vendredi 27 juillet 2018

CINQ PAINS, DEUX POISSONS, UNE FOULE !

XVIIe DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE


ANNÉE B


(Jn 6, 1-15)


Dimanche après dimanche, en cette année liturgique B, nous méditons l’Évangile selon Saint Marc or, ce dimanche et ceux qui suivront du moins en août, l’Église nous propose l' Évangile selon Saint Jean, il est légitime de s'en étonner et d'en chercher la raison !J'ai cherché à m'informer mais , pour le moment je n'ai pas obtenu de réponse !
Vous connaissez sans doute tous, la synopse des évangiles, c'est-à-dire, la mise en parallèle de ceux-ci, ce qui prouve la véracité des faits rapportés par les quatre évangélistes. En réalité, les récits de Matthieu, Marc et Luc se recoupent presque toujours ,Jean, dans certains cas, mais moins souvent.
L’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ selon Saint Jean est une méditation très profonde sur Jésus, Verbe de Dieu. écrit peut être vers 95-100, dans la rédaction que nous avons, il témoigne de plus de recul que les trois autres évangiles. Matthieu, Marc et Luc sont issus de la même souche : la prédication de Pierre (c'est pourquoi on les nomme " synoptiques " - qui peuvent être " vus ensemble ").
Apôtre lui-même, et témoin oculaire privilégié, Saint Jean use de sa liberté. On peut le reconnaître dans le "disciple que Jésus aimait". Jean ne s'est pas senti tenu par une chronologie : il montre surtout une pénétration plus intime du mystère du Christ. Pour lui, Jésus n'est pas seulement le messie qui accomplit les prophéties et fonde le Royaume, ni le fils de Dieu qui subjugue les masses, ni le sauveur qui vient proclamer un message de mansuétude, c'est le Verbe incarné, Dieu lui-même, qui révèle aux hommes le Dieu invisible. 
 Le plan même en est transformé : Prologue - la gloire du Verbe (1), la gloire de Jésus (1-12), Jésus dans l'intimité de ses disciples (13-17), la Gloire de la passion (18-19), la Gloire de la résurrection (20) et l'appendice (21). Les antithèses s'y bousculent et font de cet écrit l'un des plus lus et des plus difficiles à pénétrer. Pour s'y essayer, une piste est d'étudier les couples de mots clefs qui rythment le récit : Dieu - Verbe, lumière - ténèbres, vie - mort, témoignage - foi, monde - reconnaissance, chair - esprit, unité - péché, gloire - don, loi - vérité, adoration – Jérusalem...
Il se trouve que la première multiplication des pains que nous offre la Liturgie de ce
dimanche est rapportée par les quatre évangélistes, c'est peut-être la raison pour laquelle pendant quelques dimanches nous basculons sur l’Évangile de St Jean.
Souvenons-nous du 16e dimanche, Jésus a traversé le lac avec Ses Apôtres leur proposant de prendre un peu de repos, à l'écart, car les foules allaient et venaient au point qu'ils n'avaient même plus le temps de prendre un repas ! La Parole de ce Jour n'est pas une parenthèse, ce passage figure en effet chez les quatre évangélistes .

    Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée,
le lac de Tibériade.
    Une grande foule le suivait,
parce qu’elle avait vu les signes
qu’il accomplissait sur les malades.
    Jésus gravit la montagne,
et là, il était assis avec ses disciples. 

Jésus était assis parce que, nous disait Marc, Il avait entraîné ses disciples à l'écart pour leur permettre de se reposer à l'abri du brouhaha de la foule, Marc précisait aussi que cette foule aux aguets, avait compris l'intention de Jésus, et s'était massée avant Son arrivée sur l'autre rive où Jésus, saisi de compassion se mit à les instruire longuement » St Jean n'évoque pas l'enseignement, chez lui, le souci de Jésus est de permettre à cette foule de se restaurer :
Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
    Jésus leva les yeux
et vit qu’une foule nombreuse venait à lui.
Il dit à Philippe :
« Où pourrions-nous acheter du pain
pour qu’ils aient à manger ? » 

Nous sommes loin d'une zone habitée, Jésus le sait puisque c'est Lui qui a choisi ce lieu pour se retrouver avec Ses apôtres, la question posée à Philippe est plus que malicieuse , au sens positif du terme, Jésus sait pourquoi Il la pose :

 Il disait cela pour le mettre à l’épreuve,
car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire.

