jeudi 1 novembre 2018

AIME ET FAIS CE QUE TU VEUX !

 XXXI e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

ANNÉE B
(Mc 12, 28b-34)
 
  
Un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander :« Quel est le premier de tous les commandements ? » Il n'est pas inutile, je pense de s'interroger sur ce que représente un scribe au temps de Jésus, sur sa fonction et, par conséquent sur sa connaissance des Écritures.

Les scribes sont les spécialistes des Écritures. Diverses appellations servent à préciser leur identité : hommes du Livre, hommes de la Loi, docteurs de la Loi. Au temps de Jésus, il était courant de leur donner le titre de rabbi, « mon maître ».
     À l'origine, les scribes étaient des prêtres. Puis, à partir du IIIe siècle avant Jésus Christ, la profession fut exercée par des laïcs. L'origine des scribes remonte en fait à Esdras, prêtre de naissance et scribe de métier (Esd. 7, 6.11-12 ; Ne. 8,1) Il jouera un rôle de premier plan dans la réorganisation de la société israélite au retour de l'exil et la mise sur pieds de la nouvelle institution qu'est la synagogue : lieu de prière, de lecture et d'étude de la Loi.
     L'autorité et le prestige des scribes suivent la courbe de l'évolution de la religion juive qui, après l'exil et la faillite des institutions anciennes (royauté et sacerdoce), est progressivement devenue la religion du Livre. Toute la vie religieuse consiste donc à se pénétrer de la Torah, à l'interpréter en fonction des situations nouvelles de l'existence. Les scribes prennent en quelque sorte le relais des prophètes en tant qu'éducateurs et guides spirituels du peuple de Dieu. Les prêtres, quant à eux, sont des fonctionnaires du culte.
Les scribes sont, pour la plupart, de tendance pharisienne. Ils sont les transmetteurs et les défenseurs de la Tradition orale. Ce sont eux que les gens du peuple consultent pour éclairer leur vie de foi. Ils gagnent ainsi la faveur du peuple (voir par exemple Si 39, 1-15 Ils jouiront également d'une influence grandissante au Sanhédrin, le grand Conseil de la nation. ( Yves Guillemette, prêtre)

Certains voient dans la question soumise à Jésus, le désir d'aller plus loin dans la rencontre du Dieu vivant et vrai. Compte tenu de la fonction du scribe, j'en suis moins sûre, j'ose m'interroger et voir, en arrière plan, le groupe des Pharisiens qui, selon son habitude cherche à piéger Jésus, pour le mettre en accusation. Par ailleurs, il semblerait que cette question soit posée alors que Jésus est rentrée depuis peu à Jérusalem, la tension monte , il faut absolument avoir des arguments de poids pour faire arrêter Jésus . Quant à nous, n'oublions pas que Jésus n'est pas venu abolir mais accomplir : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé. » Mt 5,17 

Les pharisiens ignorent , ou veulent ignorer, qu'en bon croyant, Jésus connaît l’Écriture encore mieux que tous les Docteurs de la loi réunis ! Jésus, n'hésite pas à répondre et, surtout démontre sans ambages qu'Il est venu ACCOMPLIR la loi mosaïque citée dans le Deutéronome, en première lecture de ce jour. Écoute, Israël :le Seigneur notre Dieu est l’Unique.Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. » Dt 6, 2-6 Jésus reprend donc le passage connu , le fameux Shema Israël que tout véritable israélite est sensé dire et redire pour s'en imprégner : « Que les paroles que Je t’adresse aujourd’hui soient sur ton cœur. Tu les enseigneras à tes fils, tu en parleras assis dans ta maison, en marchant sur le chemin, à ton coucher et à ton lever. Tu les attacheras en signe sur ta main et elles seront comme fronteaux entre tes yeux. Tu les écriras sur les poteaux de ta maison et à tes portes » 
 
 Jésus lui fit cette réponse :« Voici le premier :Écoute, Israël :le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur.Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme,de tout ton esprit et de toute ta force.Et voici le second :Tu aimeras ton prochain comme toi-même.Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Ce second commandement étant tiré du Lévitique « Le Seigneur parla à Moïse, en disant: " Parle à toute l'assemblée d'Israël, et dis-leur: Soyez saints, car je suis saint, moi le Seigneur, votre Dieu. (Lv 19) Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous; tu l'aimeras comme toi même, (Lv.19)

