vendredi 22 février 2019

L'ICONE DU CHRIST


SEPTIEME DIMANCHE

DU TEMPS ORDINAIRE

(Lc 6, 27-38)




Le passage d'évangile offert à notre méditation en ce dimanche m’apparaît comme le plus difficile à comprendre , à accueillir, , à vivre surtout. Aimez vos ennemis,faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent,priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue,présente l’autre joue. Pourtant, en acceptant de mettre nos pas dans ceux de Jésus, nous nous engageons , non à un exercice d'équilibre, pour bien placer nos pieds, mais à une radicale métanoïa, c'est à dire, un total changement de perspective, à mille mille de la pensée courante de l'humanité ! Suivre Jésus, est un bouleversement dans notre façon spontanée de penser et d'agir, c'est une conversion radicale.
Tous les prophètes ont crié au peuple : Convertissez-vous, revenez (Is 21,12) ; Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau car je ne désire pas la mort de celui qui meurt mais qu'il se convertisse et qu'il vive, dit le Seigneur (Ez 18,31-32) ; ou encore : Revenez et détournez-vous de toutes vos transgressions afin que l'iniquité ne cause pas votre ruine (Ez 18,30), que vous ne soyez pas enfermés dans les conséquences de vos propres actes. Jean-Baptiste, dernier des prophètes, introduit la venue du Christ par un appel à la métanoïa  : Repentez-vous car le royaume des cieux est proche (Mt 3,2). Il baptise d'eau pour amener à la repentance et préparer la venue du Seigneur (Mt 3,11). La repentance est ici l'attitude nécessaire pour rencontrer le maître : Il y a quelqu'un au milieu de vous que vous ne connaissez pas (Jn 1,26).
L'homme enfermé en lui-même, réduit à son individualité naturelle, immergé dans les soucis de la vie temporelle, s'aliène aux nécessités de la survie existentielle : s'installent la peur de manquer, l'angoisse de l'insécurité, la hantise de la solitude, qui trop souvent font prendre des décisions qui engendrent des conséquences fâcheuses et alourdissent le fardeau du quotidien. Cette aliénation au monde visible, extérieur à cet univers clos où tout est référé à nos perceptions et à nos conceptions, c'est le mouvement de l'égocentrisme. Celui-ci est l'expression d'une non-relation qui mène à la mort. Au cœur de cet exil, tel l'enfant prodigue qui a dissipé sa part d'héritage, chacun a la liberté de s'ouvrir. Quand toutes les portes sont fermées, quand nous sommes face à un mur, qu'il n'y a plus de solution existentielle ni psychologique, Celui qui habite au cœur de nous-mêmes nous invite à relever la tête « Le Seigneur dit à Caïn: " Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu? Si tu fais bien, ne seras-tu pas agréé? Et si tu ne fais pas bien, le péché ne se couche-t-il pas à ta porte? Son désir se tourne vers toi; mais toi, tu dois dominer sur lui. (Genèse 4) Nous sommes invités à la relation, c'est ici le sens de l'épreuve, conviés à nous ouvrir à l'autre, à accepter la main tendue, à accepter d'être aidés. Pour apprécier le don de la relation, il faut, le plus souvent, avoir désespéré de ses propres prétentions à vouloir atteindre le but par soi-même, avoir désespéré de ses propres capacités à vouloir réaliser son bonheur selon ses propres conceptions, avoir reconnu ses manques et ses faiblesses pour donner place à l'autre, au tout Autre.
C’est notre expérience la plus ordinaire. Depuis l’enfance, nous sommes contraints de nous mesurer aux autres pour être libres et ne pas nous aliéner dans une soumission qui justifierait la loi du plus fort. Il est fondamental que toute éducation apprenne à chacun à construire une identité capable de faire face, sans jamais accepter de servir de bouc émissaire.

Or, Jésus semble réclamer l’inverse quand il demande, non seulement une acceptation de la violence reçue, mais un surcroît de pardon, de générosité et d’abnégation. Si pareil discours s’adresse à des faibles, il faut le refuser.

Si, en revanche, nous sommes bien situés , dans un sain rapport de force avec les autres, ce que dit Jésus peut être entendu, non comme une démission, mais comme une expression achevée de l’amour.
Jésus ne nous montre-t-il pas le chemin ? N'est-ce pas librement qu'Il donne Sa vie : « Ma
vie, nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne » Et Il va jusqu'à l'extrême, jusqu'à l’humainement insupportable !« Père, si vous voulez, détournez de moi ce calice. Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la vôtre qui soit faite. (Luc 22) La coupe, il va la boire jusqu’à la lie, non comme un destin subi, mais comme une remise de soi à Dieu Et Jésus clama d'une voix forte: " Père, je remets mon esprit entre vos mains. " Et, ce disant, il expira. (Luc 23). Dès lors nous ne pouvons pas, nous ne devons pas être surpris par Ses propos : quand l'homme agit en ennemi à Son égard , Lui, Jésus ,demande à son Père et notre Père : «  Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. Ils se partagèrent ses vêtements, en tirant au sort. »Luc 23 . Si Jésus demande au Père de pardonner, c'est qu'Il a Lui-même pardonné , Son cœur est libre, totalement libre !
Marcher dans dans les pas de Jésus, c'est, - comme Il nous demande, et comme Il a vécu,- accomplir ce qu'Il nous commande, car Jésus nous parle souvent à l'impératif, il y a urgence . Nous ne pouvons pas revendiquer le nom de chrétien sans cela : » Aimez vos ennemis,faites du bien à ceux qui vous haïssent.Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent,priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue,présente l’autre joue. » Ce dernier verset appelle toutefois quelques précisions. Tendre l'autre joue peut devenir une provocation , devant Pilate, Jésus Lui-même ne tend pas l'autre joue, mais Il « attaque les consciences «  comme le disait Jean Goss. Il tente d'induire une réflexion en demandant à Son agresseur d'expliquer son geste : « À ces mots, un des gardes qui se tenait à côté de lui le gifla en disant : - C’est comme cela que tu réponds au grand-prêtre ? Jésus lui répondit : - Si j’ai mal parlé, montre où est le mal. Mais si ce que j’ai dit est vrai, pourquoi me frappes-tu ? » Jn 18, 23
Il est clair que Jésus invite à aller plus loin que "l’œil pour œil, dent pour dent" de l’Ancien Testament. N'est-Il pas venu accomplir ? La stratégie non-violente qui consiste à "ne pas riposter au méchant", à ne pas rendre le mal pour le mal « Ne soyez point sages à vos propres yeux; ne rendez à personne le mal pour le mal; veillez à faire ce qui est bien devant tous les hommes. S'il est possible, autant qu'il dépend de vous, soyez en paix avec tous.Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés; mais laissez agir la colère de Dieu; car il est écrit: " A moi la vengeance; c'est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. " Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, tu amasseras des charbons de feu sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien. (Romains 12)
Prenez garde à ce que nul ne rende à un autre le mal pour le mal; mais toujours cherchez ce qui est bien, les uns pour les autres et pour tous. (1Thessaloniciens 5) , peut aller jusqu’à poser un geste provocant et désarmant devant le violent. Ici comme ailleurs, Jésus trace une direction 
« Nous n'aimerons jamais assez car l'amour c'est Dieu même » proclame le chant d'Assise . En somme, Jésus nous indique le chemin de la sainteté, la voie royale de l'amour infini auquel Il nous convie . Aimer est exigeant, suivre Jésus est exigeant , en réalité, Lui seul sait aimer et c'est parce qu'Il nous fait confiance, parce qu'Il a de l'ambition pour chacun de nous, qu'Il nous ouvre un horizon infini que les saints seuls atteignent ! Que nous dit le psaume de cette liturgie :
Bénis le Seigneur, ô mon âme,

bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Pourquoi dois je bénir ce Dieu d'amour 
Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe

et te couronne d’amour et de tendresse.


