vendredi 16 juillet 2021

VENEZ A L'ECART, AVEC MOI


XVI e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE


Année B


(Mc 6, 30-34)

Dimanche dernier Jésus « envoyait » Ses apôtres en mission. Aujourd'hui, c'est le retour :Après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. C'est la première fois que St Marc utilise ce terme pour parler des disciples choisis par le Seigneur qui les a, en effet, ENVOYES. Ils ont reçu cette mission spécifique d'annoncer la « Bonne Nouvelle » à leurs contemporains. Jésus leur a fait confiance, et leur a donné les moyens d'atteindre cet objectif précis, en leur exposant aussi les exigences qu'implique une telle responsabilité..

Aujourd'hui, les Apôtres viennent rendre compte de leur première mission et ils sont heureux de cette extraordinaire expérience, ils brûlent de la partager en détail au Maître. Nous ne connaissons pas le contenu réel de cette rencontre, par contre, nous entendons Jésus leur dire :« Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Cette décision de Jésus a de quoi nous surprendre et nous nous interrogeons sur le sens de ce choix .

Peut-être, Jésus, souhaite-t-Il leur permettre de prendre un peu de recul avec cette première expérience missionnaire où ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes, pour qu'ils apprennent à descendre au plus profond de leur être pour évaluer ce qui s'est passé et prendre conscience que ce qu'ils ont donné « est don du Père ». Comme Lui, Jésus ne fait rien, ne dit rien, de Lui-Même mais reçoit tout de Son Père :  « je ne fais rien par moi-même, mais tout ce que je dis, c'est le Père qui me l'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi ; il ne m'a pas laissé seul parce que je fais toujours ce qui lui plaît. » (Jn 8)

Ce que Saint Paul exprimera ainsi : Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu? Et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu? (1Cor 4)

Le risque est grand de s'attribuer quelques mérites dans les actions entreprises pour qu'advienne le Royaume . Or nous ne sommes, et ne devons être, qu'un instrument docile à travers lequel l'Esprit de Jésus peut rejoindre le cœur des hommes. De même, vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites: "Nous sommes des serviteurs quelconques ( inutiles disent d'autres traductions). Nous avons fait seulement ce que nous devions faire. (Lc 17)

C'est vrai pour le Royaume, c'est tout aussi vrai dans l'exercice de notre profession, de notre vie familiale, dans nos relations ! Pensons-y : qu'as-tu que tu ne l'aies reçu ? 

Hier, un militaire de 36 ans , était invité à témoigner d'une intervention périlleuse qui a coûté la vie à trois de ses collègues. Le titre de la séquence était : les « héros du quotidien » . Ce militaire a tenu à témoigner en ces termes : « je ne suis pas un héros, j'ai fait mon devoir »

Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. (Mt 10) dit Jésus dans ce même passage chez Saint Matthieu.

Si Jésus leur demande de se reposer, c'est à la fois pour se détendre physiquement, pour relire la mission accomplie , peut-être aussi pour prendre le temps d'accueillir à leur tour, la nouveauté du Père dans leur vie. N'est-ce pas le but des retraites que nous effectuons ? C'est bien, de donner et de se donner encore, mais à trop se donner on peut s'épuiser, même spirituellement, d'où l'importance de s'arrêter, de se mettre à l'écart, pour se laisser renouveler par le Seigneur ! Pour L'écouter, Le regarder dans l’Évangile, ici, pour les apôtres , dans Sa relation aux autres, apprendre de Lui à aimer « comme » Il nous aime

Un écrit de Élisabeth LESEUR laïque (décédée en 1914) qui aimainconditionnellement son mari incroyant et affronta courageusement la maladie qui l'emporta, peut nous éclairer . Après son départ, bouleversé par les écrits intimes de sa femme son mari se convertit au Christ et devint frère Dominicain.

Je cite Élisabeth « Dans l'action auprès des âmes, veiller attentivement à bannir tout orgueil, tout égoïsme. Ne pas oublier que nous sommes l'humble intermédiaire entre les âmes et Dieu. Travailler à rendre ma charité plus intense, plus suave ; demander à Dieu d'augmenter en moi, la vie surnaturelle. Me donner aux autres généreusement, joyeusement, sans rechercher ou attendre la récompense ou même un regard clairvoyant sur mon âme. Dieu me voit, je suis son enfant privilégiée ; qu'Il fasse de moi Son apôtre, et cela suffit. APPRENDRE DU COEUR DE JESUS le secret profond des âmes, la science profonde des âmes ; comment il faut toucher à leurs blessures sans les aviver, panser leurs plaies sans les rouvrir, SE DONNER A ELLES ET CEPENDANT SE RESERVER, montrer la vérité tout entière , ET CEPENDANT LA FAIRE CONNAÎTRE DANS LA MESURE OU CHAQUE ÂME PEUT SUPPORTER SA LUMIERE. LA SCIENCE DE L'APOSTOLAT S'ACQUIERT SEULEMENT PRES DE JESUS-CHRIST, DANS L'ENTRETIEN EUCHARISTIQUE ET DANS LA PRIERE.

C'est en nous « remplissant » de la Présence de Jésus que nous donnerons Jésus sinon, nous donnons du vent ! C'est aussi dans ce but que Jésus entraîne Ses apôtres « à l'écart ». Il s'agit de se refaire une santé spirituelle pour mieux servir les frères, c'est vrai pour les Apôtres, c'est encore plus vrai pour chacun de nous, là où Jésus nous a plantés !

Il est parfois bien difficile de trouver un lieu adéquat , de trouver le calme indispensable , et c'est le cas ici, Jésus et Ses Apôtres n'échappent pas à cette difficulté : De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.     Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. « N’avoir même pas le temps de manger. » voilà un risque fréquent qui guette l'Apôtre . Pourtant , pour tenir dans la durée, il est important de se substanter correctement, de respecter un temps de rupture, pour mieux repartir ensuite. Jésus a le souci des foules attirées par la nouveauté de Ses enseignements et par les actes puissants qu'Il pose , Il garde aussi le souci de Ses frères les plus proches , Il ne veut pas les épuiser, Il tient à leur apprendre à se recueillir , à se ressourcer , Lui qui se retire souvent pour converser avec Son Père sait l'importance de ces moments de cœur à cœur :

Mais Jésus, sachant qu'on allait venir l'enlever pour le faire roi, se retira à nouveau, seul, dans la montagne. (Jn 6)

il se retira dans la région proche du désert, dans une ville nommée Éphraïm, où il séjourna avec ses disciples. (Jn11)

Et ils s'en retournèrent chacun dans sa maison. Jésus s'en alla sur la montagne des Oliviers; (Jn 7)

En ces jours-là, Jésus s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. (Lc 6)

Quand il les eut congédiés, il s'en alla sur la montagne pour prier. (Mc 6)

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier. (Lc 9)

Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l'écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. (Mt14)

Jésus, pour faciliter cette expérience de solitude et de repos , choisit d'abandonner un

moment les foules avides de Sa Parole, pour se rendre dans un endroit désert où Il devrait pouvoir se retrouver, seul, avec Ses Apôtres ! C'est « peine perdue » les foules sont affamées et assoiffées, elles ont besoin de L'entendre, encore et encore, elles ont besoin de l'onction de Sa Présence , de Sa Parole, de Ses enseignements, de donner du sens à leur existence. Elles ont compris que cet « Homme Jésus », apporte un plus, un autrement « au vivre ensemble » elles ont faim et soif de vérité, de justice, d'amour gratuit, elles ont trouvé, comme le dira la Samaritaine quelqu'un qui parle vrai sans écraser :Venez donc voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? " Ils sortirent de la ville et allèrent vers lui. (Jn 4)

Ces foules sont tellement affamées que cette faim spirituelle leur donne des ailes et les rend capables de déjouer le plan du Seigneur Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. 

En relisant ce verset pour la énième fois dans nos vies de croyants ressentons-nous le désir brûlant qui anime ces foules ? Sommes-nous touchés au point de nous arrêter quelques instants , de descendre en nous-mêmes , de faire une pause et de nous interroger sur notre propre faim de cette Parole qui nous invite encore et toujours à vivre en frères et sœurs, à dire à ces frères et sœurs : « Dieu t'aime , Il t'aime à la folie, Il te veut heureux, heureuse, laisse-toi aimer » « L'Amour a fait les premiers pas », Il l'a fait en nous donnant Jésus qui peut habiter en toi, SI TU LE VEUX !

Prenons-nous conscience de l'intensité de la quête de ces foules qui se précipitent à pied, de toutes les villes, et réussissent ce tour de force d'arriver de l'autre côté du lac AVANT Jésus et les Apôtres ?

En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. 