Pour Jésus , dans Sa conclusion, « aimer Dieu et aimer son frère », c'est un seul et unique commandement. Ne précise-t-il pas en effet « Il n’y a pas de commandement plus grand » au singulier, alors qu'Il a parlé d'un premier et d'un second. Jésus n'hésite pas à reprendre à Son compte ce commandement de l'amour divin et de l'amour fraternel. Jésus place l'amour au-dessus de tout c'est ce qui fera dire à Saint Augustin : « aime et fais ce que tu veux » car celui qui aime ne peut nuire à quiconque.
 
« Ça veut dire quoi : AIMER, interroge Paul Baudiquey dans l'un de ses poèmes ? Et il poursuit : la question est redoutable. Deux sortes de gens la posent : Des gens blessés, trop malheureux, parce qu'ils ne sont pas, ou ne sont plus aimés et ça leur fait tellement mal qu'ils ont envie de ricaner. Et puis des gens heureux et qui n'en reviennent pas, tellement c'est incroyable d'être aimé.....aimer ça ne va pas de soi, et rien n'est jamais gagné d'avance... l'amour se prouve autant qu'il se prouve en aimant . .. Aimer c'est aller toujours plus loin, plus loin que les apparences, plus loin que les déceptions, plus loin que les lassitudes, plus loin que les solitudes...L'amour est porteur de lumière, l'amour est un feu qui brûle sans se consumer, l'amour est vigneron : il sait nous vendanger ... » Et nous savons jusqu'où l'amour a conduit Jésus ! C'est chaque jour que nous apprenons à aimer, à nous dépasser pour permettre à l'autre d'exister.C'est Saint François d'Assise qui parcourait les rues de sa ville en chantant pour être entendu de tous : « l'Amour (Jésus) n'est pas aimé, l'Amour n'est pas aimé ! » François avait compris qu'aimer son frère, c'est aimer son Dieu , pour lui Dieu et son Frère, son Frère et Dieu, c'est une seule et même personne ! Or, nous savons combien il est difficile d'aimer vraiment , une vie ne suffit pas pour apprendre à aimer ! Souvenons-nous de Thérèse de l'Enfant Jésus et de cette sœur âgée devenue difficile à vivre et auprès de laquelle la jeune sœur déployait des prouesses d'amour. Aimer c'est s'oublier, c'est se renoncer , c'est comme Jésus donner sa vie !
L'amour du chrétien devrait être le reflet de celui de son Seigneur. C'est-à-dire aimer tout homme  en toute lucidité bien sûr !

Saint Paul ne nous brosse-t-il pas un tableau saisissant de l'amour dans sa lettre aux Corinthiens ?
Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'Amour, je suis un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don de prophétie, que je connaîtrais tous les mystères, et que je posséderais toute science; quand j'aurais même toute la foi, jusqu'à transporter des montagnes, si je n'ai pas l'Amour , je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas l'Amour, tout cela ne me sert de rien
L'Amour est patient, il est bon; l'Amour n'est pas envieux, l'Amour n'est point inconsidéré, il ne s'enfle point d'orgueil; il ne fait rien d'inconvenant, il ne cherche point son intérêt, il ne s'irrite point, il ne tient pas compte du mal; il ne prend pas plaisir à l'injustice, mais il se réjouit de la vérité; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L'Amour ne passera jamais.
Maintenant ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance, l'Amour; mais le plus grand des trois c'est l'Amour. (1Corinthiens 13)

Si nous voulons demeurer éternellement dans le Cœur de Dieu nous devenons devenir Amour ! Mais pas un amour à l'eau de rose, un amour vrai qui vit dans la vérité, un Amour fort qui prend au sérieux les commandements de Dieu, un Amour sincère qui ne triche pas, et je vous laisse le soin de continuer !

Ayant entendu la réponse de Jésus Le scribe reprit :« Fort bien, Maître,tu as dit vrai :Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui.L’aimer de tout son cœur,de toute son intelligence, de toute sa force,et aimer son prochain comme soi-même,vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »

« Tu as dit vrai » ce membre de verset ne montre-t-il pas qu'en posant la question à Jésus, le scribe connaissait la réponse ? S'il reconnaît que Jésus dit vrai c'est que sa question était une mise à l'épreuve de Jésus ! Mais peu importe , l'essentiel est dans le contenu. Lui - même ajoute d'ailleurs « aimer son prochain comme soi-même,vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » Il en sait donc pas mal sur la question ! Il sait parfaitement qu'une offrande, un holocauste, dépourvus d'amour n'ont guère de valeur ! Ce qui fait la valeur d'un acte c'est la densité d'amour qui l'habite. Je peux faire des choses extraordinaires mais sans amour elles ne sont que du vent !

Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse,lui dit :« Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. »Et personne n’osait plus l’interroger.
J'ai envie de dire et le dis : Jésus leur a cloué le bec ! Ils n'osent plus l'interroger, ils se rendent compte expérimentalement, que Jésus les dépasse non seulement en connaissance mais en amour , ils ne sont pas sans entendre et sans connaître les Paroles et les actes par lesquels Jésus manifeste l'Amour du Père :

- Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jean 13)

- Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie.
Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. (Jean 15)

- Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. (Jean 15)

- Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître encore, pour qu'ils aient en eux l'amour dont tu m'as aimé, et que moi aussi, je sois en eux. » (Jean 17)

- Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l'amour de Dieu. Voilà ce qu'il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. (Luc 11)

  • Mais à vous qui m'écoutez je dis: Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. A celui qui te frappe sur une joue, présente encore l'autre; et à celui qui t'enlève ton manteau, n'empêche pas (de prendre) aussi ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui t'enlève ce qui est à toi, ne réclame point. Et ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux. Et si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on? Aussi bien, les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Et si vous faites du bien à ceux qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on? Les pécheurs aussi en font autant. Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on? Des pécheurs aussi prêtent à des pécheurs, afin de recevoir l'équivalent. Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour; et votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, lui qui est bon pour les ingrats et les méchants. Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. (Luc 6)

  • Et ne jugez point, et vous ne serez point jugés; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés; absolvez et vous serez absous. Donnez, et l'on vous donnera: on versera dans votre sein une bonne mesure, pressée, tassée, débordante; car avec la mesure dont vous mesurez il vous sera mesuré en retour. (Luc 6)

En somme aimer suppose que nous devenions saints comme notre Père du ciel est Saint, c'est d'ailleurs ce qu'Il nous demande :Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. (Lv.19) et le chemin de sainteté nous est tracé par Jésus : être disciples c'est
aimer TOUS ses frères, c'est être fidèles aux commandements, c'est donner sa vie,c'est faire ce que Jésus nous commande, c'est observer la loi sans oublier la justice, c'est aimer ses ennemis, bénir ceux qui nous maudissent, présenter sans mot dire , l'autre joue à celui qui nous frappe, donner non seulement son manteau mais aussi sa tunique , faire aux autres ce qu'on espère pour soi, être miséricordieux comme le Père est miséricordieux, ne pas juger, pardonner soixante dix fois sept fois ! Quel magnifique programme ! Quel difficile mais passionnant programme !

Heureux celui qui garde les mains vides,
Et laisse l'or et l'orgueil aux avides :
Un roi grandit dans le pauvre comblé.

Heureux celui qui, face aux violences,
Est lisse tel un roseau sans défense :
Les doux tiendront sur le monde ébranlé.

Heureux celui qui sait le don des larmes,
La grâce amère où la lutte désarme :
C'est l'affligé qui sera consolé.

Heureux celui dont le cœur et la tête
Ont faim et soif de justice parfaite :
Il trouvera sous la vigne le blé.

Heureux celui qui saigne mais pardonne
Et rend le bien pour le mal qu'on lui donne :
Devant son juge il paraît sans trembler.

Heureux celui qu'épargne toute fange,
Du clair regard où se mirent les anges :
Il verra Dieu sans en être aveuglé.

Heureux celui qui sème la concorde,
Les mots de miel dans les bouches qui mordent :
Un arc-en-ciel viendra l'auréoler.

Heureux tous ceux que d'autres jugent dignes
Du vieux mépris dont la croix est le signe :
Car du Royaume ils possèdent la clé. 

Hymne des premières vêpres de Toussaint 


 
C'EST CELA AIMER !
L'Ermite

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