vendredi 3 avril 2020

HOSANNAH ! HOSANNAH ! A MORT ! A MORT !



ENTREE MESSIANIQUE

DE JESUS A JERUSALEM

(Mt 21, 1-11)





Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, celui qu'il avait ressuscité d'entre les morts. On donna un repas en l'honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était avec Jésus parmi les convives. (Jn12)

Jean précise que cette entrée de Jésus à Jérusalem est précédée par une étape chez Ses amis de Béthanie. Sans doute avait Il besoin, en toute discrétion, d'un peu de réconfort, de repos aussi, avant d'affronter cette douloureuse montée vers le don libre, de sa vie ! Le bouche à oreille circule quasi à la vitesse des ondes et les gens venus à Jérusalem pour la fête de la Pâque ont appris que Jésus y montait aussi, les sympathisants se sont munis de rameaux nous dit St Jean pour l'accueillir et L'acclamer !

Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem,arrivèrent en vue de Bethphagé,sur les pentes du mont des Oliviers.Alors Jésus envoya deux disciples en leur disant :« Allez au village qui est en face de vous ;vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle.Détachez-les et amenez-les moi.    Et si l’on vous dit quelque chose,vous répondrez :‘Le Seigneur en a besoin’.Et aussitôt on les laissera partir. »    Cela est arrivé pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète :    Dites à la fille de Sion :Voici ton roi qui vient vers toi,plein de douceur,monté sur une ânesse et un petit âne,le petit d’une bête de somme.

La question qui nous vient : pourquoi Jésus habituellement si discret, Lui, le Serviteur, « venu pour servir et non pour être servi » , Lui, qui ne fait rien sans en référer à Son Père pourquoi veut-il rentrer à Jérusalem monté sur un âne ?

Que représente l'âne ? Cet animal apparaît au moins 57 fois dans l'Ancien Testament, et c'est un âne qui portait Marie fatiguée lors du recensement à Bethléem !
L'âne est une monture modeste utilisée par des familles modestes, les rois montent des chevaux pas un âne !

Cet animal traîne une réputation d'entêtement, ne dit-on pas têtu comme un âne ? De manque d'intelligence  aussi : « bête comme un âne ! » est également bien connu, et, à une époque, pas si éloignée, lorsqu'on voulait punir un enfant que l'on estimait stupide, voire l'humilier, on l'affublait d'oreilles d'âne !

Mais l'âne est aussi estimé pour sa douceur « j'aime l'âne si doux » écrivait Francis Jammes, poésie que bon nombre d'entre nous ont déclamé enfants ! Son regard doux attire la sympathie, il est pacifique, c'est l'humble monture des pauvres ! Les paysans qui ne pouvaient pas s'offrir un cheval se contentaient d'un âne pour les travaux des champs .

On peut supposer que Jésus connaissait la réputation de l'âne, ses limites et ses grandeurs, sa modestie surtout , donc, rentrer à Jérusalem assis sur un âne le plaçait au niveau du peuple, des petites gens ayant peu de moyens et le protégeait aussi de la foule, toujours prête à Le presser de toutes parts comme on le voit très souvent dans l’Évangile.

Peut-être, avec Saint Matthieu, pouvons-nous discerner une autre raison , Jésus n'est pas venu « pour abolir mais pour accomplir »,c'est Lui-même qui le dit :Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes; je ne suis pas venu abolir, mais parfaire. (Mt 5) Or le Prophète Zacharie, un des derniers Prophètes , nous laisse cette très belle prophétie : 

« Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient vers toi : il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune. Ce roi fera disparaître d'Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l'arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s'étendra d'une mer à l'autre, et de l'Euphrate à l'autre bout du pays. » (Za 9) qui semble englober toute la vie de Jésus,depuis son arrivée sur terre jusqu'à cette heure de l'entrée à Jérusalem (Sion).

En rentrant à Jérusalem sur cette modeste monture, Jésus accomplit cette Prophétie et se présente non en conquérant mais en Prince de la Paix, en effet , on ne fait pas la guerre monté sur un âne inoffensif !

Je me souviens, à l'instant, de Monseigneur Roméro venu nous donner une conférence à l'université de Fribourg,(Assassiné le 24 mars 1980, alors qu'il célébrait


la messe, Mgr Oscar Romero, l’archevêque de San Salvador, sera canonisé le 14 octobre 2018.) L'amphithéâtre était plein à craquer, et lorsqu'il est apparu sur le podium la foule des étudiants a applaudi avec vigueur , Mgr Roméro a saisi le micro pour nous dire : « merci, merci ! Je ne m'y trompe pas et ne vous trompez pas ! Moi je ne suis que l'âne qui porte Jésus, vos ovations sont pour Jésus ! Je ne suis que l'âne ! » Puissions-nous, chacun, avoir l'honneur d'être cet âne porteur de Jésus partout où nous sommes envoyés et puissions nous, nous considérer comme tel, et rien de plus ! Quand nous croisons un âne pensons que cet animal, parfois méprisé, a eu cet immense honneur de porter Jésus enfant et peu de temps avant Sa Passion !  

vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle.Détachez-les et
amenez-les moi.effectivement pour servir de monture à Jésus, l'âne devait être détaché, libéré ! Il en est de même pour chacun de nous , si nous acceptons d'être, tant soit peu, au service de Jésus, pour Le porter à nos frères, nous devons nous laisser agir par Jésus, comme Lui-même s'est laissé agir par le Père ! Le Père et moi nous sommes UN, pouvons-nous dire en toute sincérité, Jésus et moi, nous sommes UN ? C'est à chacun de répondre et peut-être que ce temps de confinement , en carême, peut nous permettre de faire le point : qui suis-je ? Suis-je l'humble serviteur, servante, cet âne que Jésus peut chevaucher ou ? ,,, je ne me permets pas de terminer la phrase, c'est à chacune et chacun de voir !

Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné.    Ils amenèrent l’ânesse et son petit,disposèrent sur eux leurs manteaux,et Jésus s’assit dessus.Notons la qualité de relation des apôtres avec Jésus : ils se dévêtent pour le bien-être de leur Maître ! Infime détail pensez-vous ! Mais nos relations sont constituées par de minuscules détails qui les rendent douces, agréables ou pas ! Il est bon d'apprendre ces gestes de tendresse entre époux, avec les enfants, les amis ! La délicatesse donne un plus inestimable à nos relations humaines.

Quant à la foule elle rivalise d'imagination pour accueillir et accompagner Jésus lors de cette entrée à Jérusalem :

Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ;d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route.Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient :« Hosanna au fils de David !Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !Hosanna au plus haut des cieux ! »


Ne nous y trompons pas si la foule acclame Jésus c'est qu'elle attend toujours ce Messie qui, selon elle, mettra l'occupant dehors et elle croit l'heure venue. Elle ne ménage pas de ce fait les ovations et les honneurs ! La vie nous a appris les risques des mouvements de foule et sa versatilité !
Le risque le plus dangereux c'est de suivre un leader et de foncer tête baissée sans la moindre réflexion ! Mais qu'un autre leader arrive en vociférant le contraire et voilà la même foule qui effectue un virage à trois cents soixante degrés et hurle à son tour en joignant sa voix à ceux qui rugissent le contraire ! Dans un éclair on passe du Hosanna au fils de David !Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !Hosanna au plus haut des cieux ! » à« Qu’il soit crucifié ! A mort ! A mort ! Crucifie-Le » c'est bien ce que nous rapporte l’Évangile de la Passion que nous entendrons en ce jour et qui ouvre la grande semaine où nous sommes invités à méditer le Mystère de l'amour insondable de Dieu pour chacun d'entre nous  ! La foule d'il y a maintenant ,plus de deux mille ans, n'est pas pire que les foules d'aujourd'hui, les deux sont de la même veine ! Chrétiens, engagés dans les pas de Jésus, quel est notre combat ? Sommes nous l'âne pacificateur qui porte la « paix-Jésus », ou le cheval combatif qui galope hennit et mugit: A mort ! À mort ! Et provoque la mort de multitudes ! Mort physique, mort psychologique, mort spirituelle, en me lavant les mains comme Pilate ? Chrétien, je suis appelé à témoigner de mon attachement à Jésus-Christ dans tous les détails de ma vie, dans tous les milieux partout où sont mes frères !

Acceptons de faire de ce temps de confinement un temps précieux pour relire notre façon de servir l'Amour, La Paix , le Don Libre de soi ! Devenons cet âne-serviteur du Roi-Serviteur, qui Le porte humblement, discrètement mais sûrement !

La prière d'un âne
(l'âne que je suis !)
Seigneur, je ne suis qu'un âne.
Depuis tant et tant d'années
que l'on me dit stupide, paresseux et têtu,
je finis par croire qu'il doit en être ainsi,
que je suis ce raté, dernier des animaux, Aliboron de cirque,
juste digne d'un bât, et parfois d'un chardon.
mais souvent, Seigneur, je suis triste et bien fatigué,
de cette charge d'indifférence et de mépris,
que jamais je ne peux ni déposer, ni oublier.
On m'a tant frappé,
que mon dos est marqué de deux raies en forme de croix.
On s'est tant moqué de moi,que j'en ai honte
et baisse la tête en ne disant plus rien.


Aujourd'hui pourtant, en trottinant dans la poussière du chemin,
je me souviens... ...
Je me souviens de cette nuit froide de Judée,
quand je fus choisi,
avec un bœuf aussi misérable que moi,
pour réchauffer de mon haleine,
un Enfant-Dieu !
Jamais, jusqu'à ce soir-là,
personne ne m'avait, comme Lui, regardé et souri.


Je me souviens de la longue traversée du désert,
vers le pays d’Égypte,
lorsqu'il fallait trotter vite pour sauver de la mort
celui qui venait apporter la Vie au monde.
Jamais, jusqu'à ce jour-là, je n'avais porté fardeau
plus doux et plus léger.


Je me souviens d'une entrée triomphale à Jérusalem,
au milieu d'une foule en délire qui chantait des "Hosannah",
et qui pleurait d'espérance et de joie.
Jamais, jusqu'à cette heure-là, je n'avais osé croire au jour de fête,
quand tout paraît si facile et si beau.
Aujourd'hui, en trottinant dans la poussière du chemin,
je me souviens et je rêve... ...
Je rêve q'un jour, peut-être,
je m'en irai par les chemins étoilés de Tes prairies éternelles,
qui sentent bon le thym et le romarin.
A une croisée fleurie, Francis Jammes sera là
avec son bon sourire et sa douce amitié.


Avec confiance, je le suivrai timidement,
sur le sentier de gloire qui monte vers Ton Ciel.
J'arriverai chez Toi, tout ému et tremblant,
et te dirai doucement :
Seigneur, je m'appelle Martin,
je n'ai rien d'important, ni de beau, ni de grand à T'offrir,
rien qu'une pauvre vie,
toute faite de patience et d'humiliations.
Mais si Tu veux bien de moi dans Ton Paradis,
fais que je reste, tout simplement, un âne,
un peu moins stupide,
pour comprendre la grandeur de Ta gloire et l'infini de Ta bonté,
un peu moins têtu,
pour ne plus faire que Ta seule volonté,
un peu moins paresseux,
pour chanter Ta louange éternellement !




Amen. (Robert DARTEVELLE)
l'Ermite

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire