vendredi 30 septembre 2016

ADORONS !

VINGT-SEPTIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE


(Lc 17, 5-10)

Il dit à ses disciples: " On ne peut supposer qu'il n'arrivera pas de scandale; mais malheur à celui par qui ils arrivent! Il serait plus utile pour lui qu'on lui suspende autour du cou une pierre de meule et qu'on le lance dans la mer, plutôt qu'il ne scandalise un de ces petits.

Prenez garde pour vous-mêmes. Si ton frère vient à pécher, réprimande-le, et s'il se repent, pardonne-lui. Et quand il pécherait contre toi sept fois le jour, et que sept fois il revienne à toi, disant: " Je me repens, " tu lui pardonneras. (Luc 17)

Dimanche dernier nous méditions la Parabole de l'homme riche et du pauvre Lazare, il me paraît important de donner les premiers versets du chapitre 17 de St Luc pour mieux comprendre la prière des Apôtres en ce jour. Jésus parle avec ses Apôtres ; chemin faisant ( n'oublions pas qu'ils sont en route vers Jérusalem) Jésus continue leur formation. Les apôtres de leur côté prennent conscience de leurs propres fragilités, de leurs manques, et de l'ampleur de la mission qui sera le leur ! Ils commencent à en percevoir l'importance, aussi cette prière jaillit du fond de leur être :

« Augmente en nous la foi ! »

Priant ainsi, ils n'ont pas conscience qu'ils font là un acte de foi ! En, effet, demander à Jésus d'augmenter leur foi c'est reconnaître que Jésus a le pouvoir d'influer sur leurs limites, de suppléer même à leurs limites, c'est reconnaître, le Maître, c'est Lui faire confiance même si cette confiance sera bientôt mise à mal par les événements douloureux de la Passion. Les apôtres ont l'humilité de reconnaître qu'Ils ont besoin du soutien, de l'aide , de la lumière de Jésus ! Jésus de son côté les connaît, Il ne les contredit pas, au contraire Il va dans leur sens pour qu'ils sachent vraiment, qu'ils expérimentent dans leur chair, ce que nous rapporte St Jean au chapitre 15 : « sans moi vous ne pouvez rien faire ». Qu'ils comprennent viscéralement que la Foi est don de Dieu, que Dieu nous honore en nous invitant à participer, mais, qu'en réalité Il pourrait bien se passer de nous ! Nous y reviendrons . Jésus leur répond donc :

« Si vous aviez de la foi,
gros comme une graine de moutarde,
vous auriez dit à l’arbre que voici :
‘Déracine-toi et va te planter dans la mer’,
et il vous aurait obéi.

En parlant au Apôtres, Jésus parle à l’Église d'aujourd'hui, Il parle à chacun d'entre nous ! C'est à chacun de nous que Jésus dit : « si vous aviez la foi gros comme une graine de moutarde ». Jésus sait très bien que la foi est don du Père, alors que veut-Il nous dire ici ?

Jésus semble nous inviter non seulement à entretenir ce don mais aussi à le cultiver.Une graine qui n'est pas nourrie ne se développe pas, elle a besoin de terre, d'eau, de soleil, d'engrais et d'attention pour devenir ce qu'elle est : fleur, céréale, arbre ... ! Si nous laissons dormir le don de Dieu, il s'étiole. N'est-ce pas ce qu'expriment nos frères quand ils disent avoir perdu la foi ? La foi ne peut se perdre puisqu'elle est don de Dieu mais elle peut rester en sommeil « C'est pourquoi je te rappelle de raviver le don de Dieu, qui est en toi, (2 Timothée 1) jusqu'à donner l'impression de n'être plus. Je peux égarer mes clefs, mon mouchoir, un outil, la foi ne s'égare pas, elle est enfouie au plus profond de mon être, c'est un sceau indélébile que je peux, pour différentes raisons, laisser en sommeil, ne pas cultiver !

« Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi; et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu ; ( Ephésiens 2) »

Une façon de la cultiver c'est de la proclamer ! «  Si vous aviez... vous auriez dit » Dire sa foi c'est lui permettre de se développer, plus je dis « Proclame la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, » C'est St Paul qui invite de la sorte son disciple Timothée. Plus nous proclamons notre foi, plus elle nous habite et devient vivante et nous propulse , rendant l'impossible, possible. « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus , et si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité, alors tu seras sauvé » Rom 10,9

Dire, proclamer, annoncer, confesser autant d'expressions pour exprimer une seule et même grâce : le don de la foi  que nous n'avons pas le droit d'enfouir !

