jeudi 29 août 2019

GRAND OU PETIT ?


XXIIe DIMANCHE


DU TEMPS ORDINAIRE

(Lc 14, 1.7-14)


Un jour de sabbat,Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas,et ces derniers l’observaient.
J'emprunte les notes qui suivent à Béatrice BERUBE Bibliste, parce qu'il me semble important de bien comprendre ce que représente le sabbat .
Origine et caractéristique du Sabbat
Il est très probable que le sabbat ait une origine en dehors d’Israël, car l’épisode de la manne Ex 16, 22-30 le suppose préexistant à la législation du Sinaï. Malgré de larges débats au sein des commentateurs, l’institution sabbatique reste toujours sans solution. En dépit des hypothèses émises qui ne permettent pas de prouver l’origine pré-mosaïque du sabbat, la littérature biblique fournit des données à ce sujet. Dans sa loi, le Décalogue, Moïse établit un parallélisme entre ce qu’Israël doit faire et ce que Dieu a fait lors de la création : Tu te souviendras du jour du sabbat pour le sanctifier […] car en six jours le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a consacré Ex 20, 8-11. Ce texte rattache l’obligation du repos sabbatique au récit du livre de la Genèse où l'on voit Dieu satisfait de son œuvre, se reposer le septième jour de la création Gn 2, 1-3 . Dans cette version du Décalogue, l’institution du sabbat remonte donc à Dieu lors de la création de l’univers et de l’être humain.
     Ce qui caractérise le sabbat, c’est qu’il est sanctifié par sa relation avec le Dieu de l’alliance et qu’il est un élément de cette alliance Ex 23,12 . C’est ce sens particulier qui en fait une institution proprement israélite. Le sabbat est le « signe de l’alliance » entre Dieu et Israël Ex 31, 13-17) qui met Israël à part. Le sabbat est un jour saint, un jour « consacré à Dieu », une dîme sur le temps, comme les premiers-nés du troupeau Dt 14,23 et les prémices de la récolte Lv 27,30 ; Dt 14,22 sont une dîme sur le travail des autres jours. C’est pourquoi le sabbat apparaît comme une clause des différents pactes de l’alliance : le pacte primitif du Sinaï, le Décalogue ; le pacte de la fédération des tribus, le Code de l’alliance Ex 23,12 ;31,12-17 ; 34,21, dans la Loi de sainteté Lv 9, 3-30 et dans le Code sacerdotal Ex 31,12-17 ; Nb 28, 9-10. Le sabbat synthétise d’une certaine manière l’alliance. Le septième jour est l’obligation de Yahvé envers son peuple et de ce dernier envers son Dieu. Par son travail, l’Israélite imite l’activité du Dieu créateur. Par le chômage du septième jour, il imite le repos sacré de Dieu. Ce temps d’arrêt divin propose à chaque membre de la communauté d’Israël d’accueillir ce moment comme un lieu de rencontre et d’alliance avec le Seigneur son Dieu et avec les autres. Le sabbat est un contrat pour toujours Ex 31,16 ; Is 24,2

     Après la destruction du Temple et pendant l’Exil, des prophètes reviennent sur le thème du sabbat. Ézéchiel rappelle qu’il est le signe d’alliance entre Dieu et son peuple 20,12-20 qu’il appartient à Dieu 20 12-13, 20, 21-24 ; 22,26, 23, 38, 44,24 et qu’il doit être sanctifié/béni 20,20 ; 44,24 Quant au Troisième Isaïe, ce prophète lie l’observation du sabbat à l’alliance 56, 4-6

     Après le départ de Jésus, quoique les chrétiens aient été enracinés dans l’ancien peuple de Dieu et alliés à lui, ils ont fait du « huitième jour » le premier de tous les jours Ac 20,7 ; Ap 1-10 le jour du Seigneur. Dans cette perspective nouvelle, l’ancien sabbat juif acquiert une signification figurative. Ainsi, comme le relate saint Thomas d’Aquin, « le sabbat qui représente la première création a été remplacé par le dimanche, qui rappelle la nouvelle création inaugurée par la résurrection du Christ » . Quant au sabbat, notre samedi, il ne contient plus qu’une valeur figurative, celle du repos céleste He 4, 1-11 ; Ap 14-13
 Béatrice Bérubé

