FÊTE DU CHRIST,
ROI DE L'UNIVERS
Année B
(Jn 18, 33b-37)
Par fr.Patrick Prétot , Institut Supérieur de Liturgie, Institut Catholique de Paris
C’est avec la fête du Christ-Roi de l’Univers, instituée en 1925 par le Pape Pie XI, que s’achève l’année liturgique.
Introduction
Pour la Constitution sur la Liturgie, toute célébration liturgique actualise l’œuvre du salut en plaçant au centre de la vie chrétienne, le mémorial de la Croix, centre de la foi chrétienne :
« Parce que la mort du Christ en croix et sa résurrection constituent le contenu de la vie quotidienne de l’Église et le gage de sa Pâque éternelle, la liturgie a pour première tâche de nous ramener inlassablement sur le chemin pascal ouvert par le Christ, où l’on consent à mourir pour entrer dans la vie ».
En entretenant cette mémoire pascale, la liturgie cultive une distance à l’égard de tout pouvoir. A la requête de la mère des fils de Zébédée, « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume » (Mt 20,21), Jésus répond : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire? » (Mt 20, 22), ce qui évoque la Passion. Et il le fait en précisant qu’il n’a pas le pouvoir d’accorder ce qui est demandé : « vous boirez ma coupe; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas d’accorder cela, mais c’est pour ceux à qui mon Père l’a destiné » (Mt 20,23). La suite du texte, qui souligne la jalousie entre les disciples, traduit cette transformation fondamentale, opérée par la foi au Christ, du rapport chrétien au pouvoir :
« Vous savez que les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n’en doit pas être ainsi parmi vous: au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier d’entre vous, sera votre esclave » (Mt 20, 25b-27).
De la Fête du « Christ-Roi» à la fête du « Christ, Roi de l’univers »
Instituée par l’Encyclique Quas primas du Pape Pie XI (1925), et placée au dernier dimanche d’octobre, la fête du Christ-Roi apparaissait comme une fête autonome célébrant le « règne social de Jésus-Christ ». Son instauration avait fait l’objet de quelques critiques car on s’écartait de la grande tradition liturgique, qui normalement, célèbre des événements du salut manifestant l’unique mystère du Christ (Nativité, Pâques, Ascension etc.). Dans la période post-conciliaire, cette fête a suscité une certaine gêne tant il est vrai que sa dimension socio-politique était liée à une vision des rapports entre l’Église et la société qui semblait éloignée de l’enseignement du Concile Vatican II. Pouvait-on encore dire par exemple : « aux catholiques il appartiendra de faire rentrer triomphalement le Chris-Roi dans les conseils de leurs gouvernements et dans les relations sociales de leurs semblables » ? . En 1966, dans la première série Assemblées du Seigneur (avant donc la réforme de Vatican II), l’introduction du fascicule consacré à cette fête, traduit bien cette gêne :
« Instituée à l’époque moderne, commentée par une encyclique aux implications sociales et politiques qui correspondent à un contexte sociologique pour une bonne part dépassé, la fête du Christ-Roi pourrait sembler à beaucoup avoir perdu son actualité sinon sa signification ».
En effet, certains aspects en faisaient largement la célébration d’une « idée ». Ainsi, s’adressant au Christ (désigné comme « Prince de tous les siècles », « Roi des nations », « vrai Prince de la Paix » et encore « arbitre des pouvoirs du monde ») l’hymne des vêpres demandait : « Puissent les gouvernants des peuples vous offrir un culte public, maîtres, juges, vous honorer ; arts et lois chanter votre gloire ! » . Le thème de la royauté du Christ abritait, en faveur de l’Église et de la religion, la revendication d’une place dans une société en voie de sécularisation accélérée.
Et, en rappelant la dimension sociale de la religion, l’instauration de cette fête cherchait à s’opposer au mouvement de privatisation du religieux qui caractérise le monde contemporain.
Après cette longue présentation de la FÊTE du CHRIST, ROI DE L'UNIVERS accueillons le message de l’Évangile proposé pour la Liturgie de ce dimanche :
Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. (Mt 2) au point qu'il fera mettre à mort tous les enfants de moins de deux ans pour être certain d'éliminer le supposé « Roi Jésus » Et pourtant, Jésus lui échappe par l'intervention divine et Sa présence le perturbera tout au long de sa vie ! Hérode Antipas est Gouverneur de la Galilée région de naissance de Jésus.
