jeudi 21 mars 2019

CONVERTISSEZ - VOUS


TROISIEME DIMANCHE

DE CARÊME 2019

(Lc 13, 1-9)



Cette semaine, nous passons du chapitre 3 au chapitre 13 de St Luc, sans doute pour adapter les textes à ce temps de Carême et nous permettre d'entendre et de prendre très au sérieux l'appel à la conversion. N'est-ce pas un des éléments essentiels de ce temps fort de notre Liturgie ? Se laisser convertir un peu plus à l'Amour qui est Dieu même ! Cet appel à la conversion n'a pas d'autre objectif que de se laisser purifier pour aimer un peu à la manière du Père ! Un peu ! en effet, qui prétendrait qu'il aime vraiment ? Aimer est une exigence de tous les instants qui réclame l'oubli de soi pour permettre à l'autre de devenir ce que Dieu espère de lui à partir de ce que , Dieu, lui a offert en matériaux de base ! « Car tout vient de Lui et tout retourne en Lui ! » « La Parole qui sort de ma bouche ne me revient pas sans résultat, sans avoir fait ce que je voulais et réussi sa mission » (Is 55,11)
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer,mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient.Jésus leur répondit :« Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens,pour avoir subi un tel sort ?
Avec la péricope de ce jour nous semblons être en présence de la gazette du coin qui rapporte les événements des environs sauf qu'ici, ces événements sont présentés à Jésus Lui-même . Et nous sommes en droit de nous interroger sur la motivation des interlocuteurs de Jésus. Nous y reviendrons.
Dans le chapitre qui précède, Jésus met Ses disciples en garde contre la persécution dont ils seront l'objet et Luc rapporte un reproche de Jésus à la foule qui ne sait pas discerner le caractère messianique de ce qui se passe sous ses yeux. Ils savent prévoir sans erreur le temps qu'il fera, mais ne voient pas le temps présent.
«  Il dit encore aux foules : Quand vous voyez un nuage se lever à l'occident, vous dites aussitôt : La pluie vient. Et il arrive ainsi. Et quand vous voyez souffler le vent du midi, vous dites : Il fera chaud. Et cela arrive. Hypocrites ! Vous savez discerner l'aspect de la terre et du ciel ; comment ne discernez-vous pas ce temps-ci ? Et pourquoi ne discernez-vous pas de vous-mêmes ce qui est juste ? Lc. 12:54-57
Puis Jésus poursuit par un appel à la réconciliation : chacun des auditeurs devait se réconcilier avec Dieu pour échapper à l'accusateur, sous peine d'une condamnation. “Lorsque tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, tâche en chemin de te dégager de lui, de peur qu'il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre à l'officier de justice, et que celui-ci ne te mette en prison. Je te le dis, tu ne sortiras pas de là que tu n'aies payé jusqu'à la dernière obole.” Lc. 12:58-59
Il a donc été envisagé que ces “quelques personnes” qui s'adressent maintenant à Jésus : pensent voir dans un « fait divers » récent, un de ces signes précurseurs dont Jésus vient de parler, ils veulent démontrer que eux, sont capables de discerner les signes des temps, que les victimes d'un massacre devaient faire partie des “hypocrites” dénoncés à l'instant par Jésus. Si tel est le cas, ces hommes n'avaient pas compris que les signes à reconnaître n'étaient pas les catastrophes, mais la prédication de Jean-Baptiste et les faits surnaturels qui accompagnaient Jésus depuis le début de son ministère.
Deux autres signes manquaient avant le déclenchement des jugements : celui de la crucifixion et celui de la résurrection de Jésus. Il a été supposé que ces “quelques personnes” étaient venues, non pour écouter les enseignements de Jésus, mais pour lui tendre un piège en lui faisant prononcer des paroles contre Rome, ce qui aurait permis de l'accuser de sédition devant Pilate ou devant Hérode. En précisant que les victimes étaient de Galilée, comme Jésus, ces personnes auraient cherché peut-être, à entraîner Jésus dans un discours émotionnel contre l'occupant. La réponse de Jésus suggère un autre motif à l'intervention de ces hommes. Il est donc plus simple et cohérent de supposer que ceux qui viennent rapporter ce fait tragique le font sous le coup d'une violente émotion à cause de son caractère de profanation tragique d'un rituel, comme si des païens (ici des Romains) avaient accompli un sacrifice humain dans l'enceinte même du temple. Ces personnes viennent peut-être tout juste d'arriver, et n'ont même pas entendu les enseignements précédents de Jésus. Mais ce dernier va utiliser leur récit pour en tirer un enseignement auquel ils ne s'attendaient pas.
