samedi 6 septembre 2014

JE FAIS DE TOI UN GUETTEUR !

VINGT TROISIÈME DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Matthieu 18, 15-20


Le passage du livre du Prophète Ézéchiel que nous venons d’entendre est impressionnant de corrélation avec l’évangile de ce jour. Si Jésus vient parfaire comme nous le rappelions récemment, et comme nous le verrons aujourd’hui encore, le Prophète, de la part du Seigneur, ouvre des portes qui nous entraînent sur des chemins de présence et de responsabilité.

« Je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël » dit le Seigneur Dieu à Ézéchiel, nous entendons « un veilleur » quelqu’un d’une grande capacité de présence, à l’écoute de Celui qui parle, donc un silencieux, un priant susceptible, d’entendre et de transmettre ce qu’il entend parce qu’il en a reçu la mission.

 «Si je dis au méchant : 'Tu vas mourir', et que tu ne l'avertisses pas, si tu ne lui dis pas d'abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, à toi, je demanderai compte de son sang. » si le Prophète n’accomplit pas la mission confiée, quelles que soient les raisons de son silence, le Seigneur le rend responsable des conséquences que cet état de fait, entraîne dans la vie du pécheur concerné ! Comment oserions dire encore, « ce n’est pas mon problème », je ne suis pas responsable, il est assez grand pour savoir ce qu’il doit faire ! Dès l’Ancien Testament, Dieu le Père nous rend responsables les uns des autres, nous sommes fortement invités à porter nos frères dans la prière « Dieu fait de nous des veilleurs » et, avec une infinie délicatesse, de leur permettre de prendre conscience, de la gravité de leurs actes !

Jésus, Lui, nous donne la marche à suivre, Il nous indique les étapes de la prise en charge du frère dévoyé :  

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.

Cette première étape demande d’avoir bien réfléchi, pris conseil sans doute et beaucoup prié, et, pourquoi pas, d’avoir jeûné ! Elle suppose une relation avec cette personne, nous ne pouvons pas et ne devons pas arriver avec les gros sabots de nos certitudes dans la vie de nos frères au risque de les déstabiliser et de les éloigner à jamais. C’est loin d’être facile, mais le Seigneur nous le demande. Pour s’approcher ainsi de nos semblables nous devons évacuer tout esprit revanchard, toute forme de récupération, cette démarche doit être empreinte de gratuité et d’amour vrai, profond, de la personne en question. St Paul ne nous dit-il pas aujourd’hui : «  Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l'amour mutuel, … l'accomplissement parfait de la Loi, c'est l'amour. » Se taire serait manquer d’amour, se taire, serait laisser aller son frère à sa perte, je, nous sommes responsables les uns des autres, aimer vraiment, est très exigeant.

 « S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. »

Enfermé dans son péché le frère peut nous rejeter, nous insulter, nous renvoyer à notre propre vie, il nous faut alors une grande humilité pour reconnaître nos  failles sans pour autant abandonner ce combat. J’ai connu ce genre de situation, où trois hommes profondément croyants, ont réfléchi et prié avant d’aller rencontrer un frère dans la foi, dont la vie faisait scandale dans la communauté des croyants. Ils ont rencontré là un homme humble, prisonnier d’une passion infernale, dont il ne savait comment se libérer. Il a remercié ses frères dans la foi qui lui demandaient de faire un choix et le suppliaient pour l’Église du Christ qui en était éclaboussée. Humblement, le pécheur a reconnu sa faute, il a fait le choix qui convenait et, aider par ses frères,  a changé de lieu et même de profession !

« S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l’Église ; »

Il s’agit ici de la hiérarchie. A ce stade, toutes sortes de tentations nous assaillent du genre : après tout, je ne suis pas concerné ! Ou, pourquoi m’en mêler, c’est de la délation ! L’Église doit être au courant, si Elle ne dit rien c’est qu’Elle a de bonnes raisons ! N’y trouve-t-elle pas son compte ? Tout cela n’est que tentations et appartient au monde des ténèbres. Notre devoir fraternel est d’informer en restant excessivement discret dans la démarche avant et après, c’est de l’ordre du secret. Peut-être serons-nous rabrouer, qu’importe, nous avons agi en toute vérité, avec amour et parce que nous avions des preuves tangibles. J’ai, là aussi, vécu semblable situation, j’ai été écartée, j’ai continué de prier et,
cinq ans plus tard, la situation a implosé et l’ecclésiastique que j’avais alerté m’a dit : « dire que tu m’avais alerté, je n’ai pas su recevoir » ! Le Seigneur ne nous reprochera pas d’avoir échoué dans une démarche droite, par contre Il nous demandera des comptes si nous n’avons pas accompli notre mission.

« S’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. »

Ce qui ne nous empêche pas de continuer de prier pour le frère concerné et de continuer de demander sa conversion.

 Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. 

Jésus semble nous inviter à coopérer à la mission de l’Église hiérarchique, à la libération de nos frères pour leur permettre de vivre plus et mieux sous le Regard aimant du Seigneur qui nous aime et « ne veut pas la mort du pécheur mais qu’Il vive ! » allons-nous nous dérober par lâcheté ? Allons-nous devenir complices de sa faute ? Si les circonstances nous empêchent sérieusement d’intervenir, après avoir consulté pour être sûrs de ne pas fuir nos responsabilités, dans certains cas, il sera justifié de démissionner.

Encore une fois, je vous le dis : si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quelque chose, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux. »

Dans tous les cas demeure le devoir de la prière. La prière obtient tout : « C'est pourquoi, je vous le dis, tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l'obtenez, et ce sera (fait) pour vous. » écrit St Marc. Certes la réponse du Seigneur peut ne pas être immédiate pour bien des raisons. Soit notre cœur n’est pas prêt, embourbé lui-même dans bien des passions, soit l’intéressé fait la sourde oreille, soit les deux, mais le Seigneur est assez puissant pour avoir raison, à un moment de nos surdités respectives. St Jacques ne nous dit-il pas : « la prière fervente du juste a beaucoup de puissance ; » N’oublions pas cette précision : « du juste » c'est-à-dire de celui qui essaie de vivre selon le cœur de Dieu, qui, comme Jésus, essaie d’accomplir la volonté du Père. Il arrivera aussi que notre prière semblera inefficace, à nos yeux, Jésus nous en donne la raison dans St Marc : « Ce genre ne peut être chassé que par la prière et le jeûne »Nous devons, comme je le disais plus haut, y mettre le prix. « Mes petits enfants, nous dit St Jean, n'aimons pas de parole et de langue, mais en action et en vérité. »


Au cours de cette Eucharistie demandons la grâce de cet amour, les uns pour les autres, ce sens des responsabilités, de la prière, la force de la foi qui déplace les montagnes, l’humilité qui se souvient « qu’un frère soutenu par son frère est une ville forte » Qu’il en soit ainsi !

L'Ermite

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