« Es-tu le roi des Juifs ? »Cette question taraude tous les Gouverneurs de l'époque, Jésus les dérange, ils le craignent, ils voudraient se débarrasser de Jésus mais ils craignent les mouvements de la foule. Celle-ci, ne vient-elle pas de l'acclamer lors de son arrivée à Jérusalem pour la Pâque prochaine ?Le lendemain, une multitude de gens qui étaient venus pour la fête, ayant appris que Jésus se rendait à Jérusalem, prirent des rameaux de palmiers, et allèrent au-devant de lui, en criant: "Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d'Israël!" Jésus ayant trouvé un ânon, monta dessus, selon ce qu'il est écrit: "Ne crains point, fille de Sion, voici ton Roi qui vient, assis sur le petit d'une ânesse." Ses disciples ne comprirent pas d'abord ces choses; mais lorsque Jésus fut glorifié, ils se souvinrent qu'elles avaient été écrites de lui, et qu'il les avait accomplies en ce qui le regarde. La foule donc, qui était avec lui lorsqu'il appela Lazare du tombeau et le ressuscita des morts, lui rendait témoignage; ... Les Pharisiens se dirent donc entre eux: "Vous voyez bien que vous ne gagnez rien: voilà que tout le monde court après lui." (Jn 12)
Jésus lui demanda :« Dis-tu cela de toi-même,ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Les Gouverneurs de toutes tendances, n'ignorent pas ce qui se dit de Jésus et cela les trouble même si certains Le considèrent comme un doux rêveur. Et que dit-on de Jésus :
Nathanaël lui dit : « Rabbi, c'est toi le Fils de Dieu ! C'est toi le roi d'Israël ! » Jésus reprend : « Je te dis que je t'ai vu sous le figuier, et c'est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. » (Jn1)
A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne. (Jn 6)
Les gens criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le roi d'Israël ! » Jésus, trouvant un petit âne, monta dessus. Il accomplissait ainsi l'Écriture : N'aie pas peur, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, monté sur le petit d'une ânesse. (Jn12)
Pilate répondit :« Est-ce que je suis juif, moi ?Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi :qu’as-tu donc fait ? »Pilate, dés cet instant, commence à se dédouaner. Pilate voudrait bien passer la main, il est conscient de l'innocence de Jésus, mais les chefs des prêtres et autres accusateurs nourrissaient une haine surprenante à l'égard de Jésus. « Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait croissant, prit de l'eau et se lava les mains devant la foule, en disant: " Je suis innocent du sang de ce juste; à vous de voir ! " (Mt 27)
Ce n'est pas Pilate qui signe la condamnation, c'est la foule , celle qui ovationnait Jésus hier, soutenue et portée par les chefs des prêtres et les pharisiens ! Si Pilate agit lâchement en laissant faire, il reconnaît ouvertement devant tous que Jésus est un juste , un saint ! " Je suis innocent du sang de ce juste; à vous de voir! "
Pilate ne prend pas position ouvertement, il se décharge sur la foule. C'est à eux de décider ! Jésus reprend la parole pour répondre, à Sa manière habituelle ; à la demande du Gouverneur. Jésus ne se justifie pas, Il expose simplement en quoi consiste Sa royauté et son Royaume et rejoint ainsi la première lecture de ce jour : Et
Jésus déclara :« Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Jésus lève discrètement le voile, tellement discrètement que Ses accusateurs n'arrivent pas à ouvrir les yeux du cœur, à entendre le poids des mots prononcés ici, ils n'arrivent pas à établir un lien entre les paroles de Jésus et l’Écriture Sainte qu'un certain nombre connaissent parfaitement. Ils sont capables de s'appuyer sur la loi et les prophètes , ils attendent impatiemment le Messie annoncé, mais Le reconnaître là, devant leurs yeux, en vrai, en paroles, en actes, cela leur est impossible, ils sont franchement dépassés ! La colère, la rage, les étouffent, dans leur légalisme étroit, ils ne peuvent toujours pas admettre les justes prises de positions de Jésus : l'homme ou le Sabbat ?