Et regardons la force d'une minuscule graine, c'est inouï ! Aussi insignifiante soit-elle, elle est capable de « déplacer » la montagne qu'est pour elle une pierre pour se faire une place au soleil et s'épanouir : et nous, que faisons-nous de la graine de la foi reçue au baptême ? Agissons-nous comme St Paul le recommande ? « Garde le dépôt de la foi dans toute sa beauté,avec l’aide de l’Esprit Saint qui habite en nous. » « Garder » ne veut pas dire « enfouir » garder, ici, est un appel à la vigilance pour ne pas se laisser embarquer sur les chemins du désordre qui ferment le cœur et l'esprit. Garder, c'est cultiver, faire fructifier, grandir, pour que la graine reçue lors du baptême devienne un arbre immense où les oiseaux du monde trouveront refuge, les oiseaux étant nos frères et sœurs !

Jésus continue la conversation en donnant un exemple qui, à première lecture, nous surprend . Il est bon de se souvenir que Jésus est venu pour servir, que le disciple n'est pas au-dessus de son Maître,mais, tout disciple accompli, sera comme son Maître Il nous invite ici, à développer en nous cet esprit de service, d'ailleurs, n'est-ce pas la conclusion de cette péricope ? «‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ » Lequel d’entre vous,quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes,lui dira à son retour des champs :
‘Viens vite prendre place à table’ ? Ne lui dira-t-il pas plutôt :
‘Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir,le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour’ ? Va-t-il être reconnaissant envers ce serviteur d’avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi,quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné,dites : Nous sommes de simples serviteurs :nous n’avons fait que notre devoir’ »

Cultiver le don de la foi, annoncer la Parole, en vivre, c'est pour chacun d'entre nous « servir le Seigneur Dieu », nous ne pouvons prétendre à d'autre récompense que celle de la joie merveilleuse de la fidélité au don qui nous est fait ! Le texte dit « nous n'avons fait que notre devoir » « oui, si on se regarde comme « obligé de »mais en réalité c'est une grâce, c'est un bienfait du Père que de nous appeler comme collaborateur, c'est un honneur insondable . Sommes-nous conscients de cette merveille ? Dieu le Père
éternel, créateur de l'univers, souverain du ciel et de la terre nous prend pour collaborateur ! La récompense est dans ce seul choix ! C'est tout simplement époustouflant, stupéfiant, étonnant, inimaginable ! Dieu peut tout réaliser sans moi, mais Dieu veut avoir besoin de moi, en agissant ainsi Dieu me rend acteur de mon bonheur ! C'est, comme certains disent pour des expériences très banales, c'est délirant ! Il nous est difficile d'avoir conscience de ce don qui nous est fait en nous appelant à collaborer à l’œuvre du salut !

« Qu'est-ce donc qu'Apollos? et qu'est-ce que Paul? Des ministres par le moyen desquels vous avez cru, selon ce que le Seigneur a donné à chacun. Moi, j'ai planté, Apollos a arrosé; mais Dieu a fait croître. Ainsi ni celui qui plante n'est quelque chose, ni celui qui arrose; mais Dieu, qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux ; et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail.(récompense qui est intrinsèque au service rendu ) Car nous sommes collaborateurs avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu. Selon la grâce de Dieu qui m'a été donnée, j'ai, comme un sage architecte, posé le fondement, et un autre bâtit dessus. Seulement que chacun prenne garde comment il bâtit dessus.

Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui est déjà posé, savoir Jésus-Christ. Si l'on bâtit sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté; car le jour du Seigneur le fera connaître, parce qu'il va se révéler dans le feu, et le feu même éprouvera ce qu'est l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage que l'on aura bâti dessus subsiste, on recevra une récompense; si l'ouvrage de quelqu'un est consumé, il perdra sa récompense; lui pourtant sera sauvé, mais comme au travers du feu.

Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c'est ce que vous êtes vous-mêmes. (1 Corinthiens 3)

Cette citation est longue, je ne la coupe pas car elle précise très bien ce que je crois quant à notre service de l’Évangile. Il serait même intéressant de remplacer le nom d'Apollos par notre prénom et celui de Paul par le prénom de la personne qui nous a le plus accompagné sur le chemin de l’Évangile !

Si nous réalisons tant soit peu le don qui nous est fait, ce cadeau merveilleux du Père alors, comme st Thomas après la résurrection nous tombons à genoux et disons : « MON SEIGNEUR ET MON DIEU ! »

La seule attitude possible, la seule attitude valable est :


« l’ADORATION »




L'Ermite

vendredi 23 septembre 2016

ILS NE SERONT PAS CONVAINCUS !

VINGT-SIXIEME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lc 16, 19-31 b


L'argent, les biens de tous genres peuvent durcir le cœur, aveugler notre regard, nous replier sur nous – mêmes, nous avons vu cela dimanche dernier et c'est tout-à-fait ce que nous enseigne la Parabole de ce jour !


En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens :
« Il y avait un homme riche,vêtu de pourpre et de lin fin,qui faisait chaque jour des festins somptueux.

Cet homme, décrit par Jésus, présente, effectivement, tous les ingrédients qui font de lui, un personnage ayant « pignon sur rue » du moins dans son apparence, son clinquant, dans ce qui peut le faire briller aux yeux des hommes et retenir leur regard :

Il est vêtu de pourpre et de lin fin : il faut de l'argent pour s'habiller ainsi !
Chaque jour il s'autorise des festins somptueux : de tels repas réclament aussi un portefeuille bien garni ! La cadence de ces festins est impressionnante !

Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères.Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères.

Le contraste est saisissant ! Lazare ce pauvre qui gît devant le portail de cet homme riche est dans une situation extrême , des ulcères recouvrent son corps, il n'a rien à manger, il ne peut qu'envier les miettes éventuelles qui tombent de la table de cet homme riche ! Lazare serait heureux de les récupérer mais il n'en a pas le loisir, nul ne pense à partager, il ne bénéficie d'aucune compassion, seuls, des chiens viennent le soulager en léchant ses plaies !

Cette scène est pathétique ! Ne passons pas trop vite en la jugeant extrême et non advenue . Ma mission auprès des personnes qui vivent dans la rue et de la rue a parfaitement illustré cette parabole . Gare du Nord, Gare de l'Est, à Paris, nous avons approché des situations sous humaines et vu , certes, quelques gestes de solidarité mais, hélas, des paroles et des gestes odieux exprimés par des passants qui du haut de leur allure altière portaient des jugements à l'emporte pièce et les jetaient à la face de celui ou celle qui demandait un peu d'aide , voire rien , sa seule présence dérangeait ! Le plus dégradant n'était-il pas dans l'indifférence ? Les voyageurs passaient chaque jour et ne voyaient pas la misère étalée à leurs pieds, leurs yeux étaient attirés par bien des choses mais ne l'étaient pas par les drames qui s'exposaient chaque jour en ces lieux ! Ils ne voyaient pas ! Et c'est le drame de cet homme riche !

Il ne voit pas l'homme couché à sa porte, occupé qu'il est par ses convives et
par l'organisation de ses repas somptueux ! Sa richesse le rend aveugle sur ce qui est différent, mais hélas, sur lui même aussi, il n'est plus en capacité de prendre conscience de ses limites, il vit hors de lui-même. Cet homme est incapable de se poser pour réfléchir, pour se remettre en question ! Sait-il seulement se remettre en question ? Sa vie est faite de jouissances, de bien-être, de fêtes, il s'étourdit !

Combien parmi nous, aujourd'hui, s'étourdissent dans des fêtes, des soirées somptueuses ? Combien louent des chambres d'hôtels à des prix exorbitants tandis qu'ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir, ou ne peuvent plus voir , la pauvreté qui se déploie aux périphéries, quand ce n'est pas au pied de leur porte d'appartement ?

Or le pauvre mourut,et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham.
Notre homme riche ne s'est même pas rendu compte de sa disparition, il ne s'est pas inquiété de sa sépulture, à aucun moment il ne s'interroge sur son absence et renforce ainsi le constat d'aveuglement qui alourdit le poids de son indifférence. Heureusement, le ciel supplée à nos limites, quand nous sommes défaillants, le Seigneur prend le relais et suscite l'inattendu. Ici « les anges » sans doute des frères attentifs qui méritent d'être reconnus comme tels !

Le riche mourut aussi,et on l’enterra.
Son sort tombe comme un couperet ! On l'enterra ! Apparemment sans faste, sans éclat ! Où sont ceux qu'il a régalés ? Dès cet instant Jésus semble nous montrer la vacuité absolue de cette vie. Jésus veut nous éveiller, nous réveiller avant qu'il ne soit trop tard, avant que nos oreilles s'ouvrent enfin pour entendre : « J'étais malade et tu ne m'as pas visité, nu et tu ne m'as pas vêtu, affamé, et tu ne m'as pas donné à manger ! » Ce jour viendra bien sûr, alors, si nous n'avons pas redressé la barre en temps opportun nous serons, comme cet homme riche, sans nom ici, mais qui peut se prénommer comme vous ou moi selon notre degré d'indifférence ! Ne nous y trompons pas, il ne s'agit pas seulement des richesses « sonnantes et trébuchantes » mais aussi de celle de la famille, de l'intelligence, de la santé ...

Au séjour des morts, il ( cet homme repu sur terre ) était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria :‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue,car je souffre terriblement dans cette fournaise.

Voilà venu, bien tardivement, l'heure du repentir ! Est-ce seulement un repentir ? Non même pas ! Il souffre seulement de la privation totale de la vision du Père, l'abîme qu'il avait établi sur terre entre Lazare et son mode de vie, continue de l'en séparer, mais la situation est inversée , Lazare, aujourd'hui, est dans le sein du Père, cet homme repu, aveuglé, est


tristement, lamentablement éloigné de ce Père, « lent à la colère, pourtant et tendre à la compassion » . Il faut que cet homme se soit terriblement fourvoyé pour que la porte étroite de l'amour ne lui permette de la franchir et d'accéder au royaume !

La réponse ne vient pas de Lazare, il serait en effet capable de se laisser infléchir, elle vient d'Abraham, le père des croyants qui a accueilli Lazare :

  – Mon enfant, répondit Abraham,rappelle-toi :tu as reçu le bonheur pendant ta vie,et Lazare, le malheur pendant la sienne.Maintenant, lui, il trouve ici la consolation,et toi, la souffrance.Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous,pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas,et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.

Cet homme semble alors retrouver un ersatz d'humanité, il pense aux membres de sa famille qui continuent les ripailles dans la maison de leur père terrestre :

Le riche répliqua :
Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père.En effet, j’ai cinq frères :qu’il leur porte son témoignage,de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture !

Abraham est lucide, si lui et ses frères n'ont pas ouvert leurs yeux ni leurs oreilles à l'appel des prophètes : « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Sion,et à ceux qui se croient en sécurité sur la montagne de Samarie. Couchés sur des lits d’ivoire,vautrés sur leurs divans,ils mangent les agneaux du troupeau,les veaux les plus tendres de l’étable ;ils improvisent au son de la harpe,ils inventent, comme David, des instruments de musique ;ils boivent le vin à même les amphores,ils se frottent avec des parfums de luxe,mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël ! » (Amos dans la première lecture) Dieu le Père viendrait en personne qu'ils ne l'écouteraient pas !

Abraham lui dit :Ils ont Moïse et les Prophètes :qu’ils les écoutent !
 –Non, père Abraham, dit-il,mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver,ils se convertiront.’Abraham répondit :S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts :ils ne seront pas convaincus.’ »

C'est ce qui fera dire à Jésus dans la Parabole du semeur :
« Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris !


Jésus veut nous guérir, c'est le but de Son Incarnation, c'est le but de Son


Église :« Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »Jésus, est venu chercher ce qui était perdu, Il fouille l'horizon jusqu'à l'heure du retour de l'enfant prodigue, faut-il encore que cet enfant, que je suis, que tu es, lève les yeux vers Lui !

Jésus vient nous rappeler que riches et pauvres sont ses enfants bien-aimés. Jésus s'est rendu chez les uns et chez les autres pour combler le fossé qui les séparait. Et Saint Paul nous écrit, à chacun, personnellement la lettre de ce jour :

Toi, enfant de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité,
la persévérance et la douceur. Mène le bon combat, celui de la foi,
empare-toi de la vie éternelle ! C’est à elle que tu as été appelé,
c’est pour elle que tu as prononcé ta belle profession de foi devant de nombreux témoins...voici ce que je t’ordonne :garde le commandement du Seigneur,en demeurant sans tache, irréprochable jusqu’à la Manifestation de notre Seigneur Jésus Christ. »



OUVRONS NOS OREILLES, OUVRONS NOS YEUX, OUVRONS NOTRE CŒUR ! AMEN !
L'Ermite

samedi 17 septembre 2016

DIEU OU L'ARGENT !

    XXVe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE.

                                (Lc 16, 1-13)



La brebis perdue est retrouvée, la pièce de monnaie si importante pour cette femme, est retrouvée, l'enfant prodigue revient à la maison où l'attend son Père, les bras grands ouverts, le cœur bien davantage, l'essentiel n'est-il pas dans cette joie profonde des retrouvailles ? « Ainsi, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance. (Luc 15) 


Aujourd'hui, Jésus continue cet enseignement, à partir d'une parabole qui a de quoi nous surprendre !

Tout d'abord par ce calcul filou du gérant qui va tenter de s'assurer des amis en leur remettant une partie de leur dette avec des biens qui ne lui appartiennent pas ! Ce comportement, pour le moins surprenant, nous dérange pas mal et c'est juste !


Que vais-je faire,puisque mon maître me retire la gestion Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force.Mendier ? J’aurais honte.Je sais ce que je vais faire,pour qu’une fois renvoyé de ma gérance,des gens m’accueillent chez eux.’Il fit alors venir, un par un,ceux qui avaient des dettes envers son maître.Il demanda au premier :Combien dois-tu à mon maître ?’Il répondit :‘Cent barils d’huile.’Le gérant lui dit :
‘Voici ton reçu ;vite, assieds-toi et écris cinquante.’Puis il demanda à un autre :Et toi, combien dois-tu ?’Il répondit :Cent sacs de blé.’
Le gérant lui dit :‘Voici ton reçu, écris 80’.