C'est le troisième repas de Jésus chez un Pharisien et l'évangéliste le situe un jour de Sabbat. Nous savons mieux à présent ce que représente ce jour dans la vie du Peuple d'Israël, mais nous ignorons peut-être la multiplication des interdits accumulés avec le temps et qui font oublier l'essentiel : l'amour fraternel ! Au fil du temps, le rite passe avant l'amour , Jésus en a fait plusieurs fois la cuisante expérience :
Il arriva, un jour de sabbat, qu'il traversait des moissons, et ses disciples arrachaient et mangeaient les épis, en les frottant dans leurs mains. Quelques Pharisiens dirent: " Pourquoi faîtes-vous ce qui n'est pas permis le jour du sabbat? " Jésus leur répondit: " N'avez-vous pas même lu ce que fit David, lorsqu'il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui: comment il entra dans la maison de Dieu, prit les pains de proposition, en mangea et en donna à ceux qui étaient avec lui, alors qu'il n'est permis d'en manger qu'aux prêtres seuls? " Et il leur disait: " Le Fils de l'homme est maître du sabbat. (Luc 6)
L'homme partit annoncer aux Juifs que c'était Jésus qui lui avait rendu la santé. Et les Juifs se mirent à poursuivre Jésus parce qu'il avait fait cela le jour du sabbat. Jésus leur déclara : « Mon Père, jusqu'à maintenant, est toujours à l’œuvre, et moi aussi je suis à l’œuvre. » C'est pourquoi, de plus en plus, les Juifs cherchaient à le faire mourir, car non seulement il violait le repos du sabbat, (Jean 5)