Pilate reprend la main il voudrait que Jésus se déclare roi, il voudrait l'entendre de Sa bouche pour enfin avoir une raison de Le livrer, d'où la question :
Pilate lui dit :« Alors, tu es roi ? » Encore une fois, dans Sa finesse, Jésus retourne la situation et va plus loin :« C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »
« En langage biblique, la vérité est une "qualité" de Dieu. Il est "vrai" parce que l'on peut se fier à lui, parce qu'il est fidèle. À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle,le premier-né des morts, le prince des rois de la terre. ( Ap 1) La fidélité de Dieu se vérifie dans le don qu'il fait de lui-même en Jésus Christ, qui est l'ultime vérité de Dieu, son "dévoilement".
« Cette vérité qui est la personne même du Christ se distingue des "vérités" que l'on affirme à son sujet. La vérité de Dieu s'oppose au mensonge, la vérité de notre langage de foi s'oppose à l'erreur. » (Croire aujourd'hui)
Jésus lui dit: "Je suis le chemin, la vérité et la vie; nul ne vient au Père que par moi.(Jn 14)
« Les deux termes hébreux « èmeth et èmounâh » sont traduits en français par « vérité » ou « foi » ; il y a en effet un lien étroit entre les deux notions : la vérité fait naître la foi, et la foi n’a de base solide que dans la vérité. Le sens primitif des deux mots de l’Ancien Testament est celui de « fermeté » Comme les mains de Moïse étaient fatiguées, ils prirent une pierre, qu'ils placèrent sous lui, et il s'assit dessus; et Aaron et Hur soutenaient ses mains, l'un d'un côté, l'autre de l'autre; ainsi ses mains restèrent fermes jusqu'au coucher du soleil (Ex17) ; ils désignent ce qui est fixe, inébranlable. D’où le sens moral : constance, fidélité, loyauté, probité Le Rocher, son œuvre est parfaite, car toutes ses voies sont justes; c'est un Dieu fidèle et sans iniquité; il est juste et droit. (Dt 32) Ces qualités font naître au cœur de celui qui les rencontre un sentiment de confiance, de sécurité "La parole du Seigneur que tu as prononcée est bonne." Et il ajouta: "Car, il y aura paix et stabilité pendant ma vie". (Is 39)
L’immutabilité de Dieu, sa fidélité, étant un de ses attributs essentiels, son peuple a pleinement raison d’avoir confiance en Lui . On peut compter sur Celui qui est fidèle, il est un refuge pour les siens. Cette fidélité de Dieu s’allie à sa bonté aussi bien qu’à sa justice . Le Dieu de vérité est celui auquel on peut se fier Entre tes mains je remets mon esprit; tu me délivreras, Seigneur, Dieu de vérité! (Ps 31) qui tient loyalement ses promesses Quiconque voudra être béni sur la terre voudra être béni par le Dieu de vérité, et quiconque jurera sur la terre jurera par le Dieu de vérité. Car les angoisses précédentes seront oubliées, et elles auront disparu à mes yeux. (Is 65) ; il s’oppose ainsi aux faux dieux et aux idoles qui ne sont que mensonge et vanité. Sa parole seule est digne de foi : connaître par elle sa pensée et sa volonté, c’est saisir la vérité Conduis-moi dans ta vérité, . et instruis-moi, car tu es le Dieu de mon salut; tout le jour en toi j'espère. (Ps 25); car ta miséricorde est devant mes yeux, et je marche dans ta vérité. (Ps 26) » ( diverses notes)
Que pouvons-nous retenir pour notre vie personnelle, des lectures de ce jour ?
Demandons au Seigneur de devenir et d'être :
Des femmes et des hommes de parole, sur qui nos sœurs et frères puissent s'appuyer.
Des femmes et des hommes responsables, qui ne se défaussent pas sur autrui, qui ne se cachent pas, qui ne « se lavent pas les mains : façon Pilate » !
Des femmes et des hommes épris de Vérité, dont la vie se calque sur l'Evangile, sur les béatitudes !
Des femmes et des hommes qui travaillent à l'avènement du seul Royaume susceptible de tenir éternellement royaume d'amour, de justice et de paix dussions-nous, comme Jésus , nous laisser crucifier !
il s’est vêtu de magnificence.
(Ps 92, 1ab)
Le
Seigneur est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le
Seigneur a revêtu sa force.
Et
la terre tient bon, inébranlable ;
dès l’origine ton
trône tient bon,
depuis toujours, tu es.
Tes
volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta
maison,
Seigneur, pour la suite des temps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire