde, Lui, de qui vous procédez et venez. Nul homme en ce monde, si d'abord il ne meurt, ne peut posséder une seule d'entre vous. Qui possède l'une et ne blesse pas les autres, il les possède toutes!Qui blesse l'une les blesse toutes et n'en possède aucune ! Chacune d'elles met en déroute les vices et les péchés.
Sainte Sagesse confond Satan et toutes ses malices !
Pure et Sainte Simplicité confond toute sagesse de ce monde et toute sagesse de la chair !
Sainte Pauvreté confond cupidité, avarice et les soucis matériels de ce monde !
Sainte Humilité confond l'orgueil et toutes les vanités de ce monde et toutes les prétentions de ce monde !
Sainte Charité confond toutes les tentations qu'elles viennent du diable ou de la chair et toutes les craintes égoïstes.
Sainte Obéissance confond toute volonté propre et tout charnel attachement et toute charnelle obstination. C'est elle qui tient le corps mortifié pour qu'il obéisse à l'esprit , pour qu'il obéisse à son frère ! C'est elle qui rend l'homme docile et soumis à n'importe quel homme de ce monde, et non seulement aux hommes, mais aux bêtes et aux fauves eux-mêmes, les laissant disposer de lui comme ils veulent, autant que d' En-Haut leur permet le Seigneur !
Amen !
Saint François d'Assise (1182- 1226)
Regardons Jésus ! Il ne dit pas : Eh toi Pierre, eh, vous ses compagnons , asseyons-nous, discutons un peu, mettons les choses à plat … non ! Jésus offre la PAIX à chacun et à tous , sans la moindre distinction, sans le moindre reproche ! La paix, ce don merveilleux, le troisième dans l'ordre des fruits de l'Esprit selon Paul qui cite en premier l'Amour, puis la joie et vient la Paix !
« voici ce que produit l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. Face à tout cela, il n'y a plus de loi qui tienne. »(Galates 5)
Sans doute les disciples pensent-ils à ce premier envoi en mission où Jésus leur demande de saluer en offrant la paix « Dans quelque maison que vous entriez, dites d'abord: "Paix à cette maison. » (Luc 10)
N'est-ce pas dans ce but que Jésus vient parmi nous ? «  il est apparu à ceux qui demeuraient dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour guider nos pas sur le chemin de la paix. (Luc 1)
Ailleurs, pour signifier le pardon, Jésus ne dit-Il pas à à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! » (Luc 7)
Certes, à un moment Jésus déclarera : « Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. » (Luc 12) Le contexte est très différent, Jésus parle là du combat spirituel, des choix que nous devons faire si nous voulons marcher sur Ses traces  ! Son désir le plus profond n'est-il pas que nous trouvions la paix, que nous vivions en paix « sans ombre ni trouble au visage » ? « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; je ne la donne pas comme la donne le monde. Que votre cœur ne se trouble point et ne s'effraye point.Vous avez entendu que je vous ai dit: Je m'en vais, et je reviens à vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père, car mon Père est plus grand que moi.Et maintenant, je vous ai dit ces choses avant qu'elles n'arrivent, afin que, quand elles seront arrivées, vous croyiez ». (Jn 14)
et plus loin :
Je vous ai dit tout cela pour que vous trouviez en moi la paix. Dans le monde, vous trouverez la détresse, mais ayez confiance : moi, je suis vainqueur du monde. (Jean 16)
Il est venu le temps de la foi ! Il est venu le temps de l’Église ! Elle est venue l'heure du triomphe de la Lumière sur les ténèbres, la victoire du crucifié et Jésus peut en donner la preuve : il leur montra ses mains et son côté.Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.    Jésus leur dit de nouveau :« La paix soit avec vous !De même que le Père m’a envoyé,moi aussi, je vous envoie. »    Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit :« Recevez l’Esprit Saint.    À qui vous remettrez ses péchés,ils seront remis ;à qui vous maintiendrez ses péchés,ils seront maintenus. » Jésus montre la marque des clous et de la lance pour lever tout équivoque, pour enraciner la foi vacillante de Ses amis dans la vérité de Son Être de ressuscité ce qui les comble de JOIE comme Marie fut comblée de Joie à l'annonce de l'Ange ! et, pour authentifier la mission qu'Il leur confie et dont ils ont eu un avant-goût quand Il les formait lors d'envois en mission . Ici il y a une nuance d'importance :il souffla sur eux et il leur dit :« Recevez l’Esprit Saint. Comme le Créateur souffla sur Adam pour en faire un « vivant ! »
Le Seigneur Dieu forma l'homme de la poussière du sol, et il souffla dans ses narines un souffle de vie, et l'homme devint un être vivant. (Gn 2)
Les apôtres sont envoyés pour donner et redonner la vie ( par les sacrements) c'est là leur mission essentielle. Ce qui se perpétue jusqu'à nos jours, essentiellement lors de l'ordination sacerdotale ! Mais il y a un « hic » quelqu'un manquait à cette rencontre ! Qu'aurions-nous dit ? Qu'aurions-nous fait ? Avec sagacité certains auraient déclaré:tant pis pour lui, sa place était avec le groupe ! Thomas n'avait qu'à être là ! Où traîne-t-il ? C'est de sa faute :
Or, l’un des Douze, Thomas,appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau),n’était pas avec eux quand Jésus était venu.    Les autres disciples lui disaient :« Nous avons vu le Seigneur ! »Mais il leur déclara :« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous,si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous,si je ne mets pas la main dans son côté,non, je ne croirai pas ! »
Ce n'est pas « le faire » de Dieu, Jésus le Miséricordieux a compassion de ce frère troublé, Il comprend ses doutes, ses angoisses . Avoir le cœur rempli de miséricorde signifie avoir le coeur plein de compassion, sensible à la souffrance d'autrui, c'est, en quelque sorte, se glisser dans la personne pour prendre avec elle le poids de sa détresse . N'est-ce pas pour cela qu'est venu Jésus ? Prendre sur Lui le péché de l'homme sans pécher Lui-même à Son tour !
Là encore il bon de rentrer en soi, dans la chambre secrète de son cœur pour en extraire les serpents de la jalousie, du jugement, de la médisance, de la vengeance, de la colère et j'en passe !
Que fait Jésus le Miséricordieux ?
Huit jours plus tard,les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison,et Thomas était avec eux.Jésus vient,alors que les portes étaient verrouillées,et il était là au milieu d’eux.Il dit : « La paix soit avec vous ! »    Puis il dit à Thomas :« Avance ton doigt ici, et vois mes mains ;avance ta main, et mets-la dans mon côté :cesse d’être incrédule,sois croyant. »    Alors Thomas lui dit :« Mon Seigneur et mon Dieu ! »    Jésus lui dit :« Parce que tu m’as vu, tu crois.Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Dans Son infinie compassion pour notre humanité Jésus se rend présent une nouvelle fois au milieu du collège des Apôtres réunis au complet cette fois , Il réitère cette salutation qui manifeste bien Sa volonté de pardon et propose à Thomas, l'incrédule, de faire une expérience exceptionnelle à savoir : de mettre son doigt dans les cicatrices des clous, sa main dans celle du côté , l'invitant à plus de confiance ! Thomas ne discute plus, il ne peut qu' ADORER : Mon Seigneur et Mon Dieu est sa seule réponse. Une réponse qui en dit long sur le bouleversement qui le transforme, bien plus et bien mieux que ne l'aurait fait un discours moralisateur !
Souvent, très souvent, trop souvent, nous nous perdons dans un flot de paroles pensant aider au redressement de ceux qui nous sont confiés alors qu'un geste, une parole, bien choisis, suffiraient à dynamiser le frère, la sœur en difficulté !
La Miséricorde du Seigneur, à jamais je la chanterai ! La Miséricorde du
Seigneur, à jamais je la chanterai ! La Miséricorde ...
Et ne pensons pas trop vite que la vie de Jésus se réduit à ce que nous résument les Évangiles Saint Jean ne manque pas de nous le dire :
Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.    Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Les Évangélistes ont retenu et transmis l'essentiel de ces trois années de vie commune à l'école de Jésus, l'indispensable pour nourrir notre foi et nous permettre de nous acheminer , dans l'amour , vers la Jérusalem d' En Haut, là où il n'y aura plus ni larmes, ni pleurs ni : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu. Et celui qui était assis sur le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit: Écris; car ces paroles sont certaines et véritables.… Ap 21
Avez-vous remarqué ? La terre , est le tabernacle de Dieu parmi les hommes depuis que Jésus est venu l'habiter , en avons-nous conscience ? En cette si belle et grande fête de la MISERICORDE DIVINE, demandons à Jésus de devenir, avec Sa grâce, peu à peu, ces « tabernacles » qui rayonnent AMOUR, JOIE ! ET PAIX !


L'Ermite