Dieu couronne chacun de nous, d'amour et de tendresse ! C'est vertigineux ! Dès lors, comment oserions-nous rendre le mal pour le mal ? Bien sûr, nous devons rester lucides, il ne s'agit pas de s'exposer , l'époux ou l'épouse, victime de son conjoint , l'enfant ou le jeune victime de parents violents, ne peuvent et ne doivent au nom même de leur dignité, se laisser détruire, c'est un devoir pour eux de saisir, parfois de chercher, une main tendue pour sortir de l'enfer qui les enferme . Sainteté ne rime pas avec négation de soi ! La sainteté nous convie à reconnaître le don de Dieu en nous, pour nous, chez les autres aussi ! Attaquer la conscience d'autrui comme nous le disions plus haut, c'est éveiller le violent à prendre conscience de ses failles, lui ouvrir d'autres perspectives que celles dans lesquelles il s'enferme. Nous avons donc une responsabilité à réveiller chez le violent celui qu'il est appelé à devenir ! Jésus nous demande une générosité sans limites, un don de soi absolu , bien plus qu'à l'écoute de nos paroles , c'est en nous regardant vivre que des frères trouveront la route de la Vie !
À celui qui te prend ton manteau,ne refuse pas ta tunique.Donne à quiconque te demande,et à qui prend ton bien, ne le réclame pas.Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous,faites-le aussi pour eux.Si vous aimez ceux qui vous aiment,quelle reconnaissance méritez-vous ?Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment.Si vous faites du bien à ceux qui vous en font,quelle reconnaissance méritez-vous ?Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour,quelle reconnaissance méritez-vous ?Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent.Au contraire, aimez vos ennemis,faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour.
Avec des paroles différentes, Jésus poursuit dans le même registre, Il cherche à nous convaincre de l'absolue nécessité de l'amour : donner sans restriction aucune, le faire sans attendre de retour, prêter sans intérêt et Il précise Alors votre récompense sera grande,et vous serez les fils du Très-Haut,car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants. Il ne s'agit pas d'attendre un retour, la récompense est dans l'acte, les actes eux-mêmes ! Car Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. (Actes 20) Donner ouvre le cœur, donner dilate le cœur, le comble de joie , voilà notre récompense, en donnant nous offrons du bonheur mais nous en recevons tellement ! Il est difficile, sinon impossible de déterminer qui de celui qui donne et de celui qui reçoit éprouve la plus grande joie ! Je pense malgré tout que c'est le donateur car il est dans la gratuité ce qui le rapproche du Père qui donne sans compter lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Et nous savons à quel point Dieu est miséricordieux, lui qui nous espère jusqu'à l'extrême  : cet ersatz de seconde de l'ultime rencontre !souvenons-nous de la parole du Saint Curé d'Ars à une mère éplorée par le suicide de son fils et surtout pour son salut ; « Madame, nous ne savons ce qui s'est passé entre le pont et l'eau ! » Lui qui envoie son unique, Son Fils Bien aimé en qui il a mis toutes Ses complaisances, qui Le laisse aller jusqu'à l'extrême de la déréliction pour nous rendre libres ! Quelle conscience avons-nous de la Miséricorde du Père? Si nous en avions tant soit peu conscience nous serions confondus par certaines de nos réactions à l'égard de nos frères !
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; quand comprendrons-nous que nous ne percevons qu'une infime parcelle de la réalité de ce que nous croyons voir et encore plus savoir ? Je me souviens d'un prêtre à qui je disais à propos de deux personnes en conflit , « mais qui dit la vérité » ? «  les deux m'a-t-il répondu ! » Effectivement chacun exprimait la « vérité » qu'il percevait à partir de son angle de vision personnel ! Quand comprendrons-nous la nécessité d'une écoute absolue de l'autre pour saisir le détail qui peut éclairer une situation bloquée ? Écouter, c'est aimer vraiment l'autre, c'est tenter de se revêtir de cet autre n'est-ce pas l'agir de Jésus venu s'habiller de notre humanité pour mieux l'appréhender, la comprendre et l'éclairer !
Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Au nom de quoi condamnerions-nous ? Que savons-nous de ce qui induit tel comportement, tel acte ? Aujourd'hui même j'échangeais avec une jeune femme dont la maman a quitté le foyer à plus de 50 ans pour épouser un mode de vie suicidaire compte tenu du contexte ! Cette femme est en quête d'un bonheur qui n'existe pas en réalité, d'un bonheur anesthésiant qui l'éloigne des contraintes d'une vie devenue monotone … L'apparence est celle que nous voyons mais quelles sont les motivations ? Elle ne le sait peut-être pas elle-même . Notre devoir n'est-il pas de rester ouverts, de garder la porte de la maison et celle du cœur ouverte , de prier, dans l'espérance d'un réveil ! N'est-ce pas la question de Jésus à la femme adultère?  "Femme, où sont ceux qui vous accusent? Est-ce que personne ne vous a condamnée? Elle répondit: "Personne, Seigneur"; Jésus lui dit "Je ne vous condamne pas non plus. Allez, et ne péchez plus." (Jean 8) Jésus avait pris les moyens, sans humilier qui que ce soit, de faire comprendre aux accusateurs qu'ils n'étaient pas aussi purs qu'ils voulaient le laisser entendre ! Je ne sais plus quel Père de l’Église, écrivait à notre adresse «  le juste lui-même ( le saint!) ne peut faire le bien sans pécher »Tous nos actes sont entachés : secret désir de paraître, d'être loué, d'attirer l'attention, de gloire, d'honneur , de se faire bien voir, d'obtenir une gratification … Nous ne savons pas de quel démon nous serons la proie ?  
Pardonnez, et vous serez pardonnés. Pardonner c'est « donner par dessus » c'est dépasser l'offense et renouer une relation de confiance après une offense . Pardonner demande une très grande force qui ne peut venir que de l'Esprit du Seigneur!Le pardon est avant tout un acte d'amour à notre propre attention . Le pardon nous libère déjà personnellement et délie celui qui le reçoit. La rancœur nous alourdit, le pardon nous rend léger ! Jésus, qui n'a pas été touché par l'erreur, par le péché, du haut de la croix ne pardonne-t-il pas à Ses bourreaux ? C'est en pardonnant dit Saint François d'assise qu'on ressuscite à l'éternelle vie ! Comment prier vraiment le notre Père si je refuse de pardonner ?
«  pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »
Donnez, et l’on vous donnera :c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante,qui sera versée dans le pan de votre vêtement ;car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. » Il ne s'agit pas bien sûr de donner pour recevoir mais le seul fait de donner et de se donner, nous comble , dilate le cœur, nous fait goûter le seul vrai bonheur je cite encore St François, «  c’est en se donnant qu’on reçoit,c’est en s’oubliant qu’on se retrouve,c’est en pardonnant qu’on est pardonné,c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie » Que nous le reconnaissions ou pas, nous recevons absolument tout ! La vie, la lumière, l'air, la nourriture tout nous est donné et quand nous avons la grâce de participer , de créer, la matière première nous est donnée et nous refuserions de partager ? Je m’enrichis à la mesure même que je donne, car je reçois de celui à qui je donne… Je découvre que je ne vis pas sur moi, mais que je suis membre d’un corps plus vaste qui ne cesse de m’irriguer, de me nourrir, de me stimuler. Je suis à la fois plus pauvre et plus riche…Conscient ou pas je deviens ce que je suis grâce aux autres, et quad ils me malmènent ils me conduisent à évoluer, à me parfaire, que serai-je sans les autres ? Qui serai-je ? Et ce que je reçois par l'intermédiaire des autres vient du TOUT AUTRE qui veille et me façonne à Son Image ! Le but en effet est de cet ordre ; DEVENIR L'ICONE DE DIEU !

Puis Dieu dit: 
Faisons l'homme à notre image,
 selon notre ressemblance,
Gen 1,27

Faites-le quand même...



Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes,
Pardonne les quand même...

Si tu es gentil, les gens peuvent t'accuser d'être égoïste

et d'avoir des arrières pensées,

Sois gentil quand même...
Si tu réussis, tu trouveras des faux amis et des vrais ennemis,
Réussis quand même...
Si tu es honnête et franc, il se peut que les gens abusent de toi,
Sois honnête et franc quand même...
Ce que tu as mis des années à construire,

quelqu'un pourrait le détruire en une nuit,

Construis quand même...
Si tu trouves la sérénité et la joie, ils pourraient être jaloux,
Sois heureux quand même...
Le bien que tu fais aujourd'hui, les gens l'auront souvent oublié demain,
Fais le bien quand même...
Donne au monde le meilleur que tu as,

et il se pourrait que cela ne soit jamais assez,

Donne au monde le meilleur que tu as quand même...
Tu vois, en faisant une analyse finale, c'est une histoire entre toi et Dieu,

cela n'a jamais été entre eux et toi.
Mère Térésa

L'Ermite

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire