vendredi 30 juillet 2021

LA NOURRITURE QUI DEMEURE

 

XVIII e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE


Année B


(Jn 6, 24-35)



Jésus savait qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne. (Jn 6) Tel était le dernier verset de l'Evangile dimanche dernier.

Tandis que Jésus se protège et se repose, seul, dans la montagne, « les apôtres montent en barque et se dirigent vers Capharnaüm , le vent soufflait avec force Les disciples avaient ramé pendant cinq mille mètres environ, lorsqu'ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de crainte. Mais il leur dit : « C'est moi. Soyez sans crainte. » Les disciples voulaient le prendre dans la barque, mais aussitôt, la barque atteignit le rivage à l'endroit où ils se rendaient. (Jean 6)

Que Jésus aille à Capharnaüm, cela est doublement significatif pour nous : c’est là qu’il commence Son annonce de la Bonne Nouvelle, et c’est là qu’il choisit Ses premiers disciples. En choisissant d’habiter Capharnaüm, Jésus accomplit ainsi la prophétie d’Isaïe que nous entendons à Noël (1ère lecture Noël) : «Toi, Galilée, carrefour des païens, le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». Jésus accomplit ainsi la volonté du Père qui a parlé par les prophètes. Et nous comprenons que le choix de Jésus est résolument missionnaire. C’est pour cela qu’il est « sorti » : il accepte de renoncer au calme de Nazareth pour s’installer là où on a le plus besoin de lui : non pas d’abord à Jérusalem, la ville sainte où Dieu habite dans son temple, mais dans une contrée ouverte aux influences païennes, où se mélangent races et religions, au milieu des brebis perdues de la maison d’Israël. Admirable incarnation de Dieu au milieu des hommes !

Le pape, dans la joie de l’Évangile, observe que : « Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de la ‘sortie’ que Dieu veut provoquer chez les croyants. ( … ) Sortir de son confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile » (n° 20).

Il n'est donc pas surprenant que la foule s'oriente vers Capharnaüm pour retrouver Sa trace et celle de ses disciples .

 

Quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus.     L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » La foule est avide, elle ne peut plus se passer de Jésus , de Sa Parole, de Ses bienfaits , elle reconnaît en Jésus « le Maître » dont elle a besoin (c'est le sens du terme Rabbi) Jésus l' a compris puisqu'Il l'évoque en saint Marc « En débarquant, il vit une foule nombreuse, et il en eut compassion, parce qu'ils étaient comme des brebis sans pasteur, et il se mit à les enseigner longuement. » (Mc 6) juste avant le multiplication des pains et, en Saint Matthieu, avant d'envoyer ses Apôtres en mission « il fut ému de compassion pour eux, parce qu'ils étaient harassés et abattus, comme des brebis qui n'ont pas de pasteur. » (Mt 9) Mais Jésus est loin d'être dupe sur les motivations qui animent les foules , Il est conscient des ambiguités qui les habitent, s'Il S'est isolé, c'est bien pour éviter d'être proclamé Roi et pour essayer de les entraîner sur un autre chemin, Jésus s'empresse de clarifier :

Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce quevous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés.     Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »

Le problème n'est-il pas là ? Se laisser purifier par l'Amour de Dieu pour laisser entrer en soi la lumière et apprendre à reconnaître, dans une expérience matérielle, le message divin qui est livré ! Les foules voient tous les jours les actes de Jésus, et la multiplication des pains devrait marquer un sommet, mais la plupart, sinon tous, s'arrêtent au bienfait immédiat éprouvé . Ils avaient faim, Jésus l'a compris et sans même être sollicité , parce qu'Il aime vraiment l'humanité, a pris l'initiative de les secourir en prenant soin de louer le Père premier Auteur de tout bien comme l'écrit si bien Saint François d'Assise dans ses « louanges à Dieu » Tu es trois et tu es un, Seigneur Dieu, tu es le bien, tu es tout bien, tu es le souverain bien, Seigneur Dieu vivant et vrai. La foule a vu du pain, du poisson, un point c'est tout ! Elle est rassasiée, satisfaite, Jésus soulage les corps blessés, affamés, que demander de plus ? Que chercher d'autre ? Elle a trouvé quelqu'un qui allège le poids du jour, elle ne veut surtout pas perdre Sa trace d'où ses déplacements répétés pour Le chercher, Le trouver, et Le suivre . Elle n'hésite même pas à l'interroger sur Son emploi du temps « Quand es-tu arrivé ici ? »

Demander des comptes à Jésus ça nous connaît non ?Tirer la sonnette d'alarme devant le Tabernacle nous savons faire, à grand renfort de pourquoi Mon Dieu, comment est-ce possible ? Où es-tu ? ...Mais demander paisiblement, avec patience et persévérance : que veux-Tu me dire par cet événement, cette épreuve? Se demander sa propre part de responsabilité, c'est dérangeant … Prendre du temps pour chercher à comprendre, pour reconnaître « un passage du Seigneur » dans ma vie, serait autrement plus responsable,curatif, engageant , dynamisant


La foule a mangé à satiété, la foule n'a plus faim , que demander de plus sinon que ça se renouvelle ! Jésus n'hésite pas à pointer du doigt ce qu'elle ne perçoit pas :Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »

Jésus ne nous interdit pas, et à la foule non plus, de travailler pour la nourriture quotidienne, «  tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » Gen 3,19 «  donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien » Mt 6,9 mais Il incite fortement à faire des choix et à bien choisir nos priorités ! Pour choisir il convient de connaître et de reconnaître : « Quel profit en effet aura l'homme d'avoir gagné le monde entier et perdu son âme? Car que donnera l'homme en échange de son âme? (Mc 8) lisons-nous dans les conditions pour suivre Jésus . Alors quelle est donc la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ? Avons-nous remarqué la subtilité qui suit ? C'est celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. Donnera est un verbe au futur et nous savons que ce chapitre 6 de St Jean a pour titre « discours sur le Pain de Vie » et le Pain de Vie n'est-ce pas Jésus Lui-même, qui, avant de se livrer institue la Sainte Eucharistie : « Et, prenant une coupe, il rendit grâces et dit: " Prenez-la et partagez entre vous. Car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne, jusqu'à ce que le royaume de Dieu soit venu. " Et il prit du pain, et, après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna, en disant: " Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. " Et pareillement (pour) la coupe, après qu'ils eurent soupé, en disant: " Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, répandu pour vous. (Lc 22) C'est bien Jésus qui donnera et livrera Son Corps pour nourrir la multitude des croyants et cela jusqu'à la fin des temps. Voilà la nourriture qui demeure , voilà la nourriture pour laquelle les foules, les apôtres et chacun de nous sommes invités à travailler ! D'ailleurs les foules semblent bien avoir compris un « petit quelque chose » ce plus, indicible pour le moment , mais un plus qui les conduit à poser une judicieuse question :

 « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Cette foule perçoit que travailler pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle c'est travailler aux œuvres de Dieu, mais comment ? Et elle ose interroger Jésus pour ouvrir des chemins nouveaux, des perspectives nouvelles .

Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » La réponse est claire, mais est-elle aussi simple à mettre en pratique ? La foule est dans un clair - obscur incontestable. Elle reconnaît que cet homme Jésus est différent de tous les prophètes , Il pose des actes qui la fait courir pour Le retrouver quand Il leur échappe, Il est capable de nourrir une multitude, de guérir, de consoler, de lire dans les consciences, la Samaritaine le dit sans ambage : "Venez voir un homme qui m'a dit ce que j'ai fait; ne serait-ce point le Christ?" (Jn 4) de ressusciter même : " Jeune homme, je te le dis, lève-toi! " 1Et le mort se dressa sur son séant et se mit à parler; et il le rendit à sa mère. (Lc 7) mais après tout, Il est comme le commun des mortels et cependant il y a un quelque chose qui attire, qui aimante , « un plus » mais quel est ce plus ? Alors un peu comme Abraham « Abraham dit alors : 

« Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? » Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas. » (Gen 18) comme Moïse :Moïse implora le Seigneur, son Dieu, et dit: "Pourquoi, Seigneur, votre colère s'embraserait-elle contre votre peuple, que vous avez fait sortir du pays d'Égypte par une grande puissance et par une main forte? Pourquoi les Égyptiens diraient-ils: C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir, c'est pour les faire périr dans les montagnes et pour les anéantir de dessus la terre? Revenez de l'ardeur de votre colère, et repentez-vous du mal que vous voulez faire à votre peuple. Souvenez-vous d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, vos serviteurs, auxquels vous avez dit, en jurant par vous-même: Je multiplierai votre postérité comme les étoiles du ciel, et leur ce pays dont j'ai parlé, je le donnerai à vos descendants, et ils le posséderont à jamais." Et le Seigneur se repentit du mal qu'il avait parlé de faire à son peuple. (Ex 32) , cette foule ose encore demander « ce plus » qui devrait , croit-elle, la convaincre :

Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ?     Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : 
Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » 

Ca leur crève les yeux, ils viennent d'expérimenter quasi le même miracle, et ils ne voient pas , des signes, ils en ont à foison, mais ils en demandent d'autres, ce qui fera dire à Jésus «Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. » Alors il les abandonna et partit. (Mt 16) » et nous pensons au prologue «  Il ( le Verbe) était dans le monde, et le monde par lui a été fait, et le monde ne l'a pas connu. Il vint chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. (Jn 1) leurs yeux sont empêches ce que Jérémie en son temps exprimait en ces termes « Ecoutez ceci, peuple insensé et sans coeur; Ils ont des yeux et ne voient point; des oreilles et ils n'entendent point. (Jér 5) .et nous ne sommes pas différents ! La création tout entière chante et crie la gloire de Dieu, Dieu nous visite sans cesse et nous ne savons ni Le voir, ni L'entendre ! Pourtant si nous tenons debout c'est par la grâce de Dieu, Dieu nous est omniprésent , immanent, mais nous crions à qui veut l'entendre : j'ai eu de la chance ! Je suis né(e) sous une bonne étoile ! Je sais trouver les bonnes ficelles moi ! Etc … Nous ramenons tout à notre perspicacité, notre intuition, notre savoir faire, nous ne savons pas et surtout ne voulons pas donner une place à l'inspiration, à cette présence de l'Esprit Saint qui conduit nos vies et les guide, les éclaire à chaque instant !

Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée.     Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.Eph 4 

Pour cela, il convient de choisir de vivre en Lui, par Lui , pour Lui ! Jésus ne se laisse pas vaincre, si c'était le cas, Il ne serait pas ce Dieu-Amour que nous connaissons : Jésus leur répondit : « Amen,amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel.     Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »    Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Ils sont de bonne volonté, mais ils n'arrivent pas à percevoir , à reconnaître que Celui qui est là, devant eux,est Ce « Je Suis » qui est descendu , c'est vraiment Lui L'envoyé du Père qui, en Son Père donne la Vie au monde ! Nous dirions aujourd'hui « ils ne connectent pas » la connexion est impossible , ils ne parviennent pas à faire le lien ! Alors  Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » Jésus leur explique, et nous explique, que le vrai pain c'est Lui , Il nous invite à dépasser l'apparence pour voir et comprendre l'essentiel pour cela il convient de faire confiance, de croire vraiment, en un mot : d'aimer. Ce que Paul Baudiquey exprime ainsi : aimer c'est toujours aller plus loin... plus loin que les apparences ( Paul Baudiquey) Jésus les conduit, et nous conduit , pas à pas à la plus merveilleuse des révélations où l'apparence du pain cache le plus grand et beau des mystères que nous appelons la transsubstantiation, où, sous l'apparence du Pain, Jésus se donne en nourriture :

« Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »

Nous ne tarderons pas à constater l'aveuglement des uns et des autres qui n'arrivent pas à dépasser
cette apparence ...C'est là le pain qui est descendu du ciel: il n'en est point comme de vos pères qui ont mangé la manne et qui sont morts; celui qui mange de ce pain vivra éternellement." Jésus dit ces choses, enseignant dans la synagogue à Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples l'ayant entendu dirent: "Cette parole est dure, et qui peut l'écouter?" Jésus, sachant en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, leur dit: "Cela vous scandalise? Et quand vous verrez le Fils de l'Homme monter où il était auparavant?… C'est l'Esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. Mais il y en a parmi vous quelques-uns qui ne croient point." Car Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient point, et qui était celui qui le trahirait. Et il ajouta: "C'est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi si cela ne lui a été donné par mon Père." Dès ce moment, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n'allaient plus avec lui. (Jn 6)

Demandons à Jésus Lui-même de nous guérir de la maladie de l'apparence, pour

soi – même, pour nos frères et sœurs.

Pour soi-même: guéris-moi Jésus du superficiel, de la recherche démesurée de ce qui se voit, de tout ce qui est trompeur, qui veut impressionner, du désir de briller , du lissage, de l'insignifiant....

Pour nos frères et sœurs : donne-moi Jésus de renoncer à tout jamais aux préjugés qui s'arrêtent à ce qui se voit ou que je crois voir : fragilités, pauvreté ou richesse appuyés sur les seuls indices extérieurs, délivre-moi de toute partialité, des oeillères, de toute forme d'aveuglement...

Ô Jésus permets-nous de vivre dans la justice et la vérité , sous Ton regard, pour reconnaître en tout autre un frère potentiel avec qui je dois apprendre à marcher la main dans la main le regard fixé sur Toi, le seul VRAI...


R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.


Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.


L'Ermite


jeudi 22 juillet 2021

CINQ PAINS D'ORGE , DEUX POISSONS, PLUS DE CINQ MILLE PERSONNES !


XVII e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE


Année B


(Jn 6, 1-15)




Souvenons-nous ! Dimanche dernier , les apôtres revenaient enthousiastes de leur première mission. Jésus a tenté de les entraîner à l'écart, loin des foules affamées et assoiffées d'entendre les enseignements de Jésus ...une barque fut la bienvenue pour gagner une région plus déserte, sur l'autre rive du lac, sauf que, la foule observatrice est arrivée avant eux, toujours aussi demandeuse d'écouter Jésus ! Et Jésus, « saisi de compassion » n'a pas résisté, Il a décidé « d'enseigner longuement ».

Matthieu, Marc et Luc rapportent le même événement et le même déroulement , St Jean n'évoque pas cet envoi en mission, par contre, il fait mention de cette traversée du lac et de la foule qui précède Jésus sur l'autre rive. Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade.     Une grande foule le suivait .

St Jean, avec qui nous allons cheminé durant quelques dimanches, nous permet d'être un peu plus lucides sur ce qui habite la foule. Elle désire entendre Jésus, oui mais, comme nous disons souvent, son intention n'est peut-être pas aussi pure que nous pourrions le supposer . Si cette foule suit et précède Jésus c'est qu'il y a un intérêt certain : elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades.

Peut-être pouvons-nous , comme nous le faisons parfois, nous arrêter quelques instants, et nous demander personnellement, pourquoi nous suivons Jésus ! Sommes-nous attirés par Ses bienfaits ( ce n'est pas interdit d'ailleurs, c'est un chemin qui peut nous conduire plus loin) ou bien, par ce qu'IL EST, pour ce qu'Il nous révèle du Père, ce qu'Il nous dit sur nous-mêmes, de notre relation au Père, de notre relation aux frères, du regard que nous portons sur eux. Il n'est jamais trop tard pour redresser « la barre », faire amende honorable et nous laisser purifier pour avancer dans la gratuité comme Jésus nous le montre !

Voyant la foule « farceuse » : Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples.     


