samedi 2 août 2014

DONNEZ-LEUR VOUS-MÊMES A MANGER

DIX HUITIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

(Mt 14, 13-21)

"Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l'écart."

Comme nous comprenons Jésus ! Jésus est harassé, pressé de toutes parts par des foules avides de l’entendre, l’écouter est autre chose ! Ayant appris à connaître sa compassion chacun veut l’expérimenter. Jésus lui, est fatigué, Il éprouve le besoin de se retirer ; comme souvent, Jésus choisit un coin désert, Il sera en solitude, dans un silence absolu, Il pourra se refaire physiquement et parler avec Son Père qui préside à toutes Ses actions.  La foule est insatiable, elle garde un œil sur ses déplacements ; cette foule ne le quitte pas du regard, elle comprend vite que Jésus cherche à s’éloigner :

 "Les foules l'apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied."

De quel empressement faisons-nous preuve pour écouter Jésus ? Sommes-nous prêts à nous déplacer pour passer du temps avec Lui, avons-nous faim et soif de Lui ?
Jésus croit s’éloigner, non seulement Il est rejoint mais Il est devancé :

"En débarquant, il vit une grande foule de gens ; il fut saisi de pitié envers eux et guérit les infirmes."

La foule arrive avant Lui ! Quel empressement ! Quel désir de passer du temps avec Lui, d’entendre sa Parole et de bénéficier de ses bienfaits ! Ces personnes ont besoin d’être encouragées, soulagées, relevées. Qu’aurions-nous fait ?
Jésus, Lui, voit leur détresse, Il voit les besoins de cette foule qui vient déposer sa souffrance à ses pieds, Jésus est conscient de leurs infirmités physiques, psychologiques, morales, du poids que les puissants font peser sur leurs épaules, Il ne peut les éviter, dire : « laissez-moi prendre un peu de repos ! » Jésus est bouleversé, Il est saisi de pitié, l’expression est forte, très forte ! Jésus ne peut rester insensible, Il se laisse déranger, désorganiser dans Son projet et, devant tant de souffrances Jésus guérit, Jésus redonne confiance, remet sur pieds, Il va plus loin encore :

"Le soir venu, les disciples s'approchèrent et lui dirent : « L'endroit est désert et il se fait tard. Renvoie donc la foule : qu'ils aillent dans les villages s'acheter à manger ! »

Nous n’aurions pas fait mieux invoquant le manque de moyens, le manque d’argent, nous aurions peut-être été bien plus indélicats usant de certains arguments peu avouables : « attends Jésus, on ne peut pas tout faire pour eux ! Nous devons leur apprendre à se prendre en charge, à assumer leur vie ! Ne penses-tu pas qu’ils profitent de Toi, de nous, nous en sortirons exsangues ! Ils doivent se débrouiller un peu par eux-mêmes, si nous les prenons trop en charge ils ne seront jamais autonomes ….et je reste très soft !

"Mais Jésus leur dit : « Ils n'ont pas besoin de s'en aller. Donnez-leur vous-mêmes à manger. »

Les apôtres ne s'attendaient sûrement pas à semblable répartie. Nourrir une foule ? Dans un lieu désert ?C'est soit de l'inconscience soit de la provocation,
les voilà au pied du mure : sauront-ils surmonter cette épreuve , car c'en est une !Certains auront-ils envie de s'éloigner d'un Maître aussi imprévisible ?Vont-ils se révolter ? Eh bien non ! Ils n'en sont pas à leur premier étonnement devant l'agir du Maître, aussi osent-ils évoquer ce qu'ils ont remarqué, tout en sachant que leur proposition est dérisoire. Ils n'ont pas oublié la démarche de Jésus aux Noces de Cana ! Notons que Jésus ne répond pas en termes de commerce mais en termes de "don":"donnez-leur" vous mêmes à manger" ! N'est-ce pas encore plus angoissant ?


Ils n'ont rien, et ils devraient donner !