Pas de mouvement d'humeur chez Jésus, son plan est déjoué, Il en prend acte ! Il avait prévu un repos pourtant nécessaire pour Ses Apôtres, Il aurait aimé les écouter , faire le point, Il n'y renonce pas, ce n'est que partie remise. Par ce changement de cap, Jésus leur apprend la disponibilité, Il leur apprend la souplesse indispensable quand on veut servir ses frères et sœurs, Il leur apprend à écouter , entendre, pour y répondre, les besoins du moment : j'avais prévu, l'événement me révèle autre chose, je réponds à l'urgence ! Jésus leur apprend à s'oublier, à se donner véritablement, Il leur montre en actes qu'ils ne s'appartiennent plus, ils appartiennent au peuple de ceux qui cherchent Dieu , à ceux qui cherchent un sens à leur vie. Tout Apôtre, tout baptisé , appartient au peuple de ceux qui cherchent Dieu, qui veulent donner un sens à leur vie.

Jésus, tout entier saisi par cette foule, affamée de vérité, est pris de compassion et n'hésite pas à répondre à son attente puisque il se mit à les enseigner longuement .Les apôtres, en regardant Jésus apprennent à aimer vraiment,à s'oublier, à se donner vraiment, à se livrer comme leur Maître : je donne ma vie pour mes brebis. J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix et il y aura une seule bergerie et un seul pasteur. C'est pour cela que mon Père m'aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me la ravit, mais je la donne de moi-même; j'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre: tel est l'ordre que j'ai reçu de mon Père." (Jn 10) Les Apôtres découvrent qu'ils ne s'appartiennent plus, désormais, ils deviennent, en regardant Jésus, les acteurs de la moisson, de la mission de l’Église et cela est vrai pour tous les appelés . Comme Jésus, ils apprennent à compatir, littéralement, « à pâtir avec », à porter avec le frère le poids de sa souffrance , de ses attentes « afin que fût accompli ce qui a été dit par le prophète Isaïe: Il a pris nos infirmités et s'est chargé de nos maladies. (Mt 8)

Marie est invoquée sous le vocable de Reine des Apôtres, n'est-Elle pas la premièreévangélisatrice qui se rend en hâte chez sa cousine permettant la rencontre des deux cousins et le magnifique acte de foi d’Élisabeth ? Peut-être pouvons-nous faire nôtre cette belle prière du P. de Grandmaison :


Sainte Marie, Mère de Dieu,
garde-moi un cœur d’enfant,
pur et transparent comme une source ;
obtiens-moi un cœur simple,
qui ne savoure pas les tristesses ;
un cœur magnifique à se donner,
tendre à la compassion,
un cœur fidèle et généreux

qui n’oublie aucun bienfait
et ne tienne rancune d’aucun mal.
Fais-moi un cœur doux et humble,
aimant sans demander de retour,
joyeux de s’effacer dans un autre cœur
devant ton divin Fils ;

un cœur grand et indomptable,
qu’aucune ingratitude ne ferme,
qu’aucune indifférence ne lasse ;
un cœur tourmenté de la gloire de Jésus-Christ,
blessé de son amour
et dont la plaie ne guérisse qu’au ciel.



Certains lui préfèreront la prière de l'engagement des scouts, prière attribuée à Saint Ignace de Loyola, fondateur de l'ordre jésuite



Seigneur Jésus, Apprenez-nous à être généreux,

A Vous servir comme Vous le méritez

A donner sans compter,

A combattre sans souci des blessures,

A travailler sans chercher le repos,

A nous dépenser, sans attendre d'autre récompense,

que celle de savoir que nous faisons Votre Sainte Volonté.


Ou celle du Père Joseph Wresinski sur l'amour de charité (1917-1988), Prêtre diocésain français fondateur du Mouvement des droits de l'homme ATD Quart Monde.

« La misère ne se guérit pas par quelques dons,

si ce n’est le don de soi » :

« La misère ne se guérit pas par quelques dons,

si ce n’est le don de soi.

La charité, c’est quand on n’a plus rien

et qu’on donne quand même.

La charité, c’est quand on n’a plus rien à donner

et que Jésus dit : « Donne ton cœur » !

La charité n’est pas l’aumône

mais l’amour de Dieu.

Si nous perdons contact avec les plus pauvres,

nous perdons forcément contact

avec Celui qui s’est identifié à eux,

avec Celui qui ne garde rien pour Lui,

puisqu’Il s’est fait Don total, Pain partagé, Serviteur.

Amen »

L'ermite

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire