SIXIEME DIMANCHE
DU TEMPS ORDINAIRE
ANNEE B
(Mc 1, 40-45)
Un lépreux vint auprès de Jésus . Au temps de Jésus et jusqu'au Moyen Âge, parfois plus tard dans certains pays, non seulement la lèpre était une maladie honteuse mais elle pouvait être considérée comme la conséquence du péché personnel ou familial .
« Dans les années 30 en Palestine. Être malade n’était pas que biologique, c’était une expérience de vie à interpréter avec les yeux de la foi. Dans cette culture, on croyait que la maladie était la conséquence d’un péché commis par le malade ou un de ses ancêtres. Dans cette culture aussi, Dieu était à l’origine de la vie, de la santé et de la maladie. La lèpre, comme toute maladie, était vue comme un châtiment divin. Les malades étaient abandonnés par les autres puisqu’on croyait qu’ils étaient abandonnés de Dieu. Par exemple, aucun malade ne pouvait entrer au Temple. » (notes)
La tragédie des lépreux n’était pas seulement la dégradation physique de leur corps, mais davantage encore la honte de se voir rejetés par tous les autres. Ils étaient complètement exclus de la communauté.
Ils ne pouvaient plus vivre avec leurs proches, ne pouvaient pas se marier ni avoir d’enfants. Il leur était interdit de participer à une fête religieuse ou à toute autre activité sociale. En réalité, ces gens n’étaient pas nécessairement victimes de la lèpre telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais de diverses maladies de la peau (psoriasis, teigne, éruptions cutanées, tumeurs, eczéma…). Ces affections cutanées s’étendaientsur leur corps et les rendaient répugnants. Il fallait éviter tout contact avec eux car on croyait que leur maladie était contagieuse et qu’un contact avec eux rendait impur. Le sort des lépreux était le pire parmi les malades. Selon le livre du Lévitique, ils devaient crier : “Impur, impur!” Tant que durera son mal, il sera impur et étant impur, il demeurera à part. « Le lépreux, atteint de la plaie, portera ses vêtements déchirés et laissera flotter ses cheveux, il se couvrira la barbe et criera: Impur! impur! Aussi longtemps que durera sa plaie, il sera impur. Il est impur; il habitera seul; sa demeure sera hors du camp. ( Lv 13,45-46)
Ils devaient eux-mêmes annoncer leur exclusion quand quelqu’un approchait d’eux. Les lépreux étaient les personnes les plus marginalisées de la société. De plus, ils se sentaient complètement abandonnés de Dieu et des humains.
On peut lire les chapitres 13 et 14 du Lévitique .
Souvenons-nous: Jésus vient de quitter la Maison de Pierre où Il a accompli de nombreuses guérisons. Il s'est retiré dans un endroit désert où Pierre a su le retrouver et contrairement aux attentes du moment Il précise Sa volonté de parcourir les bourgs voisins pour y proclamer l’Évangile." Allons ailleurs dans les bourgs voisins, afin que j'y prêche aussi; car c'est pour cela que je suis sorti. " Et il alla, prêchant dans leurs synagogues, par la Galilée entière, et chassant les démons. (Mc 1)
C'est dans ce cadre que surgit cet homme atteint de lèpre. Cet homme est audacieux ou déjà habité par une confiance sans limite , il fallait en effet un courage sans mesure pour braver devant tous, les prescriptions du Lévitique et s'approcher à ce point de Jésus . Il est tout proche puisque Jésus peut le toucher !
il (Le lépreux) le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit :« Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit :« Je le veux, sois purifié. »
Remarquons la densité de ce verset
L'homme supplie, tombe à genoux et affirme « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Le terme SUPPLIER a une connotation spirituelle . J'ai cherché et retenu trois définitions de ce verbe :
SUPPLIER c'est :
Prier avec soumission et instance. Je vous en supplie.
Prier avec humilité et instance.
Demander avec insistance et humilité, de manière pressante
Cet homme, isolé par sa maladie, obligé de se cacher, de disparaître quand d'autres compatriotes s'approchent de son territoire en criant pour être entendu : « impur impur » tout en agitant une crécelle, cet homme franchit les obstacles au risque de se
faire lyncher , brave tous les interdits pour supplier le Saint de Dieu avec soumission et humilité, ( il tombe à genoux) instance et insistance puisqu'il ose affirmer « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Dire cela, en public, devant la foule, c'est reconnaître dans la personne du Maître une autorité qui a le pouvoir de le relever, de le laver. Il y a en effet une grande différence entre guérir et purifier .Guérir c'est redonner la santé corporelle, purifier c'est assainir ou rendre pur quelque chose qui ne l'est pas !
C'est presque un défi qui est lancé à Jésus « si tu le veux , tu le peux » cet homme affirme que Jésus peut le purifier … Jusqu'où le conduit sa pensée, son attente ? Il est difficile de le dire, cependant, il semble certain que Jésus peut lui rendre sa place au sein de la communauté humaine et lui permettre non seulement de participer à la vie sociale mais également, à vie religieuse en se rendant à la Synagogue comme tout un chacun.
Quand je prie, ai-je cette force de persuasion, cette confiance, cette audace ? Est-ce que je crois vraiment Jésus capable d'entendre et de répondre à mon attente dans la mesure évidemment ou celle-ci est légitime et pour mon bien ou pour le bien de celui pour qui j'intercède?
Et que fait, que dit Jésus ? La formulation : « si tu veux, tu peux » semble un peu provocatrice. A la place de Jésus comment réagirions-nous ? Jésus , Lui, est saisi aux « entrailles » la confiance de cet homme exclu, L'ébranle , Jésus voit d'abord cela : d'un côté l'extrême confiance et, de l'autre l'extrême solitude de quelqu'un qui ne cherche qu'une chose , réintégrer la communauté à laquelle il appartient, retrouver sa place, pouvoir évoluer normalement au milieu de ses frères . Alors que fait-Il ?
Quant à Jésus saisi de compassion Il étendit la main, le toucha et dit « je le veux sois purifié
Jésus ne se contente pas de la compassion, comme dimanche dernier en prenant sur Lui le mal-être du frère, de la sœur, Il franchit les limites du correctement pensable, Jésus ose toucher l 'INTOUCHABLE, celui qui est montré du doigt comme tel, celui que nul n'ose approcher et joignant au geste, la Parole de guérison, Il reprend à Son compte les mots de l'homme prosterné à Ses pieds :« je le veux sois purifié » et que
dit le texte ? Ce faisant, et ce disant, Jésus comme il est dit dans l’Écriture, se charge de nos maux Celui qui n'a point connu le péché, il l'a fait péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. (2 Co 5) Le Lépreux reçoit ici la « pureté » de Jésus et Jésus reçoit son impureté ! On peut parler alors de ce merveilleux échange dont il est question à propos de l'Incarnation mais aussi de l'Eucharistie : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu » : c’est là une pensée qui revient souvent dans les écrits des Pères de l’Église d’Orient comme d’Occident : elle est devenue un point ferme de la foi et de l’enseignement ecclésial. (Jean Paul II)« Oh quel admirable échange ! Dieu se donne à nous ! Pour nous Dieu s'est fait pain et vin pour habiter en nous . Oh quel beau mystère ! Amour merveilleux , c'est le Créateur qui s'unit à sa créature! (notes)
Il était méprise et abandonné des hommes, homme de douleurs et familier de la souffrance, comme un objet devant lequel on se voile la face; en butte au mépris, nous n'en faisions aucun cas. Vraiment c'était nos maladies qu'il portait, et nos douleurs dont il s'était chargé; et nous, nous le regardions comme un puni, frappé de Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. (Is 53)
À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. Fidèle à Sa Mission Jésus qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. » (Luc 19) extrait cet homme de sa zone d'exclusion , le restaure, lui rend sa liberté première , le renouvelle tout entier , fait de lui un homme nouveau capable de prendre sa place dans la communauté humaine ! Ne nous dit-il pas « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. » (Mc 1) Jésus non seulement le dit, mais le traduit en actes .
Le verset suivant nous déroute Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant :«
Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. » Les interprétations de ce verset sont assez différentes selon les auteurs . Ce qui nous surprend c'est l'expression « avec fermeté » Jésus tient absolument à la discrétion sur ce qui vient de se passer mais Il recommande à l'homme exaucé d'aller se montrer au prêtre et d'accomplir l'offrande prescrite par la loi mosaïque. Concernant la discrétion Jésus ne veut sans doute pas brûler les étapes Il veut prendre le temps de rencontrer pour évangéliser. Il redoute ce que nous rappelions récemment à savoir :que la foule veuille le faire Roi, Sachant donc qu'ils allaient venir l'enlever pour le faire roi, Jésus se retira de nouveau, seul, sur la montagne. (Jn 6) or Jésus ne cherche pas la royauté terrestre mais celle de l'amour et son Royaume, Il le dira n'est pas de ce monde« Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. » (Jn 18)Quant à « se montrer au prêtre » Jésus témoigne manifestement son attachement à l'Ancienne Alliance, Il n'est pas venu la supprimer mais l'accomplir . En demandant au Lépreux d'accomplir la loi, Jésus se montre ami de cette loi qu'Il veut conduire à son achèvement. Sans doute manifeste t-Il aussi, qu'au-dessus de toute loi, aussi bonne soit-elle, il y a l'amour. S'Il a répondu à la supplique de cet homme c'est par amour de compassion, de Celui qui souffre avec, de Celui qui par amour s'est habillé de notre chair, pour la sanctifier, la diviniser. C'est aussi pour nous montrer qu'un chrétien ne peut pas faire semblant quand il est confronté à la souffrance de ses frères quelle que soit cette souffrance, il est appelé selon sa grâce et selon son état, à la partager pour la sublimer. Concernant les lépreux c'est ce qu'a fait le P. Damien À Kalawao, dans l'île de Molokai en Océanie, l'an 1889, Damien de Veuster, prêtre de la Congrégation des Missionnaires des Saints Cœurs de Jésus et de Marie, qui se dévoua tellement de tout son cœur au service des lépreux qu'il contracta lui-même la lèpre et en mourut.