L'histoire ne rapporte pas plus le récit de ce massacre ordonné par Pilate, qu'elle ne rapporte le récit du meurtre des nourrissons de Bethléem par Hérode. De telles violences touchant des gens ordinaires n'étaient pas rares dans l'empire. Les Israélites, comme beaucoup de religieux, pensaient que les infirmités et les malheurs de l'existence étaient la conséquence de fautes visibles ou cachées, commises par les victimes ou par leurs ancêtres. La gravité du malheur était considérée comme proportionnelle à la gravité de la faute. Rappelons-nous la question des disciples à propos de l'aveugle
Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui firent cette question: Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ?” Jn. 9:1-2
Ici la tragédie sanglante est d’autant plus frappante que du sang animal s'est trouvé mélangé à du sang humain lors d'un rituel de sacrifice dans l'enceinte du temple, près de l'autel. Le sang étant le véhicule de l'âme, du souffle de vie, l'image confuse mais insupportable d'un mélange des souffles s'invitait dans les pensées. Ne fallait-il pas, selon la Loi de Moïse, éviter de manger de la viande animale encore porteuse de son sang ? Ici, près de l'autel, le contact des deux sangs était immédiat ! Il est possible que les soldats romains soient intervenus pour capturer des meneurs religieux nationalistes, et que ces derniers aient opposé une vaine résistance. “… ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices” Lc. 13:1b
Si tel est le cas, ce massacre est une préfiguration de ce qui va advenir en l'an 70 lors de la chute de Jérusalem et du temple où se seront réfugiés les derniers défenseurs.
Ponce Pilate est né à Lyon en l'an - 10. Il fut nommé par Tibère procurateur de Judée (de 26 à 36). Il fut renvoyé à Rome et mourut vers 39 après. J.-C. exilé par Caligula à Vienne (Gaule) ou à Lucerne (Suisse). Selon Flavius Joseph, les relations de Pilate avec les Juifs ont été houleuses dès le début de son mandat. Comme d'autres occupants, il n'a parfois pas hésité à faire couler le sang juif. “croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens …”
Les interlocuteurs de Jésus attendaient une réflexion de Jésus sur les causes cachées de cet événement, ou sur la culpabilité des victimes galiléennes, ou sur la brutalité de Rome, ou sur la méchanceté de Pilate, ou sur la délivrance nationale d'Israël grâce à une action imminente du Messie. La question de Jésus les prend donc à contre pied. :« Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens,pour avoir subi un tel sort ? Il les invite à regarder en eux-mêmes, à considérer leur propre position devant le Seigneur, le Dieu saint. Jésus ne rejette pas l'enseignement de l'Ancien Testament qui démontre que les offenses à la loi divine ont des conséquences pour les offenseurs dès ici-bas. Mais ici il refuse d'être complice de l'homme qui se complaît à imaginer les fautes des autres pour expliquer les malheurs qui les frappent.Eh bien, je vous dis : pas du tout !Mais si vous ne vous convertissez pas,vous périrez tous de même.Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé,pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?Eh bien, je vous dis : pas du tout !
La chute de la tour de Siloé, autre fait divers n'a rien de surprenant , elle s'inscrit dans ces catastrophes d'hier et d'aujourd'hui qui nous déstabilisent, nous font beaucoup parler et écrire, mais auxquelles nous ne pouvons rien changer ! Ces événements , la plupart du temps brutaux. Qui pouvait envisager le dernier incendie dans le Var ce 18 mars ? Qui pouvait prévoir les inondations de ces derniers jours au Mozambique ? Nous sommes là devant la difficile question de la souffrance : pourquoi ? Nous n'avons d'autre éclairage que celui donné dans le si beau livre de Job dans l’Écriture Sainte, et celui de savoir jusqu'où notre Sauveur est allé, Lui, dans la souffrance pour nous obtenir le Salut !
Dans le Livre de Job Dieu demande à ce dernier de reconnaître que la maîtrise des événements lui échappe puis il l'invite à garder intacte sa confiance en son Créateur .Ce à quoi Job répond par ces merveilleux versets pleins de foi, d'abandon :Job répondit au Seigneur et dit: Je sais que tu peux tout, et que pour toi aucun dessein n'est trop difficile. «Quel est celui qui obscurcit le plan divin, sans savoir?» Oui, j'ai parlé sans intelligence de merveilles qui me dépassent et que j'ignore. «Écoute - moi, je vais parler; je t'interrogerai, réponds-moi.» Mon oreille avait entendu parler de toi; mais maintenant mon œil t'a vu. C'est pourquoi je me condamne et me repens, sur la poussière et sur la cendre. (Job 42)