Ensuite, par la réaction du maître qui n'hésite pas à louer ce gérant malhonnête qui abuse de sa confiance et de ses biens en raison de son habileté pour sortir de cet étau, dans lequel il s'est lui-même piégé, la tête relativement haute !

« Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ;en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux
que les fils de la lumière. »


Et, pour finir, ce non moins étonnant conseil de Jésus Lui-même :  

Eh bien moi, je vous le dis :Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête,afin que, le jour où il ne sera plus là,ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.


Jésus considère l'argent comme malhonnête, ailleurs on traduit trompeur, je préfère cette traduction elle me semble plus claire, et exprime mieux me semble-t-il, la pensée de Jésus. L'argent, s'il est utile, s'il nous rend de nombreux services pour vivre en société et organiser notre vie , cet argent, peut nous induire en erreur et nous entraîner dans toutes sortes de désordres. Nous pensons, parfois qu'il est, sinon la source de notre bonheur, du moins un moyen efficace pour connaître le bonheur et c'est une erreur magistrale ! Nous connaissons tous le dicton : « l'argent ne fait pas le bonheur », certains ajoutent « il y contribue » ! Notre société est organisée de telle façon qu'il en faut un minimum pour vivre décemment mais j'ose dire, parce que je le pense vraiment, que l'argent est dangereux. St François d'Assise considérait l'argent comme du crottin !

Pourquoi est-il dangereux ? C'est une illusion ! L'argent nous trompe sur la source des valeurs et peut nous entraîner sur des pistes ensorcelées où nous perdons et vendons notre humanité . Que de procès pour avoir fait de l'argent un dieu ou presque ! L'argent engendre une course effrénée à la possession, aux plaisirs, au souci de plaire, de paraître, d'avoir pignon sur rue ! Oui, l'argent nous trompe, il se joue de nous, il nous enferme, nous durcit, ferme aussi notre cœur. Nous pouvons briller un temps, mais pas pour l'éternité, car, cet argent ne nous suivra pas au cimetière et encore moins, bien moins, au royaume de l'amour vrai ! Au royaume où « les premiers seront les derniers » où toutes nos soi - disant valeurs terrestres seront sens dessus dessous . Jésus s'y entend en la matière : si tu veux être parfait …
donne ton manteau, partage avec celui qui a faim, là où est ton trésor là aussi est ton cœur, faites-vous des bourses qui ne s'usent pas ...gardez-vous de toute âpreté au gain, car la vie de quelqu'un, fut-il dans l'abondance ne dépend pas de ce qu'il possède ! ...Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas...

Jésus ne parle pas du comportement du gérant, il ne loue pas ici son habileté , Jésus note seulement, qu'ayant à sa disposition des liquidités, se trouvant lui-même en difficulté, ce gérant a été suffisamment astucieux pour s'en servir pour donner un bonheur passager à des personnes qui avaient des problèmes financiers, dans l'espoir d'un retour au moment de sa déchéance. Les versets qui suivent développent la pensée de Jésus :

 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.



    Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête,qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance,ce qui vous revient, qui vous le donnera ?Aucun domestique ne peut servir deux maîtres :ou bien il haïra l’un et aimera l’autre,ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre.Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. 


J'apprécie vraiment beaucoup ce qu'en dit le Père Emmanuel Schwab dans « Prions en Église . Je cite :

« Pourquoi cette incompatibilité entre le service de Dieu et celui de l'argent ? C'est que les deux logiques sont inverses : avec l'argent, je ne conserve que ce que je garde ; avec Dieu je ne conserve que ce que je donne. Plus je donne mes biens, moins j'en ai. Plus je donne de l'amour, plus je m'enrichis de cet amour que je donne. »

En effet, quand je donne de mon argent, ma cagnotte diminue, et je risque d'éprouver un pincement au cœur, au contraire si je donne de l'amour, mon cœur, ma vie se dilatent et mon être tout entier est inondé de joie, c'est indicible, indescriptible, cela ne s'explique pas, mais manifeste qu'il s'agit d'un autre ordre. Le premier, l'argent, est bassement matériel, le second, l'amour, est de l'ordre spirituel ! Le premier, quand il diminue conduit à travailler plus, à chercher des moyens honnêtes ou non pour remplir le vide, le second, comble, plus j'en donne, de l'amour, plus je brûle de cet amour et plus j'ai envie, besoin de le répandre ! L'amour nous propulse, l'amour dit St Paul, ne passera jamais alors que l'argent peut disparaître s'il nous est dérobé, si nous l'utilisons mal. L'amour, lui, ne peut être dérobé ! Pensons à Mère Térésa, elle n'avait pas un sou vaillant personnel, par contre, sa vie débordait d'un amour sans limite pour ses frères !