Le bienheureux P.Damien de Veuster descendit dans la léproserie de Molokaï- considérée alors « le cimetière de l'enfer des vivants » - et dès sa première prédication, il embrassa tous ces malheureux en disant simplement « nous lépreux ». Et au premier malade qui lui dit : attention Père, vous pourriez attraper mon mal » il répondit « Mon fils, si la maladie m'emporte le corps, Dieu m'en donnera un autre, »En ce qui concerne la discrétion demandée ici par Jésus, je ne peux m'empêcher à tort ou à raison, de faire un rapprochement avec le sacrement de la Réconciliation . Ce sacrement est par excellence celui de la discrétion, le Ministre ordonné, le prêtre, qui accueille le pénitent, ( le lépreux qui veut déposer son péché dans le Cœur de Jésus pour se relever renouvelé ) ce Ministre, est tenu par le SECRET ABSOLU . JAMAIS vous n'entendrez dire qu'un prêtre a failli à cet engagement . Par contre, il n'est pas rare d'entendre, l'un ou l'autre pénitent, soit s'étonner de telle ou telle pénitence reçue, soit de tel propos du célébrant qu'il déforme parfois par incompréhension . Qu'il me
soit permis de préciser que, si le ministre est tenu au secret absolu, cette norme appelle en écho le même secret du côté du pénitent. Si je suis troublé(e) si quelque chose me reste en « travers de la gorge » si je n'est pas compris le propos du célébrant , il m'appartient de prier, de prendre rendez-vous et , en expliquant le contexte, de lui demander de m'expliquer son point de vue, en aucun cas je ne peux divulguer ce qui m'a été dit je suis tenu(e) au même respect du secret que le célébrant . Divulguer quoique ce soit, c'est ouvrir la porte à une multitude de diablotins susceptibles de nuire au Ministre du Sacrement, à l’Église aussi. Et le Ministre n'a ici, AUCUN DROIT de réponse ! On a vu des prêtres condamnés à de la prison simplement parce qu'ils refusaient de se défendre au nom de leur engagement. REFLECHISSONS !Marie, Joseph, Elisabeth, Zacharie ont su garder le secret s'en remettant totalement au Père dans une confiance absolue...
Marie pouvait craindre de perdre Joseph, elle a remis son « à-venir » dans les mains de Celui qui lui a fait signe et Il s'est chargé d'annoncer l'insondable Nouvelle !
Lorsqu'Elle se rend chez Elisabeth Marie ne dit rien du don de Dieu , les enfants se « RE- CONNAISSENT » Elisabeth annonce le Mystère et les deux femmes s'unissent dans une même action de grâce ! Que c'est grand et beau la confiance ! Où en sommes-nous de notre abandon dans les Mains de ce Dieu qui veille sur chacun de nos pas? Ne craignons pas de nous arrêter pour nous poser la question.
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte
que Notre frère lépreux est fou de joie, il ne la contient pas, c'est au-dessus de son entendement. Hier exclu, rejeté, privé de vie familiale et sociale, interdit de synagogue , en « une parole et un geste compromettants pour Jésus », le voilà beau et frais comme un nouveau-né, et c'est un nouveau-né, un « rené » puisqu'il va de nouveau goûter les bonheurs du quotidien. Notre frère laisse éclater sa joie il répand la NOUVELLE ! D'ailleurs est-ce qu'il a besoin de la proclamer, elle se voit , sa peau est renouvelée , elle témoigne naturellement pour lui ! Oui, mais Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui. D'une certaine façon, la LEPRE change de camp , c'est Jésus qui doit prendre des précautions. C'est Jésus qui ne peut plus aller et venir librement , c'est Jésus qui doit rester à l'écart dans des endroits déserts , c'est la porte ouverte à ce qu'Il vivra plus tard : rejeté par les hommes : Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison... Parmi ses contemporains, qui s’est inquiété qu’il ait été retranché de la terre des vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple ?... A la suite de l’épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s’accablant lui-même de leurs fautes. C’est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels. Is 53
C’est
pourquoi il habitera ( le lépreux) à l’écart,
son habitation
sera hors du camp. » 1ère lect.
Tu
es un refuge pour moi ;
de chants de délivrance, tu m’as
entouré.
(31,
7acd)
Heureux
l’homme dont la faute est enlevée,
et le péché remis
!
Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas
l’offense,
dont l’esprit est sans fraude !
Je t’ai
fait connaître ma faute,
je n’ai pas caché mes torts.
J’ai
dit : « Je rendrai grâce au Seigneur
en confessant mes péchés.
»
Toi, tu as enlevé l’offense de ma faute.
Que le
Seigneur soit votre joie !
Exultez, hommes justes !
Hommes
droits, chantez votre allégresse !
L'Ermite
TRES BONNE ENTREE EN CARÊME
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