vendredi 24 avril 2020

SUR NOS ROUTES D'EMMAÜS !



3ème DIMANCHE DE PÂQUES

(Lc 24, 13-35)



Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine),deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs,à deux heures de marche de Jérusalem    et ils
parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient,Jésus lui-même s’approcha,et il marchait avec eux.    Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Ces deux disciples ne sont pas les seuls à ne pas reconnaître Jésus ressuscité ! Souvenons-nous de Marie Madeleine ( les deux disciples l'évoqueront d'ailleurs à un moment:) Dans son désarrois, ne prend elle pas Jésus pour le jardinier, voire un gardien des lieux : « elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Le prenant pour le gardien, elle lui répond : « Si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et moi, j'irai le reprendre. » Jésus lui dit alors : « Marie ! » Elle se tourne vers lui et lui dit : « Rabbouni ! » ce qui veut dire : « Maître » dans la langue des Juifs ». (Jn 20) Et nous, aujourd'hui, savons-nous reconnaître, Jésus Ressuscité, présent dans notre vie personnelle ? Dans nos frères ? Dans le milieu professionnel ? Dans notre paroisse ? Le reconnaissons-nous agissant dans notre monde?Savons-nous capter les signes indubitables de Sa Présence agissante ? Ou bien sommes-nous de ceux qui ne voient que hasard, chance, aubaine, veine … ? Savons-nous reconnaître « la grâce » de Dieu , le don de Dieu dans nos vies ? Je veille autant que possible à bannir de mon vocabulaire les termes hasard et chance, ils sont pour moi des négations de Dieu ! Et quand je suis en présence de personnes mal croyantes, ou incroyantes, je prends la précaution de leur dire « pour moi qui ai ce bonheur d'avoir reçu le don de la Foi, je vois en cette circonstance, la main de Dieu, la grâce de Dieu » ! Heureusement nous trouvons encore, toutes générations confondues, des personnes qui ponctuent leurs « réussites » par l'expression «  grâce à Dieu » souhaitons que ce soit un véritable acte de Foi !
Ici, nos deux voyageurs sont empêchés de reconnaître Jésus . Tellement enfermés dans leur marasme, repliés sur leur déception . N'attendaient-ils pas un chef politique, un guerrier qui mettrait de l'ordre et libérerait le peuple de l'occupation étrangère ? Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ! Leurs idées, préconçues, leurs attentes terre-à-terre ont fermé leurs yeux à la Lumière ! «Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue ». (Jn 1) 
Pendant des mois ils ont fait route avec Jésus et Ses disciples immédiats, les apôtres, mais ils sont passés à côté de La Vérité sans La reconnaître pour ce qu'Elle est, pour « Qui Elle est » ! Ils ont entendu Ses discours, Ses déclarations, Ses confidences … mais superficiellement, la parole du Verbe Incarné les effleurait sans plus, Elle ne rencontrait pas d'échos au fond de leur être comme Jésus Lui-même le décrit dans la Parabole du Semeur ….
Si nous sommes sincères avec nous-mêmes, avec nos frères, avec le Christ Lui-même, force nous est de reconnaître nos propres comportements, la pauvreté de notre réflexion ! Quel Jésus connaissons-nous ? Quel Jésus cherchons-nous ? Quels signes attendons-nous ? « Ils demandent des signes » dira Jésus ...Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. » Alors il les abandonna et partit. (Mt16)
Bien souvent nous nous fabriquons un certain Jésus que nous adaptons à notre personnalité, à nos besoins, nos attentes, la croix nous répugne, comme les disciples d'Emmaüs. Quand l'épreuve est là, nos yeux sont empêchés, notre cœur se renferme, nous sommes aveuglés,écrasés et si Jésus nous « titille » au fond de notre cœur : « De quoi discutez-vous en marchant ? »Comme les deux pèlerins, ébahis, attristés, nous nous plaçons dans le lot des incompris , de ceux qui ne trouvent pas de place dans cette société. Comme eux, stupéfaits ( à la place de  « ils » écrivons, pensons : « nous » :
ils (nous) s’arrêtèrent, tout tristes.Ils ne comprennent pas qu'on puisse ignorer ce drame ! Ils ne comprennent pas que ce voyageur soit si mal informé ! Et ils sont tristes, sincèrement tristes ! Comme nous sommes tristes, déçus quand les gens ne comprennent pas notre point de vue et quand nous ne comprenons pas l'action du Seigneur dans notre quotidien!
L'un d'eux prend le risque d'informer ce voyageur :L’un des deux, nommé Cléophas,
lui répondit :« Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »    Il leur dit :« Quels événements ? »Ils lui répondirent :« Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth,cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :    comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré,ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.    Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël.Mais avec tout cela,voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.    À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur.Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,    elles n’ont pas trouvé son corps ;elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision :des anges, qui disaient qu’il est vivant.    Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau,et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ;mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Autrement dit : il y a bien quelques rumeurs qui circulent, mais Lui on ne l'a pas vu ! N'êtes-vous pas surpris par cette incapacité à reconnaître dans ce compagnon de route Celui qui est Vivant ? Tout simplement, ces deux pèlerins ne peuvent pas imaginer une seule seconde que ce « Prophète Jésus » ait emprunté le chemin de l'humilité, de l'abaissement, du silence jusqu'à accepter de mourir, comme un paria, sur une croix, et, de plus, entre deux brigands ! Pour eux, c'est tout simplement impossible! Ils s'étaient fabriqués un Sauveur à l'image des « Grands de ce monde » or, Celui en qui ils avaient mis leur espérance s'est laissé vaincre (en apparence!) par le Mal ! Il n'a rien, absolument rien d'un Dieu à leur regard ! N'est-ce pas la raillerie la plus cruelle qui lui fut adressée sur la croix : « Si tu es le Roi des Juifs, sauve-Toi, Toi même » Lc 23, 37 Terrible défi qu'à Sa place nous aurions tenté de relever !