Les scribes et les pharisiens observaient Jésus afin de voir s'il ferait une guérison le jour du sabbat ; ils auraient ainsi un motif pour l'accuser. Mais il connaissait leurs pensées, et il dit à l'homme qui avait la main paralysée : « Lève-toi, et reste debout devant tout le monde. » L'homme se leva et se tint debout. Jésus leur dit : « Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de la perdre ? » Alors, promenant son regard sur eux tous, il dit à l'homme : « Étends ta main. » Il le fit, et sa main redevint normale. (Luc 6) Et nous pourrions continuer !
Ce qui nous dérange dans ce premier verset de l’Évangile de ce jour c'est cette précision :,et ces derniers l’observaient.Jésus est invité, Il se mêle naturellement aux convives, les Pharisiens présents sont loin d'être naturels et d'accueillir Jésus en ami. Comme ils n'en ont que trop l'habitude « ils épient Jésus » pour trouver la faille qui leur permettra de L'accuser auprès des autorités du Pays ! Ils profitent de toutes les circonstances , comme le dit si bien l’Évangile, pour mettre Jésus à l'épreuve . Jésus le sait, Jésus le sent , Jésus en a l'expérience, les Pharisiens aussi ! En effet Jésus vient de guérir un malade et de poser la question qui fâche au groupe présent :
Justement, un homme atteint d'hydropisie était là devant lui. Jésus s'adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens pour leur demander : « Est-il permis, oui ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? » Ils gardèrent le silence. Jésus saisit alors le malade, le guérit et le renvoya. Puis il leur dit : « Si l'un de vous a son fils ou son bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas l'en retirer aussitôt, le jour même du sabbat ? » Et ils furent incapables de trouver une réponse. (Luc 14)
Ces hommes habitués à réfléchir connaissaient la réponse, n'en doutons pas, mais ils étaient coincés par leur propre manière d'interpréter les textes et ce n'est pas la première fois qu'ils sont embarrassés, eux, les prêtres, les docteurs, par la Sagesse de Jésus . Rappelons-nous ce jour où Jésus enseigne au Temple :
« Par quelle autorité fais-tu cela, et qui t’a donné cette autorité ? » Jésus leur répliqua : « À mon tour, je vais vous poser une question, une seule ; et si vous me répondez, je vous dirai, moi aussi, par quelle autorité je fais cela : Le baptême de Jean, d’où venait-il ? du ciel ou des hommes ? » Ils faisaient en eux-mêmes ce raisonnement : « Si nous disons : “Du ciel”, il va nous dire : “Pourquoi donc n’avez-vous pas cru à sa parole ?” Si nous disons : “Des hommes”, nous devons redouter la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. » Ils répondirent donc à Jésus : « Nous ne savons pas ! » Mat 21 
Jésus, qui connaît le fond des cœurs ne se laisse pas berner, Il sait, Lui, à quel point il leur est difficile de se laisser convertir à l'unique Vérité . Jésus est la Liberté par excellence, Il va Son chemin, sans craindre les représailles. Jésus « écoute » le Père qui Lui parle sans cesse, et Il accomplit Son œuvre sans se soucier des répercussions, Il avance. Un film de Paolo Pasolini, je crois, manifeste particulièrement cette marche ininterrompue d'un Jésus qui va de l'avant sans
regarder ni derrière, ni autour , JESUS AVANCE !
Si Jésus est observé de près aujourd'hui c'est qu'Il vient de guérir, et Il a osé le faire lors du Sabbat et avant ce repas de fête du Sabbat. Les Pharisiens s'attendent à tout !
Mais arrêtons-nous quelques instants sur l'impact de ces quelques mots,et ces derniers l’observaient.dans nos vies personnelles ! Sommes-nous indemnes de tels comportements ? N'avons-nous pas cette fâcheuse tendance à observer nos frères, surtout ceux qui ne nous reviennent pas, pour les dénigrer, interpréter leurs faits et gestes et les partager malicieusement avec ceux qui, comme nous, ne les apprécient pas ? Apprenons à bien lire l’Évangile, en le laissant nous questionner et surtout nous purifier. Accepter de s'interroger, c'est permettre à Jésus de nous regarder avec amour pour nous sortir de nos bourbiers cachés ! Après ce petit exercice de descente en nous mêmes, libérés de nos préjugés, nous sommes prêts à entendre la Parabole qui suit et veut nous entraîner plus loin encore !
Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, si les Pharisiens observent d'un œil inquisiteur, Jésus voit et constate . Il ne cherche pas à dire « des messes basses » à murmurer avec Ses compagnons d'un œil fureteur, non , Il prend Ses responsabilités et d'une façon imagée, Il dit ce qu'Il voit et suggère ce qui serait souhaitable pour le bon déroulement du repas dans un climat apaisé ! Toutes les occasions sont bonnes , pour Jésus, d'enseigner le « vivre dans l'amour » le vivre « dans l 'humilité » dans le respect du frère :
il leur dit :« Quand quelqu’un t’invite à des noces,ne va pas t’installer à la première place,de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi.Alors, celui qui vous a invités, toi et lui,viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ;et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place.    Au contraire, quand tu es invité,va te mettre à la dernière place.Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira :‘Mon ami, avance plus haut’,et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi.    En effet, quiconque s’élève sera abaissé ;qui s’abaisse sera élevé. » Ne retrouvons-nous pas , à l'écoute de cette Parabole , comme un parfum du
Magnificat, et notamment dans ce dernier verset ? quiconque s’élève sera abaissé ;qui s’abaisse sera élevé. Marie , la toute simple, la toute petite, l'humble servante du Seigneur, celle qui dit oui en faisant confiance ne chante-t-elle pas : « Il s’est penché sur son humble servante. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. »Lc 1 C'est tout l'enseignement de Ben Sirac le Sage dans la première lecture :

Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité,
et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
    Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser :
tu trouveras grâce devant le Seigneur.
    Grande est la puissance du Seigneur,
et les humbles lui rendent gloire.

    La condition de l’orgueilleux est sans remède,
car la racine du mal est en lui.
    Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ;
l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Rien n'échappe à Jésus, et, encore moins, la bousculade pour se placer au mieux. Lui, le Fils éternel du Père , Lui «  de condition divine qui n'a pas retenu ce qui l'égalait à Dieu mais s'est anéanti se faisant Serviteur » ressent douloureusement cette prétention de la course à la meilleure place . Jésus veut ouvrir les yeux des Pharisiens, Il cherche à leur faire prendre conscience, ici comme ailleurs, de leurs incohérences « eux qui disent et ne font pas ! » qui s'estiment au point de se juger supérieurs aux autres et de s'attribuer la place qu'ils jugent leur revenir de droit. Ils n'attendent pas de recevoir d'un autre, en l’occurrence du maître de maison,non, ils s'octroient eux -mêmes ce à quoi ils croient avoir droit ! Sans doute ferment-ils les yeux et les oreilles sur les recommandations du Livre des Proverbes :
« Ne fais pas l’arrogant devant le roi et ne te tiens pas dans l’entourage des grands. Car mieux vaut qu’on te dise : Monte ici ! que de te voir humilié devant un notable. » (Pr 25, 6-7)
ou Ben Sirac :
« Quand un puissant t’invite, reste à l’écart et son invitation n’en sera que plus pressante. Ne te précipite pas, de peur d’être repoussé, ne te tiens pas trop loin, de peur d’être oublié. » (Si 13, 9-10).
Jésus qui reçoit tout du Père, Jésus, qui est venu « non pour être servi mais pour servir » cherche encore et toujours, non à humilier mais à éveiller, Jésus qui donne Sa vie, qui est venu pour cela, n'a d'autre aspiration que de leur apprendre, de nous apprendre, à vivre en frères ! La conclusion ce ces versets peut nous paraître brutale en réalité, elle traduit l'esprit de Jésus :
Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. (Mt 11)
Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, c'est celui-là qui est le plus grand dans le Royaume des cieux. (Mt18)
Celui qui m'accueille accueille aussi celui qui m'a envoyé. Et celui d'entre vous tous qui est le plus petit, c'est celui-là qui est grand. » (Lc 9)
Jésus s’adresse ensuite au chef pharisien qui l’invite, et critique sa manière de pratiquer les repas de sa confrérie.

Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité :« Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner,n’invite pas tes amis, ni tes frères,ni tes parents, ni de riches voisins ;sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour.    Au contraire, quand tu donnes une réception,invite des pauvres, des estropiés,des boiteux, des aveugles ;heureux seras-tu,parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour :cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
N'est-ce pas un invitation à participer au Royaume qu'Il est venu instaurer  et que Saint Paul a parfaitement bien compris :
Considérez en effet votre vocation, mes frères; il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais ce que le monde tient pour insensé, c'est ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; et ce que le monde tient pour rien, c'est ce que Dieu a choisi pour confondre les forts; et Dieu a choisi ce qui dans le monde est sans considération et sans puissance, ce qui n'est rien, pour réduire au néant ce qui est, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. Or c'est par lui que vous êtes dans le Christ-Jésus, lequel, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, et justice, et sanctification, et rédemption, afin que, selon le mot de l’Écriture, " celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. (1Co 1)
Voilà ce que Jésus est venu révéler, voilà ce qu'Il souhaite faire découvrir aux Pharisiens, voilà ce à quoi Il nous appelle ; notre seule Gloire c'est d'être membres de Son Corps, c'est d'être invités à travailler pour qu'avance le Royaume, qu'Il grandisse jusqu'aux extrémités de la terre !


Béni soit le Seigneur :
il élève les humbles.
Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.
Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
À l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.
Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.
Psaume 68

L'ermite

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