Jésus affirme ici qu'il n'y a aucun lien entre la souffrance et le péché, n'en est-il pas le témoin absolu ? Lui Jésus, qui n'a pas connu le péché, se livre par amour pour nous offrir la Vie éternelle ! Ce qui est central dans cette péricope c'est l'appel à la conversion :Mais si vous ne vous convertissez pas,vous périrez tous de même. » Ne perdons pas notre temps dans l'accessoire mais entendons cet appel de Jésus à nous laisser convertir à l'Amour qui est Dieu. Se laisser convertir c'est se laisser enseigner par la Parole de Jésus, la laisser descendre en nous , nous interroger sur notre manière de l'accueillir et de la vivre dans nos relations : Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. (Luc 6)
Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. (Matthieu 10)
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. (Luc 6)
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. (Luc 6) …
Nous n'aurons jamais fini de nous ajuster à cette Parole parce qu'elle est vivante et que nous découvrons sans cesse de nouvelles facettes qui nous invitent à aimer
comme Dieu aime Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l'âme, jusqu'aux jointures et jusqu'aux moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n'échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, dominé par son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes. (Hébreux 4)
La seconde partie de ce verset pourrait nous laisser croire que Jésus est en pleine contradiction « vous périrez tous de même. », il ne s'agit pas ici de la mort physique mais de la mort spirituelle et donc éternelle. La privation totale et définitive de la vision d'un Père aussi bon que l'est Notre Père des cieux ! Vous périrez si délibérément vous refusez de vous ajuster à la Parole de Vie qu'est Mon Évangile, cette Bonne Nouvelle pour tous les hommes et tous les temps ! Mais Dieu est Père, nous ne le dirons jamais assez, Il est infiniment patient c'est tout l'enseignement de la Parabole du figuier qui suit :
 Jésus disait encore cette parabole :« Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne.Il vint chercher du fruit sur ce figuier,et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron :‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier,et je n’en trouve pas.Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’Mais le vigneron lui répondit :‘Maître, laisse-le encore cette année,le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir.Sinon, tu le couperas.’ »
Il vint chercher du fruit sur ce figuier,et n’en trouva pas Jésus pense bien sûr aux fruits de l'Esprit « Le fruit de l'Esprit, au contraire, c'est la charité, la joie, la paix, la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance. Contre de pareils fruits, il n'y a pas de loi.(Galates 5) »
Si nous entrons dans la logique de la Parabole nous sommes ce vigneron qui souhaite prendre les grands moyens et, pour ce faire décide de couper tous les arbres, « nos frères » qui à notre regard ne fructifient pas ! D'une part nous n'avons pas les moyens d'en juger, nous ne voyons que l'apparence, l'écorce, Dieu, Lui regarde le cœur « L'homme regarde à l'apparence extérieure, mais Dieu regarde au cœur. » 1 Samuel 16. 7 et d'autre part, il ne resterait personne car le juste lui-même
(le saint) ne peut faire le bien sans pécher ! »Car aucun homme n'est assez juste sur terre pour faire le bien sans pécher » Qo6
Dieu, est Miséricorde, « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive Ez 18 .
Au fond, ici, Jésus nous demande de changer notre regard : Dieu n'est pas ce père fouettard qui, martinet en mains, nous assène quelques coups de lanières , Dieu est essentiellement un Père et un Père miséricordieux qui aime chacun de Ses enfants et leur laisse le temps de découvrir qui Il est ! Certains, peut-être, feront cette découverte lors de l'émerveillement de la Rencontre, qu'importe ! L'essentiel n'est-il pas dans le fait d'adhérer, en toute liberté et de nous jeter émerveillés dans les bras de ce Père « lent à la colère » « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. (Ps 145, 8) »
celui qui se croit solide,qu’il fasse attention à ne pas tomber.1 Cor 10



Je vous rassemblerai de tous les pays,
et je vous ramènerai sur votre terre.
Je ferai sur vous une aspersion d'eaux pures et vous serez purs;
de toutes vos souillures et de toutes vos abominations je vous purifierai.
Et je vous donnerai un cœur nouveau,
et je mettrai au dedans de vous un esprit nouveau;
j'ôterai de votre chair le cœur de pierre;
et je vous donnerai un cœur de chair.
Ainsi, par vous, je montrerai que je suis le Dieu Saint
(Ezéchiel 36)
Antienne d'ouverture de la Liturgie de ce jour


L'Ermite

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