A cette heure de la déréliction seule la Force de Dieu peut permettre de tenir  et de vaincre ! Mais nos frères, parce que nous leur ressemblons comme deux gouttes d'eau, sont empêchés de reconnaître le Saint de Dieu dans cet Ami humilié et vaincu ! C'est là tout le paradoxe Évangélique ! Saint Paul dira : « C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » 2 Cor, 12
Jésus ne joue pas les « gros bras » Il ne cherche pas à leur en remontrer mais tout simplement Jésus remonte ce que nous appelons l’Économie du Salut, c'est à dire la longue préparation du Peuple à travers l'Histoire sainte pour que ce Peuple accueille le Sauveur ! Or, malgré cette longue préparation une partie de l'humanité est encore aveuglée parce qu'elle a beaucoup de difficultés à reconnaître un Dieu aussi humble que notre Dieu ! Un Dieu aussi patient que notre Dieu qui marche avec Son Peuple à qui Il se révèle peu à peu ! Un Dieu aussi petit qui épouse notre humanité jusqu'à se glisser en elle , disparaître en elle, pour qu'elle découvre, peu à peu, combien elle est aimée et jusqu'où va l'amour , sans quoi il n'est pas l'amour ! « Cet amour qui se prouve autant qu'il s'éprouve en aimant » écrit Paul BAUDIQUET
Jésus tente de les bousculer légèrement, de les aider à se souvenir mais en vain :
:« Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !    Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »    Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes,il leur interpréta, dans toute l’Écriture,ce qui le concernait.    
Les deux pèlerins sont tellement au fond du fond de leur désarrois que tout glisse, la parole de Jésus ne semble pas les atteindre : « Jésus est mort, tout est terminé, on rentre à la maison » ! Ils sont incapables d'entendre les allusions de Jésus et de remonter dans leurs souvenirs pour retrouver Ses actes et Ses Paroles ! Ils sont bloqués sur les derniers événements et plus rien n'existe !
Ne reconnaissez-vous pas dans leur attitude nos propres blocages ?Quand nous connaissons l'épreuve, quand nous ne comprenons pas ce qui nous arrive nous risquons de rester fixés, sur le moment précis, l'événement déstabilisant et devenons imperméables à la moindre ouverture, il n'y a que cela et rien d'autre ! Tout est noir, horriblement noir, il n'y a pas la moindre issue, selon l'expression bien connue : nous broyons du noir ! Nous tournons le dos à l'essentiel, nous oublions cet essentiel à savoir : nous jeter dans les bras de Notre Père avec confiance : «  je sais que Toi, tu sais, et que de cette impasse jaillira la Lumière car Tu es le Dieu qui nous aime ! » Puissions-nous comprendre une fois pour toutes que l'épreuve est un chemin de Vérité, un chemin de Liberté ! Dieu nous parle à travers les événements, et si nous acceptons ce qui arrive dans nos vies Il nous conduit à bon Port, à condition que nous L'écoutions et suivions Ses voies ! «Femme, pourquoi pleurez-vous?" Elle leur dit:( aux anges) "Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis." Ayant dit ces mots, elle se retourna et vit Jésus debout; et elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit: "Femme, pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous?" Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: "Seigneur, si c'est vous qui l'avez emporté, dites-moi où vous l'avez mis, et j'irai le prendre." Jésus lui dit: "Marie!" Elle se retourna et lui dit en hébreu: "Rabboni!" c'est à dire "Maître!" (Jn 20) 
Et si nous sommes trop bouleversés, demandons de l'aide : à un prêtre, une religieuse un croyant ! Il est important de ne pas rester seul, de se faire accompagner au moment de l'épreuve!
Tout en écoutant le voyageur, dont ils n'ont pas demandé l'identité, tellement enfermés dans leur souffrance voilà que nos pèlerins arrivent au village :
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient,Jésus fit semblant d’aller plus loin.    Mais ils s’efforcèrent de le retenir :« Reste avec nous,car le soir approche et
déjà le jour baisse. »Il entra donc pour rester avec eux.    Quand il fut à table avec eux,ayant pris le pain,il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu,il le leur donna.    Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent,mais il disparut à leurs regards. 
Ils ont un peu d'éducation, à l'entrée de la nuit, ils ne vont pas abandonner l'Inconnu poursuivre son chemin seul, sans défense ! Ils ont sympathisé, ils éprouvent même un sentiment fraternel pour cet homme qui a essayé de leur remonter le moral . Il a dit des choses qui les touchent même si elles restent encore obscures, ils ont besoin d'une bonne nuit pour réfléchir à Ses propos et mettre leurs idées en ordre ! Ils invitent donc cet « étranger » à rester avec eux , c'est la moindre des choses !
Tous trois enfin installés autour d'une table chaleureuse s'apprêtent à partager un repas reconstituant quand se produit l'inattendu, l'insoupçonnable, l'incroyable ! Ils ont fait route avec Dieu Lui-même en Jésus ressuscité qui se fait reconnaître, sans un mot inutile à la fraction du pain ! ayant pris le pain,il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu,il le leur donna.C'est à pleurer de joie ! Les écailles tombent de leurs yeux, mais, LUI, n'est plus là !
   Ils se dirent l’un à l’autre :« Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous,tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » Il y a des signes qui ne trompent pas : la paix du cœur, la joie profonde, l'amour, le désir de témoigner, de ne pas garder pour soi les merveilles que le Seigneur fait dans nos vies ! « Au diable la nuit, la fatigue de la marche, ils ne peuvent garder pour eux seuls la merveille qu'ils viennent de vivre, ils doivent la crier sur les toits et, en tout premier lieu aux apôtres supposés être enfermés dans une maison verrouillée par peur d'être inquiétés ! Ils restent , malgré tout, les amis du crucifié ! Ils ne peuvent pas l'oublier !
Donc,  sans attendre, apparemment sans prendre autre chose que « le-pain-partagé-Jésus-Lui-même » ils reprennent la route :  À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem.Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons,qui leur dirent :    « Le Seigneur est réellement ressuscité :il est apparu à Simon-Pierre. »    À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route,et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Ceux qui sont restés et ceux qui reviennent sur leurs pas ont effectué la même expérience , les uns et les autres explosent de joie CHRIST EST RESSUSCITE ! CHRIST EST VIVANT !


