vendredi 5 avril 2019

QUI OSERA ?


CINQUIEME DIMANCHE

DE CARÊME

ANNEE C


(Jn 8, 1-11)
Dimanche dernier nous contemplions l'attitude de notre Père et celle, riche en enseignements, de Ses deux fils dans la peau desquels nous n'avons aucune difficulté à nous glisser. Nous pouvons, tantôt nous identifier au benjamin avide de fausse liberté mais somme toute plein de confiance à l'égard de son bien-aimé Père, tantôt, nous nous retrouvons dans c e fils aîné servile qui agit par intérêt et s'habille de jalousie à l'égard de celui qu'il considère sans doute comme l'enfant gâté de la famille parce que le plus jeune à qui on passe tous les caprices !!

Aujourd'hui, dès le premier verset un frisson nous traverse : St Jean évoque le mont des Oliviers : « Jésus s’en alla au mont des Oliviers » or, nous savons ce qu'il représente dans la vie de Jésus, dans celle des apôtres également : la veille dans la prière,l'angoisse la trahison par un baiser,l'abandon des disciples ; Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. (Matthieu 26)
Alors les disciples l'abandonnèrent, tous et s'enfuirent. (Matthieu 26)
Quant à Pierre, il le suivait de loin, (Matthieu 26)
Dès l’aurore, il retourna au Temple.Comme tout le peuple venait à lui,il s’assit et se mit à enseigner.Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère.Ils la mettent au milieu,et disent à Jésus :« Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là.Et toi, que dis-tu ? »Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve,afin de pouvoir l’accuser.Nous n'avons pas de mal à nous représenter la scène : Comme souvent, dès que des personnes s'attroupent, se bousculent pour être au plus près du Maître, Jésus saisit l'occasion pour enseigner et nous savons que son enseignement est toujours au service du bonheur de l'humanité. Et, comme souvent des Pharisiens, des Scribes interviennent avec , en tête, cette volonté de mettre Jésus en difficulté pour Le dénoncer comme agitateur  et pis encore, comme ennemi de la Loi de Moïse ! Cette fois ils arrivent avec une femme qu'ils malmènent et humilient en dénonçant publiquement sa conduite. Et que demandent-ils à Jésus ? Rien moins que d'apporter son jugement alors qu'ils savent, soit pour l'avoir entendu eux-mêmes, soit parce qu'on le leur a rapporté, que Jésus disait récemment :  « Dieu n'a pas envoyé Son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » Jn 3 Quelle que soit la réponse de jésus Il est piégé ! S' Il donne un avis, Il se positionne en juge et de ce fait se contredit, s' Il invoque la miséricorde Il « renie » la Loi de Moïse «  Tu ne commettras pas d'adultère » Ex 20, quant au Livre du Lévitique il était loin d'être tendre ; «  Quand un homme commet l'adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l'homme adultère aussi bien que la femme ? » Lv 20 Notons que la Loi parle
des deux protagonistes, alors qu'ici, Scribes et Pharisiens viennent avec la femme seule et, de plus , affichent un mépris accusé quand ils précisent ; « ces femmes-là » Il n'est pas difficile de percevoir le dédain affiché et d'imaginer l'arrogance du geste .
Jésus est bien trop fin pour se laisser enfermer et donner prise à une polémique sous-jacente . Jésus commence par faire diversion . Jésus se baisse, et trace avec son doigt, des signes sur la terre :Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.Non seulement Jésus évite de polémiquer mais Il veut donner du temps au temps et sans devenir accusateur à son tour , ce qui irait à contre courant de sa mission , Il semble vouloir laisser le temps de la réflexion aux uns et à l'autre ! Quand Jésus pense que ce moment de silence aura fait son œuvre en chacun et chacune, alors, et alors seulement, Il prendra la Parole. Comme Il le fait souvent, Il ne répond pas directement à la question qui Lui est posée mais, en fin pédagogue Il suggère, tout en se redressant, pour mieux les regarder, à ceux qui sont présents :
:« Celui d’entre vous qui est sans péché,qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
puis sans rien ajouter :Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.en silence bien sûr !
Comme ces instants doivent peser sur chacun ! Sur cette femme qui craint le pire, sur ses accusateurs qui honnêtement et de plus devant Jésus, sont paralysés par la proposition de Jésus ! Lequel d'entre eux osera la jeter cette première pierre ? Qui, devant les autres, osera s'affirmer juste, donc saint, indemne de toute faute ? Qui ? La tension doit être terrible en cet instant . D'ailleurs ils ont compris et, sans plus attendre, sans bruit, dans ce silence pesant Eux, après avoir entendu cela,s’en allaient un par un,en commençant par les plus âgés. Malgré tout, les plus âgés ont acquis un peu plus de sagesse que les plus jeunes , ils ont, peut être, une certaine conscience de leurs propres manquements et loin de se risquer à fronder Jésus, ils s'éloignent sans mot dire ! A moins qu'ils ne s'éloignent dépités, la confrontation n'ayant plus d'intérêt immédiat, non seulement Jésus se tait mais Il les renvoie à leur propre conscience, c'est insupportable ! Ils pensaient piéger Jésus et, sans bruit Jésus les piège ! Jésus ne perd rien pour attendre car la suite montrera que la colère des scribes et des Pharisiens ne fait qu'augmenter !
Jésus, qui a obtenu ce qu'Il espérait , Jésus qui a suivi discrètement la scène, peut se relever et parler avec cette femme sans doute tremblante , inquiète malgré tout de ce qui va suivre .Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.Il se redressa et lui demanda :
Jésus attend d'être seul, c'est dire Sa délicatesse, c'est quand Il est seul avec la femme, qu'Il se redresse . Jésus ne lui fait pas la morale , Il ne cherche qu'une chose : lui redonner sa dignité et avec celle-ci la confiance en elle-même et dans les autres. Il lui fait prendre conscience de son humanité, de sa fragilité qu'elle a en commun avec ses accusateurs :« Femme, où sont-ils donc ?Personne ne t’a condamnée ? »Elle répondit :« Personne, Seigneur. »Ils sont en effet tous partis, et pour cause ! Ils ont compris qu'ils ne sont pas meilleurs que cette personne. Si elle a été prise en flagrant délit, c'est, soit qu'elle ne se cachait pas, soit que eux-mêmes cherchaient à la prendre en défaut, ce qui révèle leur état d'esprit  et les accuse forcément ! Ce constat établi dans l'amour, Jésus peut parler :Et Jésus lui dit :« Moi non plus, je ne te condamne pas.Va, et désormais ne pèche plus. » Jésus, le Saint de Dieu parce que Dieu, n'est pas venu condamner, Il est venu rassurer, guérir, sauver, appeler, entraîner, dynamiser et c'est ce qu'Il accomplit ici Moi non plus je ne te condamne pas » Alors qui suis-je pour me permettre de juger, de condamner ? Que sais-je de la vie de mes frères ? Et je pense au Pape François répondant à des journalistes à propos de personnes homosexuelles :« Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » Ces paroles du pape, de retour des JMJ de Rio, en réponse à une journaliste qui le questionnait sur l’existence d’un lobby gay au sein du Vatican, ont marqué les esprits. Le pape François discernait ce qui importait : la fraternité à l’égard des personnes
homosexuelles. Un air frais évangélique circulait de nouveau en écho à la parole de Jésus dans le « Sermon sur la montagne » : « Ne jugez pas afin de n’être pas jugés » (Mt 7,1). C’est aussi un avertissement adressé aux scribes et aux pharisiens de nos églises : méfions-nous, non pas de la morale, mais d’un certain moralisme qui s’empresse de juger et de condamner une personne à partir de son comportement sexuel.( ou autre!) De fait, dans le cadre des débats sur le « mariage pour tous », des propos homophobes ont pu ressurgir au sein même des communautés chrétiennes.
Il s'agit ici de personnes homosexuelles mais il en est de même pour toute situation Qui suis-je pour me permettre de poser un regard, une parole d'exclusion, qu'est-ce que je connais du parcours de mon frère, de ma sœur , de ses souffrances ,de ses blessures, de sa quête. Jésus ne condamne pas et Il précise :  .Va, et désormais ne pèche plus. Jésus  lui ouvre un chemin nouveau « va » on pourrait compléter avec ce qu'Il dit à ses proches sur le lac : « avance en eaux profondes » continue ta route, mais puisque nous nous sommes rencontrés, dans un face à face de respect désormais ne pèche plus. Jésus peut se permettre cette parole parce qu'il y a eu une vraie rencontre . Nous pouvons appliquer à cette femme ce qu'écrit plus tard saint Paul en pensant à son propre parcours :je poursuis ma course pour tâcher de saisir,puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela.Une seule chose compte :oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant,je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. Et je ne peux m'empêcher de conclure avec ce très beau chant de Frère Léon CHANCEREL
Le chant d'Assise 


O mes bien-aimés, soyez humbles. O mes bien-aimés soyez doux.
Ne vous inquiétez ni d’honneurs. Ni de dignité, ni de louages.
Fuyez las vanités. Toutes les vanités. Et dites-vous que le savoir des anges
Ne suffit même pas pour comprendre Ce qui de Dieu seul est compris

Ai m e z
Aimez et ne jugez pas.
Si vous voyez une homme pécher mortellement,
Haïssez le péché, mais ne jugez pas l’homme.
Ne le méprisez pas. Ne méprisez personne.
Car vous ne savez pas le jugement de Dieu.
Et tel semble damné qui est sauvé, peut-être.
Et tel semble sauvé qui est déjà damné.
Vous ne savez qui sont ceux à qui Dieu tendra la main.

O vous tous, gens de la terre, qui cheminez si douloureusement.
Ayez d’abord la Charité.
Aimez-vous les uns les autres. Consolez-vous les uns les autres.
Soutenez-vous les uns les autres. Fût-on brûlé d’amour à en mourir.
On n’aime pas encore assez. On n’aime jamais assez.
L’amour est tout qui est Dieu même.

Et que votre amour ne soit pas borné.
Car le Seigneur, mon Dieu, n’admet.
Ni vos frontières, ni vos murs..
A Dieu, pour chacun d’entre vous, je demande.
La grâce de Force pour renoncer au mal.
La grâce de Sérénité dans l’oblation.
La grâce de Joie dans l’épreuve.
Et que, par la vertu de la Croix acceptée.
Par la parole et par le sang de Jésus-Christ.
La terre enfin soit délivrée du mal.
Ainsi soit-il ! Ainsi soit-il !
Ainsi, sur Assise endormie. Où le tombeau basilical si lourdement proclame.
Que son chant ne fut pas compris. L’âme du petit pauvre.
Chante inlassablement pour le salut des hommes.
ASSISE ! ASSISE ! ASSISE !
Capitale spirituelle du monde. Lieu de l’amour et de la joie de l’Évangile.
Luira-t-elle jamais cette aube. Où tous nos vains orgueils.
Où tous nos vains espoirs viendront, pieds nus, vers saint François.
Faire leur amende honorable !
AIMEZ ET NE JUGEZ PAS !

L'Ermite

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