L'argent n'a de sens dans nos vies que dans la mesure où il reste un moyen et non un but, une fin ! Un moyen pour vivre et donner du bonheur à ceux qui en manquent ! En réalité un argent honnêtement acquis, n'a de sens que dans la mesure où il me permet d'être serviteur de mes frères, je n'en suis pas 
propriétaire mais intendant, je suis appelé à le gérer pour le service du bien commun et non pour mon seul profit égoïste !


Dans la première lecture, le Prophète Amos nous montre à quel point l'argent, les biens peuvent nous corrompre :


Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays,car vous dites :
« Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ?
Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ?
Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances.Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent,
le malheureux pour une paire de sandales.Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! »
Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob :Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits.

Aurons-nous le cœur assez libre pour ne pas nous laisser ensorceler par l'argent trompeur ? Aurons-nous l'esprit assez vigilant pour donner à l'argent sa juste place, ni plus, ni moins ? Saurons-nous ouvrir nos mains pour que chacun ait sa part de pain quotidien ? Accepterons-nous de faire une place aux « Lazare » de notre temps couchés ou non, à nos portes, mais sincèrement nécessiteux, et qui cachent leur honte ? Ouvrirons-nous notre cœur à toute détresse sans poser de questions , sans réflexions désobligeantes, permettant à cet autre de se relever au lieu de l'enfoncer ? Lui donnerons-nous de notre part ou de nos restes ?


Seigneur, rends-moi attentif, attentive à tout frère, dans le besoin, spirituel, intellectuel, matériel, psychologique, moral, physique, car ce que je fais à un seul de ces petits qui sont mes frères c'est à TOI QUE JE LE FAIS ! Pardonne-moi toute velléité d'indifférence, de fermeture à l'autre, de refus d'écoute, d'agacement, de jugement, ouvre tous mes sens, tous mes pores, afin que je fasse miséricorde comme Tu me fais Miséricorde ! Amen ! Amen ! Amen !


L'Ermite

vendredi 9 septembre 2016

LA MISÉRICORDE DU SEIGNEUR A JAMAIS JE LA CHANTERAI

XXIVe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE.

(Lc 15, 1-32)



Quelle merveilleuse page d’Évangile ! Toujours en marche vers Jérusalem, Jésus nous livre le cœur du Père « La miséricorde du Seigneur, à jamais je la chanterai ! »

Et dire que ce Père plein de tendresse a parfois été présenté comme un Juge, dur, sans compassion ! S'il juge, il est juste aussi, et donne à chacun selon ses actes, mais, par amour, Il a, veut avoir, une toute petite petite, infime mémoire, comme si elle était atrophiée, parce qu'Il est Père avant tout, et qu'au moindre mouvement de notre cœur, Il nous enveloppe de sa tendresse Il ne veut pas parler du passé, Il nous serre dans Ses bras et nous ouvre un avenir ! Ah si nous pouvions entrevoir combien nous sommes aimés !

Jésus n'agit pas autrement que son Père, ici, comme souvent, les Pharisiens murmurent, et que répond Jésus ? Il raconte trois extraordinaires histoires pour révéler l'Amour d'un Père, que Lui, Jésus, imite en tous points ! Si Jésus accueille publicains et pécheurs , s'Il partage leur repas, c'est pour se donner l'occasion de parler du Père, de son amour et permettre aux personnes de se tourner vers Lui ! Qu'il est grand l'Amour de notre Père !

En ce temps-là,les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui :
« Cet homme fait bon accueil aux pécheurs,et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole :

Un berger sait ce que signifie la perte d'une brebis, il sait qu'il fera tout, vraiment tout, pour la retrouver, et, qu'une fois sa recherche aboutie, il prendra l'égarée dans ses bras, la dorlotera, la bichonnera ….Tel est le premier exemple choisi par Jésus ?

« Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une,n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?Quand il l’a retrouvée,il la prend sur ses épaules, tout joyeux,et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire :Réjouissez-vous avec moi,car j’ai retrouvé ma brebis,celle qui était perdue ! ’Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. »

Le second est plus prosaïque, mais l'important est dans la conclusion de l'histoire « Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. » Voilà ce que Jésus veut manifester ; cette insondable miséricorde du Père ! Retrouver un fils égaré ( la brebis, la pièce) réjouit le cœur de Dieu, Il ne voit que cela, ne veut retenir que cela !