Je laisse ici une fois encore la parole à Paul BAUDIQUEY (prêtre poète)
Le lieu précis de la blessure devient celui de la Présence :
Dieu s'y offre à nous à travers des présences
aussi réelles, aussi fragiles, aussi incontournables
que vous et moi.
Nous nous offrons à Lui, à condition d'être là simplement,
offert nu à toute rencontre.
Alors il y aura RESURRECTION.
Il y a résurrection ,
chaque fois qu'une perte entraîne un gain,
chaque fois qu'un vide ouvre à une plénitude,
et la cruauté des peines à une vie plus féconde ;
chaque fois que le silence mûrit en nous une parole vive
et qu'un départ achemine à une vraie rencontre ;
et encore quand le dénuement conduit à la vérité nue,
la déprime à une vie plus indomptée
et l'injustice au pardon !
Et, en citant Pringent (journaliste) il continue :
« C'est la vie avec ses heurts et ses malheurs
qui éclaire, ravive et réchauffe les EVANGILES DE LA RESURRECTION.
C'est dans le regards de tous les petits et grands ressuscités de notre entourage
que brille la lumière de PAQUES »
Ainsi que dans le clair-obscur
d'une étrange et souveraine Présence,
celle de l'Absent qu'Il demeure depuis qu'un soir à Emmaüs …. »
Il RENDIT GRACE, ROMPIT LE PAIN ET NOUS LE DONNA



Puissent nos yeux demeurer GRANDS OUVERTS pour RECONNAITRE Jésus Vivant Ressuscité qui marche avec nous à chaque instant de nos vies !
L'Ermite

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