vendredi 24 mars 2017

IL VOYAIT !

QUATRIEME DIMANCHE DE CAREME

(Jn 9, 1-41

IL VOYAIT !

Dimanche dernier nous avons essayé de suivre Jésus dans ce très beau et surprenant dialogue avec cette femme Samaritaine qui n'inspirait guère le respect et qui, au terme de la RENCONTRE devint missionnaire de la Bonne Nouvelle : NE SERAIT-IL POINT LE CHRIST ?
Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un très long épisode de l’Évangile selon Saint Jean sur l'aveugle de naissance .
 A notre naissance, nous sommes TOUS, aveugles, sourds, muets, grabataires, c'est l'éducation qui nous ouvre à la vie ! Nos parents nous apprennent à regarder et voir les choses, à leur donner un nom, à écouter pour entendre, à nous tenir debout pour marcher et avancer. L'aveugle, dont il est question ici, est intrinsèquement ainsi, l'éducation n'a aucune chance de l'éveiller, il est handicapé à vie. Cependant, une rencontre unique va le combler !
Je divise en six séquences cet épisode évangélique. Après Jésus bien sûr, le personnage principal que nous retrouvons, dans chacune de ces séquences,ou presque, est l'aveugle de naissance, qui, sur l'intervention de Jésus découvre la lumière et la LUMIERE !
Jésus, un homme aveugle, les disciples : Jésus, parce qu'Il sait regarder, voit ! Et que voit-il ? Un homme aveugle de naissance qui mendie. A cette époque la maladie et plus encore l'infirmité sont vues comme une punition de Dieu , d'où la question des disciples et la réponse claire de Jésus.
PAUL CLAUDEL écrit: "Dieu n'est pas venu supprimer la souffrance, il n'est même pas venu pour l'expliquer. Il est venu pour la remplir de sa présence" (Le Heurtoir, p. 33) Il est venu la vivre avec nous, à nos côtés. Il s'est fait solidaire de nos souffrances. Il est même venu les prendre sur lui.
 Par rapport au lien entre la souffrance et le mal commis, Jésus confirme que la souffrance n'est pas forcément une conséquence directe des fautes humaines Il ne niera pourtant pas tout lien entre la souffrance et le mal moral, Jésus lui-même endurera les pires tourments, victime innocente de la malice des hommes.
Il y a dans le message de Jésus, d'une part, une invitation à lutter contre la souffrance  et, d'autre part, un appel à accepter sa propre souffrance. On retrouvera ce double aspect, qui sera précisé, dans l'attitude du Christ face à la souffrance.
Quand Il rencontre des personnes en souffrance, Jésus intervient pour les soulager, que cette souffrance soit morale ou physique.Il précise ici qu'Il doit travailler « aux œuvres de Celui qui l'a envoyé » ?. Ce qui sous-entend qu'Il est venu non seulement pour révéler l'Amour du Père, mais travailler à Ses œuvres. Un jour, Saint Irénée écrira : « la gloire de Dieu c'est l'homme debout », or un homme debout c'est un homme en pleine possession de lui-même, c'est un homme en pleine intégrité morale, psychique et physique. Jésus veut donc donner à cet homme qu'il voit limité, sa pleine intégrité, en lui offrant ce qui lui manque : voir  la Lumière. Il ne le fait pas sans préciser qu'Il est Lui-même cette LUMIERE venue éclairer ce monde qui marche dans la ténèbre. La base étant posée, Jésus s'inscrit dans l’œuvre créatrice du Père : de l'eau, de la boue  qu'Il applique sur des yeux morts, pour leur donner vie ! L'homme suivit les indications de Jésus et IL VOYAIT !
Il est, me semble-t-il, important, de préciser que cet homme, sur l'invitation de Jésus, participe au processus de sa guérison. Dieu ne fait rien sans nous, c'est vrai pour chacun ! Nous sommes invités à effectuer la petite part dont nous sommes capables, Jésus accomplit le reste. C'est vrai aujourd'hui, comme ce l'était hier. Dieu veut avoir besoin de nous pour se faire connaître, Dieu veut notre participation dans notre propre marche !
En ce temps-là,en sortant du Temple,Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance.Ses disciples l’interrogèrent :« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,pour qu’il soit né aveugle ? »Jésus répondit :« Ni lui, ni ses parents n’ont péché.Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui.Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé,tant qu’il fait jour ;la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler.Aussi longtemps que je suis dans le monde,je suis la lumière du monde. » Cela dit, il cracha à terreet, avec la salive, il fit de la boue ;puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle,et lui dit :« Va te laver à la piscine de Siloé » – ce nom se traduit : Envoyé.L’aveugle y alla donc, et il se lava ;quand il revint, il voyait.
Les voisins de l'homme aveugle et l'homme guéri Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant– car il était mendiant –,dirent
alors :« N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »Les uns disaient :« C’est lui. »Les autres disaient :« Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. »Mais lui disait :« C’est bien moi. »Et on lui demandait :« Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts ? »Il répondit :« L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue,il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit :‘Va à Siloé et lave-toi.’J’y suis donc allé et je me suis lavé ;alors, j’ai vu. »Ils lui dirent :« Et lui, où est-il ? »Il répondit :« Je ne sais pas. »
Les voisins, et nous le comprenons, s'étonnent ! Ils ont connu cet homme mendiant, parce que aveugle, pour subvenir à ses besoins, et le voilà égal à eux, il voit, se déplace librement, vaque à ses occupations ! 
Ils parlementent entre eux, l'interrogent, veulent en savoir davantage... Lui ne sait qu'une chose, et, pas la moins importante : il voit. Quelqu'un est intervenu, et a disparu sans laisser sa « carte de visite » ! L'homme dit le déroulement des faits, il ne rajoute aucune fioriture, il sait simplement qu'il voit !
Nous avons là un témoignage simple et vrai qui devrait nous éclairer sur la façon de témoigner : je dis ce que j'ai vu , pas un mot de plus ! Tout ce que je pourrais ajouter est superflu et ne peut que brouiller les pistes.
Les voisins, ont du mal à entrer dans ce qu'ils constatent, leurs avis les divisent, certains doutent ! Un aveugle qui recouvre la vue ? Cela les dépasse et ils pensent qu'il y a erreur sur la personne ! Quand une situation nous dépasse n'arrivons-nous pas à nier l'évidence ? Et pourtant, Dieu est libre de Ses dons !