"Les apôtres lui disent (sans doute penauds et un tantinet inquiets): «Alors Nous n'avons là que cinq pains et deux poissons. » Jésus dit : « Apportez-les moi ici. »

Jésus ne rejette pas notre dénuement, notre pauvreté radicale : n’a-t-il pas revêtu notre humanité dans toutes ses limites pour nous rejoindre, hormis le péché évidemment ! Jésus nous accueille tels que nous sommes, avec nos bassesses, notre misère, nos limites et nos élans de générosité ! Jésus n’éprouve aucun dédain pour le peu qui est proposé, ce peu, Il le saisit, le respecte, l’utilise, le partage même !

"Puis, ordonnant à la foule de s'asseoir sur l'herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction ; il rompit les pains, il les donna aux disciples, et les disciples les donnèrent à la foule.
Tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze
paniers pleins. Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants !"

Ne reconnaissons-nous pas ici les mots de l’Institution ? Ne s’agit-il pas de la préfiguration de ce grand moment de l’Institution de la Sainte Eucharistie qui nourrit des foules depuis plus de 2000 ans ? Remarquons aussi la pédagogie de Jésus : non seulement Il valorise le peu que nous offrons mais Il saisit l’occasion pour nous faire coopérer à Son œuvre salvifique, Jésus ne se réserve pas la joie de donner le pain mais Il fait des apôtres ses coopérateurs « étant ses coopérateurs, nous vous exhortons à ne pas recevoir la grâce de Dieu en vain écrit St Paul dans la   2 Corinthiens 6 » Le moment n’est-il pas venu d’appliquer ici la première lecture de ce jour :

"Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! Même si vous n'avez pas d'argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent et sans rien payer."

Chaque dimanche, chaque jour pour ceux qui en ont la grâce, Jésus nous accueille à la table eucharistique, gratuitement, Il se donne à nous sans restriction, sans tenir compte de notre pauvreté. En effet, nous ne sommes jamais prêts, notre cœur n’est jamais suffisamment préparé, orné, Jésus ne fait pas le difficile Il se donne largement sans demander de contrepartie. Sa confiance nous est assurée !

"Écoutez et vous vivrez. Je ferai avec vous une alliance éternelle"

N’est-ce pas inouï ? Non seulement Dieu se donne tout entier en Son Fils Bien-aimé mais Il fait avec nous, une alliance éternelle ! Dieu n’a pas peur de notre pauvreté, de notre indigence, Dieu n’est pas effrayé par nos lourdeurs, Dieu se lie à nous, Dieu nous prend pour ses alliés ! N’est-ce pas un peu fou ? Sans doute si, mais Dieu est fou d’Amour, et son moteur, son but c’est notre salut, et pour nous sauver Il acceptera la crucifixion en son Fils.

« Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? »

"Tous mangèrent à leur faim et, des morceaux qui restaient, on ramassa douze paniers pleins. Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants !"

Notons ici le nombre de corbeilles pleines : 12 ! c’est le nombre des tribus d’Israël
c’est aussi le nombre des apôtres, c’est l’ouverture à l’universel Dieu, en Jésus, avec rien, accueille et nourrit l’humanité entière ! D’une foule, Jésus fait une communauté de frères qui se nourrit à la même table de la Parole et du pain ! Avec Jésus, nul n’est exclu, chacun trouve une place, chacun est admis tel qu’il est pauvre et mendiant, car devant Jésus, nous ne sommes que des mendiants affamés et assoiffés et nous oserions encore repousser nos frères moins bien lotis ? L’extraordinaire, avec Jésus c’est que Jésus Lui-même fait partie du cercle, Jésus mendie notre amour et nous mendions le Sien ; Comme il est beau et grand et sublime d’appartenir à une telle famille ou nul ne peut se croire supérieur à l’autre car chacun reçoit tout, absolument tout de ce Dieu d’Amour qui Lui-même se reçoit de son Père…ce n’est pas pour rien qu’Il cherche à s’isoler pour mieux L’entendre et Lui parler ! Dès lors :

« qui pourrait nous séparer de l’amour de l’Amour du Christ J'en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l'avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. »

Dès lors n’ayons pas peur de donner et de nous donner, en regardant Jésus n’ayons pas peur de devenir un bon pain pour nos frères !
                                                

L' Ermite

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