«  Si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : Réjouissez-vous avec moi,car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !’Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »


Moïse apaisa le visage du Seigneur son Dieu



entendons-nous dans la première lecture ! Comme c'est beau ! Moïse ( le Jésus de l'ancienne Alliance) est rendu capable d'apaiser le visage du Père ! Combien plus Jésus va-t-il le faire en se livrant par Amour, en donnant Sa vie, en versant son Sang pour chacun d'entre nous  ! Et quelle est la réaction de Dieu Père ?

    Le Seigneur renonça
au mal qu’il avait voulu faire à son peuple.

Avez-vous déjà entendu dire que Dieu pouvait renoncer ? Eh bien, dans sa folie d'aimer, notre Dieu est Celui-là ! Et non seulement Dieu renonce au châtiment, mais Il oublie notre péché, Il l'efface comme on efface ce qui est écrit sur un tableau : c'était, et ce n'est plus ! Parce que Dieu qui nous crée, ne peut pas ne pas nous aimer, ne nous a-t-il pas fait à Son image ? Y pensons-nous ? Nous sommes créés pour AIMER, pas pour autre chose ! Pour AIMER ! Et nous aimons si mal, si mal !. Si nous comprenions cela, c'est en volant que nous irions au sacrement de la miséricorde, le sacrement du pardon que nous négligeons tellement !

Et Jésus de conclure par cette extraordinaire parabole où Il nous révèle ce que devrait être ce sacrement de la réconciliation ! Un Père qui respecte la liberté de son fils (chacun de nous!) qui le laisse réaliser son caprice ... Un fils, qui, en raison de ses mauvais choix, descend aux enfers du péché, et là, ayant touché le fond, se souvient que chez son Père, tout n'était pas si mal, consent à rentrer en lui-même, réfléchit sur « comment aborder ce Père supposé courroucé » prêt, s'élance, sans respirer, pour se jeter dans ses bras avec une phrase bien préparée qu'il n'a pas la possibilité d'exprimer, parce que ce Père-là, guettait son retour, Il prend ce fils dans ses bras, le couvre de baisers, le serre sur son cœur , demande une fête, revêt ce fils du vêtement de l'Alliance retrouvée ! Ce fils ? c'est chacun de nous ! Le Père ne cesse de nous attendre pour nous serrer dans Ses bras ! A vous qui craignez les reproches du Père, Jésus adresse cette Parabole pleine de tendresse et d'espérance ! « Viens danser, viens faire la fête » répond Jésus tu, es attendu !


    Jésus dit encore :« Un homme avait deux fils.Le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’
Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après,le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.

 Il avait tout dépensé,quand une grande famine survint dans ce pays,
et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays,qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.Alors il rentra en lui-même et se dit : Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance,et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père,et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’Il se leva et s’en alla vers son père.


Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit :‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. ’Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,allez chercher le veau gras, tuez-le,mangeons et festoyons,car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu,et il est retrouvé. ’Et ils commencèrent à festoyer.


Or le fils aîné était aux champs.Quand il revint et fut près de la maison,il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs,il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit :

‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras,parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé. ’Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier.Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais

transgressé tes ordres,et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées,tu as fait tuer pour lui le veau gras !’Le père répondit :‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi,et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort,et il est revenu à la vie ; il était perdu,et il est retrouvé ! 

Cette Parabole a été commentée de façon extraordinaire des milliers de fois, je donne donc la parole au Père Paul Baudiquey dont j'apprécie et la profondeur et la qualité poétique des écrits. Elle a été peinte aussi par
Rembrandt c'est cette peinture qui a inspiré le P.Baudiquey (Paul Baudiquey est l’auteur du livre « Un Évangile selon Rembrandt » (Mame , Paris collection Un certain regard, janvier 1989).
« L’homme qui a peint le « retour du prodigue » est un homme sans façade. Un homme lavé de toute parole vaine. L’œuvre est immense. Elle s’ouvre sur l’espace d’une confidence unique dans toute l’histoire de l’art occidental. C’est le premier portrait « grandeur nature » pour lequel Dieu lui-même ait jamais pris la pose.
Le Père en majesté inscrit sa majuscule au commencement de tout. Voûté comme un arc roman, et de courbe plénière. Sa stature s’accomplit dans l’ovale géniteur qui rayonne au tympan.

Son visage d’aveugle. II s’est usé les yeux à son métier de Père. Scruter la nuit, guetter, du même regard, l’improbable retour ; sans compter toutes les larmes furtives… il arrive qu’on soit seul ! Oui, c’est bien lui, le Père, qui a pleuré le plus
.

Je regarde le fils. Une nuque de bagnard. Et cette voile informe dont s’enclôt son épave. Ces plis froissés où s’arc-boute et vibre encore le grand vent des tempêtes, des talons rabotés comme une coque de galion sur l’arête des récifs, cicatrices à vau-l’eau de toutes les errances. Le naufragé s’attend au juge, « traite-moi, dit-il, comme le dernier de ceux de ta maison ».