« On » , les Pharisiens , l'homme guéri, ses parents ! « On » : les premières personnes qui constatent cet étrange et surprenant changement ! Sans doute les voisins ! « ON » l'amène aux Pharisiens qui se définissent
comme un mouvement de stricte observance religieuse. Flavius Josèphe, écrit « pour l’emporter sur les autres Juifs par la piété et, par une interprétation plus exacte de la Loi ». Ils font ainsi de la surenchère par rapport à la pratique commune. Leur objet c’est, selon la formule d’un de leurs docteurs, « de faire une haie à la Torah ». Ils représentent ici l'autorité religieuse qu'ils se targuent de faire respecter à la lettre. D'où cette précision « c'était un jour de Sabbat que Jésus avait fait de la boue »
Chacun sait aujourd'hui à quel point la pratique du Sabbat est pointilleuse. Nous trouvons de nombreux passages dans l’Évangile où Jésus se dresse devant des lois mesquines qui placent les êtres vivants après la loi . « Esprits pervertis, est-ce que le jour du sabbat chacun de vous ne détache pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire"  (Luc 13) 
« Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de la perdre ? »  (Luc  6) Jésus, nous le savons, place l'homme en premier ! Il nous apprend et nous invite à l'intelligence des Écritures.
L'aveugle de naissance est invité à reprendre le récit de sa guérison. Les circonstances sont différentes, mais nous retrouvons les divisions et les interrogations de la séquence précédente .A ce stade, il est demandé au « miraculé » de s'impliquer davantage : « toi que penses-tu de cette situation ? L'homme ne se fait pas prier : « pour moi, c'est un prophète ! »
Les Pharisiens ont des doutes, c'est légitime, sur la cécité antérieure de notre ami, aussi convoquent-ils les parents . Quoi de plus légitime ? Prudents, les parents qui craignent des représailles, les renvoient au témoignage de leur fils ! Ne rejoignons-nous pas le dialogue de sourds de la semaine dernière ? S'engager vraiment réclame une grande liberté intérieure. Qu'aurions-nous fait ? Comment régissons-nous habituel-lement ? Avons-nous le courage de nos opinions ? Où sommes-nous ces caméléons qui changent de couleur quand le vent risque de tourner à notre désavantage ? Avons-nous le courage de nos convictions ? Osons-nous affirmer notre foi dans un contexte défavorable ou jouons-nous l'autruche ? Autant de bonnes questions à se poser en ce carême en demandant à Jésus de nous aider à grandir en liberté et en vérité d'être.