Et, nous dit Marc : il en eut compassion, parce qu'ils étaient comme des brebis sans pasteur, et il se mit à les enseigner longuement. Quand l'heure était déjà avancée, ses disciples s'approchèrent de lui et dirent : " Le lieu est désert et déjà l'heure est avancée;Et ils lui dirent : " Irons-nous donc acheter pour deux cents deniers de pain afin de leur donner à manger? " Il leur dit (Mc 6)

Jean ne fait aucune allusion à cet enseignement mais il évoque , la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Peut-être , Jean veut-il, par ce verset, expliquer pourquoi il y a une telle foule . Les foules se déplaçaient volontiers pour faire mémoire de la libération du peuple soumis à l'esclavage, elles attendent au plus profond de leur être le Messie annoncé et Jésus, cet homme, qui passe en faisant le bien, leur pose question l Elles L'écoutent des heures durant, oublient faim et soif naturelles , saisies, à leur tour par les Paroles et les actes de Jésus. St Marc dans son récit nous dit : l'heure était déjà avancée, ses disciples s'approchèrent de lui et dirent : " Le lieu est désert et déjà l'heure est avancée; renvoyez-les afin qu'ils aillent dans les hameaux et les bourgs des environs s'acheter de quoi manger. " Il leur répondit : " Donnez-leur vous-mêmes à manger. " (Mc 6) Chez lui, ce sont les disciples qui sont inquiets de la situation, l'heure est avancée, si nous tardons trop, tout sera fermé dans les villages environnants.

Chez Saint Jean, c'est Jésus qui a conscience de ce qui se passe et prend l'initiative d'éveiller Ses disciples en interrogeant l'un d'eux. Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »


Remarquons tout d'abord que « Jésus leva les yeux » a quoi, à qui pensons-nous immédiatement ?
Personnellement, je pense aux nombreuses situations où Jésus « lève les yeux » non pas sur une foulemais vers son Père, et chaque fois c'est pour rendre grâce, donc remercier , de ce que le Père va réaliser en et par Lui, Jésus :

Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m'as exaucé. (Jn 11)

Puis il leva les yeux au ciel et pria ainsi : « Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie. (Jn 17)

Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit et les donna à ses disciples pour qu'ils distribuent à tout le monde. (Lc 9)

Après avoir fait asseoir les foules sur l'herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule. (Mt 14)

Je pense aussi et surtout à l'Eucharistie : «  la veille de Sa Passion, Il prit le pain dans Ses mains très saintes et « les yeux levés au ciel » , vers Toi, Dieu Son Père Tout-Puissant , en Te rendant grâce Il le bénit, le rompit, et le donna à ses disciples en disant : « Prenez et mangez -en tous : ceci est mon Corps livré pour vous. ». De même, après le repas ...

Ici , levant les yeux Jésus voit une foule nombreuse et compte tenu de l'heure « Déjà l'heure était avancée ; écrit Saint Marc », Jésus, toujours très humain, pense à l'urgent, à ce qui peut tenailler ces hommes et ces femmes en quête de sens, mais aussi de mieux-être. Jésus sait bien ce qui les motive , ce sont Ses Paroles, mais aussi les guérisons qu'Il opère permettant aux malades, aux infirmes de retrouver une vie normale, une juste intégration dans la société.

Cette foule a marché jusqu'en ce lieu pour écouter, elle n'a pas bronché, le soir est venu, va-t-elle rentrer à la maison l'estomac criant famine ? Pour Jésus, toujours prêt à soulager, sait où Il veut en venir, mais pour l'heure, Il tient à associer Ses disciples , Il veut les rendre attentifs à leurs frères, attentifs à l'homme tout entier ! Il veut leur permettre de comprendre que leur mission ne concerne pas seulement l'esprit, mais aussi le corps. N'éveille t-Il pas ici tous ces services qui naîtront dans l’Église , pour secourir les affamés, les dépourvus de tout bien , tels que le Secours Catholique, ATD quart monde, le CCFD, les ONG, tous les services, dont les Ordre religieux, qui viennent au secours de l'humanité blessée … Jésus veut des apôtres inventifs pour le bien-être de leurs frères . Les Apôtres se forment et sont formés auprès de Jésus, sur le terrain, d'où la question posée à Philippe :


« Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Et Saint Jean nous laisse entrevoir que Jésus a déjà la réponse à cette question et la solution qui en émane , quand il écrit : Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire ! Jésus les met à l'épreuve pour sonder leur capacité à s'investir au service de « tout l'homme ». Philippe réfléchit certes, mais avec « sa tête » pour le moment, il tente d'effectuer des calculs réalistes mais très, très humains, Philippe, dans son réalisme tout humain, tout matériel, juge impossible une quelconque solution :

Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. »

Pour Philippe, une telle foule doit elle-même se prendre en charge! Pourtant, il y a quelqu'un, André, qui, bien que démuni, avance une remarque dérisoire, mais il ose, il prend le risque d'être raillé et exprime sur ce qu'il a su voir en ouvrant un regard d'amour . Peut-être est-il un peu osé en disposant, il ne sait comment, de l'avoir de ce jeune garçon , cependant il se risque à exprimer tout haut ce qu'il constate !

Acceptons-nous de prendre des risques en faisant fie du ridicule , des moqueries toujours possibles? Osons-nous ?

Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :     « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »


La réponse est encore plus dérisoire que celle de Philippe si l'on considère la quantité, mais elle a ceci
de dynamique : quelqu'un, André, n'est pas resté au niveau cérébral, il a « regardé » ses frères avec intérêt, il a vu ce « petit quelque chose » un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, il ne voit pas plus loin, il est même gêné de le dire, mais il ose, on ne sait jamais, avec Jésus, il s'attend à tout et il n'a pas tort. Le peu qu'il sait, le peu qu'il voit , il le livre.

Sachons bien que Jésus n'attend pas autre chose de chacun de nous ! Nous donnons, nous offrons « tout le peu que nous sommes, que nous avons » et Jésus complète, et c'est vrai aujourd'hui encore , l'essentiel, l'important c'est de donner notre « petit peu » et Dieu fait des miracles ! Ce que je garde pour moi pourrit ce que je donne Dieu le démultiplie ! Nous entendons parfois, « je ne sais pas faire », « je n'ai rien à donner » etc, donnons, donnons-nous, Jésus avec rien fait de grandes choses , n'ayons pas peur d'apporter notre minuscule caillou, notre grain de sable, un autre, au nom de Jésus , élargira le champ et à partir de rien , une communauté d'amour grandira ! Essayons !

Que se passe-t-il ici ? Jésus saisit « le tout petit dérisoire », Il met en marche Ses apôtres, qui ne discutent pas. Jésus parle, les apôtres obéissent ! Aïe, aïe,aïe ! Et nous quand l’Église propose, quelles sont nos réactions ? Nous épluchons, jusqu'à l'os, au risque de décourager des frères !

Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.

« Faites » Jésus, qui sait où il veut en venir, invite Ses apôtres à participer . Savons-nous inviter nos frères à participer selon leurs possibilités ? Participer valorise une personne et lui permet de se découvrir, de mettre ses dons au service de la Communauté.



Le Seigneur est mon Berger; je ne manque de rien.

Sur des prés d'herbe fraîche, Il me fait poser

, il me mène près des eaux rafraîchissantes;

il restaure mon âme. Il me conduit dans les droits sentiers,

à cause de son nom. (Ps 23)


La foule installée, Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâceil les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. A quoi pensons-nous à l'écoute de ces Paroles ? Ne reconnaissons-nous pas, partiellement , les paroles consécratoires de la Sainte Eucharistie ? RENDRE GRÄCE n'est-ce pas la traduction du terme EUCHARISTIE ?

La veille de Sa Passion, Il prit le pain dans Ses mains très saintes et, les yeux levés au ciel, vers Toi Dieu, Son Père Tout-Puissant , en rendant grâce il le bénit, le rompit et le donna à Ses disciples en disant : Prenez et mangez en tous : ceci est mon corps livré pour vous » A la fin de la Consécration le célébrant ajoute, comme Jésus l'a demandé, « faites ceci en mémoire de moi » ce qui signifie la pérennité du sacrement et donc l'abondance que nous trouvons aussi dans la multiplication puisque la foule a été rassasiée et qu'il en reste et que le croyant se nourrit depuis des siècles et jusqu'à la fin des temps du Pain Eucharistique.


« Nous savons, par ailleurs que le « poisson » est l'un des symboles majeurs qu'utilisaient les premiers
chrétiens en signe de reconnaissance. Il représente le Sauveur durant les débuts de l’Église primitive.En grec, c'est un acronyme pour « Jésus Christ, le Fils de Dieu sauveur ».Ichthus ou Ichtys (du grec ancien ἰχθύς / ichthús, « poisson ») » (Wikipédia)

Sans doute pouvons-nous voir dans la multiplication des pains une préfiguration de l'Institution de la Sainte Eucharistie, le soir du Jeudi Saint, après le Lavement des pieds et avant de s'enfoncer dans la Nuit de la Passion.


Matthieu, Marc et Luc notent que les pains et le poisson sont distribués par les Apôtres chargés par Jésus de ce service, chez Saint Jean c'est Jésus qui donne : « ma vie nul ne la prend mais c'est moi qui la donne » peut-être pouvons nous voir un lien avec ce qui se passe dans notre Église où nul ne se sert de lui-même, mais RECOIT la Sainte Eucharistie des mains du Ministre sacré qui tient, à ce moment, la place du Christ ! Peut-être , Jésus nous apprend-Il, comme Il le montrera aux apôtres, comme Il le fera au dernier repas en leur lavant les pieds , l'importance du service ! Aimer vraiment c'est être et devenir « SERVITEURS DE SES FRERES » !

Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. »     Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture .

En ces jours-là, 
    un homme vint de Baal-Shalisha 
et, prenant sur la récolte nouvelle, 
il apporta à Élisée, l’homme de Dieu, 
vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac. 
Élisée dit alors : 
« Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. » 
    Son serviteur répondit : 
« Comment donner cela à cent personnes ? » 
Élisée reprit : 
« Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, 
car ainsi parle le Seigneur : 
‘On mangera, et il en restera.’ » 
    Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, 
selon la parole du Seigneur.

1ère lecture


Faut-il voir dans les douze corbeilles la préfiguration des douze apôtres envoyés, après la
résurrectionjusqu'aux confins de la terre ? Je ne sais, mais l'idée me convient bien. Par contre, ce qui semble certain c'est qu'avec le « petit peu », que je donne, ( ici le jeune garçon qui n 'hésite pas à se défaire de son maigre avoir) Jésus fait des miracles ! Alors donnerai-je le petit peu que j'ai, que je suis, pour alimenter la multitude ? Je suis assuré qu'il en restera jusqu'à la fin des temps pour alimenter le cœur de mes frères.

À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. »   Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.

Jésus n'aime rien, autant que le silence de la montagne, où Il peut s'entretenir seul à seul avec Son Père. Être fait roi, ne l'intéresse pas , Jésus ne cherche en rien la gloriole, ni la reconnaissance des hommes, Jésus vient accomplir la volonté de Son Père qui est de révéler aux hommes qu'ils sont aimés, que ce Père ne veut que leur bien, leur bonheur. Quand Il comprend qu'on veut le faire Roi, Jésus se dérobe pour se retirer dans la solitude. Quand Jésus nous fait prier : que Ton règne vienne, suivi immédiatement de que Ta volonté soit faite, il s'agit du règne de l'AMOUR répandu dans les cœurs, nous trouvons cela dans la lettre aux Romains :. Or, l'espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné. (Ro 5) C'est sur la croix que s'exprime véritablement la Royauté de Jésus , c'est en effet le signe le plus convaincant de Son Amour et de celui de Son Père pour l'humanité : ILS NOUS AIMENT JUSQUE-LA !


Tu ouvres la main, Seigneur :
nous voici rassasiés.
 (Ps 144, 16)

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent :
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main :
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de tous ceux qui l’invoquent,
de tous ceux qui l’invoquent en vérité





l'Ermite