II ne sait pas encore qu’aux yeux d’un père comme celui-là, le dernier des derniers est le premier de tous. II s’attendait au juge, il se retrouve au port, échoué, déserté, vide comme sa sandale, enfin capable d’être aimé.
Appuyé de la joue – tel un nouveau-né au creux d’un ventre maternel – il achève de naître. La voix muette des entrailles dont il s’est détourné murmure enfin au creux de son oreille. II entend.

Lève les yeux, prosterné, éperdu de détresse, et déjà tout lavé dans la magnificence… Lève les yeux, et regarde, ce visage, cette face très sainte qui te contemple, amoureusement.
Tu es accepté, tu es désiré de toute éternité, avant l’éparpillement des mondes, avant le jaillissement des sources, j’ai longuement rêvé de toi, et prononcé ton nom.

Vois donc, je t’ai gravé sur la paume de mes mains, tu as tant de prix à mes
yeux. Ces mains je n’ai plus qu’elles, de pauvres mains ferventes, posées comme un manteau sur tes frêles épaules, tu reviens de si loin ! Lumineuses, tendres et fortes, comme est l’amour de l’homme et de la femme, tremblantes encore – et pour toujours, du déchirant bonheur.

II faut misère pour avoir cœur. Et d’une patience qui attend, et d’une attente qui écoute, naît le dialogue insurpassable. Notre assurance n’est plus en nous, elle est en celui qui nous aime.

Accepter d’être aimé… accepter de s’aimer. Nous le savons, il est terriblement facile de se haïr; la grâce est de s’oublier. La grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.

Encore faut-il avoir appris ce que tomber veut dire, comme une pierre tombe dans la nuit de l’eau; Ce que veut dire craquer, comme un arbre s’éclate aux feux ardents du gel, sous l’éclair bleu de la cognée. Que peuvent savoir de la miséricorde des matins, ceux dont les nuits ne furent jamais de tempêtes et d’angoisses ?
Pour retentir à ces atteintes, il faut avoir vécu, – et vivre encore – en haute mer menacé sans doute, naufragé peut-être, mais à la crête des certitudes royales, l’amour alors peut faire son œuvre nous féconder, nous rajeunir.

Que nous soyons dans l’inquiétude, le doute et le chagrin,que nous marchions, le cœur serré, dans la vallée de l’ombre et de la mort !

Que nos visages n’aient d’autre éclat que ceux, épars, d’un beau miroir brisé…
Un amour nous précède, nous suit, nous enveloppe…

L’inconnu d’Emmaüs met ses pas dans les nôtres, et s’assied avec nous à la table des pauvres.

Malgré tous les poisons mêlés au sang du cœur, au creux de ces hivers dont on n’attend plus rien, rayonne désormais un été invincible. Morts de fatigue, nous ne saurions rouler que dans les bras de Dieu. Nous avons rendez-vous sur un lac d’or !

Le miroir est sans rides. Du fond de toute détresse émerge enfin un vrai visage, exténuées, extasiées, nos faces vieillies de clowns sont l’icône de son Christ, pour l’émerveillement des saints.

Et l’icône est plus fine, plus précieuse, plus belle, quand l’homme qui l’a peinte est passé par l’enfer. Trinité de ROUBLEEV et « Trinité » REMBRANDT, du



fond des terres où rayonnent ces images, le Père ne cesse de s’engendrer du Fils, de s’engendrer des fils, sous le couvert fécondateur de mains plus vastes que des ailes. L’ombre d’un grand oiseau nous passe sur la face.
Les vrais regards d’amour sont ceux qui nous espèrent. »

Dieu Père, en Jésus, nous espère toujours, Il nous espère jusqu' à l'extrême de notre dernier souffle, cet instant ultime où nos yeux s'ouvrent sur l'Ailleurs ! Dieu Père, en Jésus son Enfant, notre frère, nous tend la main, la pose sur notre tête et nous dit « veux-tu ? » il nous dit cela jusqu'au bord de l'abîme dont le vide tente de nous aspirer, Dieu Père, en Jésus son enfant bien-aimé ne se décourage jamais, Dieu Père est Celui qui attend ! Répondrons-nous à cette attente, à l'usure d'un regard aimant qui nous espère ?

il m’a été fait miséricorde,
car j’avais agi par ignorance,
n’ayant pas encore la foi ; 

Nous dit Saint Paul ! Dieu Père, en Jésus son Enfant fait miséricorde à celui qui pose sa tête sur son cœur : serons-nous de ceux-là ?




L'Ermite