On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle.Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir.Il leur répondit :« Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé,et je vois. »Parmi les pharisiens, certains disaient :« Cet homme-là n’est pas de Dieu,puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. »D’autres disaient :« Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? »Ainsi donc ils étaient divisés.Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle :« Et toi, que dis-tu de lui,puisqu’il t’a ouvert les yeux ? »Il dit :« C’est un prophète. »Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir.C’est pourquoi
ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent :« Cet homme est bien votre fils,et vous dites qu’il est né aveugle ?Comment se fait-il qu’à présent il voie ? »Les parents répondirent :« Nous savons bien que c’est notre fils,et qu’il est né aveugle.Mais comment peut-il voir maintenant,nous ne le savons pas ;et qui lui a ouvert les yeux,nous ne le savons pas non plus.Interrogez-le,il est assez grand pour s’expliquer. »Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs.En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ.Voilà pourquoi les parents avaient dit :« Il est assez grand, interrogez-le ! »

Les Pharisiens, l'homme guéri .Cet homme ne se laisse pas impressionner par les propos désobligeants de ses interlocuteurs, il s'en tient à la même version. Quelles que soient les insinuations des pharisiens, il maintient ce qui est essentiel pour lui et qui change sa vie : « il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Les pharisiens insistent ! L'homme guéri, qui n'est pas privé d'intelligence, ni d'humour, va les piquer au vif : « Je vous l’ai déjà dit,et vous n’avez pas écouté.Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » 
C'en est trop ! Les pharisiens explosent et l'injurient. Conscient de leur mauvaise foi, l'homme les pousse dans leurs derniers retranchements : « Voilà bien ce qui est étonnant !Vous ne savez pas d’où
il est,et pourtant il m’a ouvert les yeux.Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs,mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce.Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance.Si lui n’était pas de Dieu,il ne pourrait rien faire. »Ils répliquèrent :« Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance,et tu nous fais la leçon ? »Et ils le jetèrent dehors. » Les pharisiens reprennent ici la thèse qui veut que la maladie soit la conséquence du péché personnel ou des ascendants ! En somme, ils continuent de nier l'évidence ! Peut-être pouvons-nous rentrer en nous-mêmes et tenter de discerner nos propres aveuglements ? Ici, en effet, la situation s'est inversée, l'ancien aveugle voit et constate que l'homme Jésus l'a guéri et qu'il ne pourrait poser un acte « de vie » s'il ne venait pas de Dieu. Les pharisiens, eux, sont aveuglés par leur suffisance, ils se ferment au don de Dieu, ils refusent de voir ce qui est clair, pourtant, comme de l'eau de source, les aveugles, ce sont eux ! 
Ne nous arrive-t-il pas de nier l'évidence pour sauver la face ? Dieu s'offre à nous à tous les instants, nous pouvons éprouver Sa présence la prière bien sûr, mais tout devient prière selon le regard que nous posons sur les êtres et sur les choses : la beauté de l'enfant qui s'éveille à la vie, la joie de celle ou celui qui retrouve la santé, la fleur qui s'épanouit sous nos yeux émerveillés, un coucher de soleil à nul autre pareil...Tout nous parle de l'immanence de Dieu, savons-nous Le reconnaître ? Savons-nous Le remercier ? Savons-nous Le louer ?

Jésus, l'homme guéri ! L'expression est violente « ils le jetèrent dehors. » Ce comportement exprime le dépit, la colère, les pharisiens, en quelque sorte , se « débarrassent » de cette personne devenue gênante parce que sa présence remet en question tous leurs préjugés cela leur est insupportable !
Jésus ,tenu au courant de la situation revient vers cet homme. Si Jésus le trouve, c'est qu'Il le cherchait, comme Il cherche toute brebis perdue jusqu'à la retrouver pour lui permettre de vivre en sécurité ! " Qui d'entre vous, ayant cent brebis, s'il en perd une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour aller après celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée? Et quand il l'a retrouvée, il la met sur ses épaules tout joyeux et, de retour à la maison, il convoque les amis et les voisins et leur dit: " Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis qui était perdue. " (Luc 15).
Ici, Jésus conduit cet homme de la lumière du jour à la LUMIERE de l'esprit , s'instaure alors ce merveilleux dialogue qui permet à cet homme de passer d'une rive à l'autre, d'un certain matérialisme à la claire vision de la foi. Pour le moment, Jésus est pour lui un prophète, celui qui a changé sa vie humaine, celui qui lui donne une place dans la communauté des hommes, qui lui permet de se tenir debout, de trouver une place dans la société, mais Jésus ne peut en rester à ce stade, l'oeuvre du Père serait inachevée : Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors.Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »Il répondit :« Et qui est-il, Seigneur,pour que je croie en lui ? »Jésus lui dit :« Tu le vois ,et c’est lui qui te parle. »Il dit :« Je crois, Seigneur ! »Et il se prosterna devant lui. » Cet homme est étonnant de pureté « d'être » ! Il ne tergiverse pas, il a une totale confiance en Celui qui vient de lui permettre de voir la lumière, il se prosterne ! C'est un acte de reconnaissance, de vénération, c'est dire : « je crois », j'adhère, je suis tiens.
Quand Jésus passe dans nos vies, et Il passe très souvent si nos yeux acceptent de Le reconnaître, savons-nous nous prosterner et adorer ? Reconnaître que Dieu est Dieu, que nous lui devons tout, ou, plus exactement que nous recevons tout de son amour ?
Jésus, des Pharisiens ! Les pharisiens ne sont jamais très loin de Jésus, ils l'épient sans cesse pour le trouver en faute, pour le pousser même à l'erreur , ils ne cherchent qu'une chose:Le prendre en défaut pour le faire condamner, Jésus les gêne ! Peut-être pourrions nous réfléchir à nos comportements lorsqu'une personne nous gêne, nous fait de l'ombre ! Essayons-nous de la présenter au Seigneur dans la prière ou bien essayons-nous, par des moyens
beaucoup moins nobles de l'éloigner ? Jésus dit alors :« Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement :que ceux qui ne voient pas puissent voir,et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent :« Serions-nous aveugles, nous aussi ? »Jésus leur répondit :« Si vous étiez aveugles,vous n’auriez pas de péché ;mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’,votre péché demeure. » La remarque de Jésus est très subtile ! On peut être aveugle par méconnaissance, par défaut d'intelligence, ce n'est pas le cas ici. Les pharisiens ne sont pas aveugles, ils sont de mauvaise foi, donc leur péché demeure ! Et si c'était cela le péché contre l'Esprit Saint ?
Ensemble et les uns pour les autres, demandons au Seigneur de nous libérer de nos aveuglements petits ou grands et d'ouvrir tout grands les yeux de notre cœur pour devenir ces témoins en Esprit et Vérité dont le monde a tellement besoin.
« qui est-il, Seigneur,pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit :« Tu le vois ,et c’est lui qui te parle. » Il dit :« Je crois, Seigneur ! » A nous de le dire à notre tour : Je crois Seigneur !"

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

L'Ermite

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