Ceci est intéressant également pour nos vies personnelles : dans l'épreuve ne nous arrive-t-il pas de poser la question : « Pourquoi mon Dieu ? Pourquoi moi ? »Avons-nous pensé parfois que l'épreuve peut être une forme d'éducation pour nous apprendre d'une part la patience, d'autre part à y reconnaître « Dieu qui passe » dans ma vie et me parle . Aujourd'hui, c'est l'événement qui est Parole de Dieu, c'est à travers les événements que je découvre la volonté de Dieu. Il est rare de comprendre ce langage immédiatement , nous comprenons souvent longtemps après, que Dieu, nous parlait ! Les hommes de la Bible, n'ont-ils pas fait cette expérience souvenons-nous d'Abraham,de Jacob, de Moïse et de tant d'autres !
« Après cela, Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit: " Abraham! " Il répondit: " Me voici. " Et Dieu dit " Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, et va-t'en au pays de Moria, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je t'indiquerai...Isaac interrogea son père Abraham : « Mon père ! - Eh bien, mon fils ? » Isaac reprit : « Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? » Abraham répondit : « Dieu saura bien trouver l'agneau pour l'holocauste, mon fils », (Genèse 22) »
« Jacob resta seul. Or, quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. L'homme, voyant qu'il ne pouvait pas le vaincre, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant ce combat. L'homme lui dit : « Lâche-moi, car l'aurore s'est levée. » Jacob répondit : « Je ne te lâcherai que si tu me bénis. » L'homme lui demanda : « Quel est ton nom ? - Je m'appelle Jacob. -
On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël (ce qui signifie : Fort contre Dieu), parce que tu as lutté contre Dieu comme on lutte contre des hommes, et tu as vaincu. » (Genèse 32) »

« Un jour, Moïse dit au Seigneur : « Je t'en prie, laisse-moi contempler ta gloire. » Dieu répondit : « Je vais passer devant toi avec toute ma splendeur, et je prononcerai devant toi mon nom qui est : YAHVÉ, LE SEIGNEUR. Je fais grâce à qui je veux, je montre ma tendresse à qui je veux. » Il dit encore : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car on ne peut pas me voir sans mourir. » (Exode 33) »

La réponse de Philippe est réaliste, il se situe sur le plan humain et immédiat nous verrons que le regard de Jésus va bien au-delà de l'apparence. Humainement, Philippe a parfaitement raison , nourrir pareille foule est impossible !

    Philippe lui répondit :
« Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas
pour que chacun reçoive un peu de pain. » 

Remarquons la sage pédagogie de Jésus , sa patience aussi ! Jésus donne, à Ses apôtres, la possibilité de réfléchir, peut-être veut-il leur faire découvrir qu'ils doivent prendre soin de la personne tout entière : âme et corps. Nous ne sommes pas de purs esprits, nous devons prendre soin de nos frères dans TOUT ce qui fait leur vie ! Jésus leur donne aussi, la possibilité d'exprimer leur point de vue, à leur niveau, c'est quand ils auront épuisé leur argumentation que leurs esprits seront libérés de toute velléité de questionnement, qu'Il pourra, Lui, Jésus, être écouté pleinement et entendu ! Jésus marche à leur pas, à notre pas . Si nos esprits sont encombrés nous sommes incapables d'entendre la PAROLE SILENCIEUSE de Celui, Jésus, qui habite en nous . Nous entendons le fracas enchevêtré d'une multitude de questions qui parasitent notre pensée, or Jésus ne peut être entendu que dans un esprit apaisé, serein, libéré de tout encombrement.
André n'a pas la solution miracle mais il ne craint pas d'ouvrir une brèche. Il est conscient du dérisoire de la remarque mais il n'hésite pas , au risque d'être raillé, de signaler ce qu'Il voit !

    Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :
    « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge
et deux poissons,
mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » 

André est lucide sur l'incongruité de sa remarque, toutefois, il essaie de trouver une solution, il fait ce qui est en son pouvoir ! C'est très intéressant ! Jésus ne nous demande pas l'impossible, Il attend simplement que nous allions au bout de notre possible et Lui assume le reste ! L'important dans nos vies est d'aller au bout de nos possibilités, abandonnés et confiants dans l'intervention du Seigneur qui prend le relais quand nous ne pouvons pas davantage! C'est justement sur ce « peu » que Jésus va rebondir et déployer Son immense, Son insondable compassion ! Ne l'oublions pas, il en est de même dans nos vies !

    Jésus dit :
« Faites asseoir les gens. »
Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit.
Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. 

Notons que le lieu est agréable, Jean le souligne en disant : « Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. » il est donc possible de s'asseoir de façon confortable. Si Jésus demande de faire asseoir la foule c'est qu'Il a l'intention d'intervenir, on peut penser que les apôtres en ont pris conscience mais ils sont bien loin d'imaginer ce qui va suivre. Jésus n'en finit pas de les surprendre comme Il nous surprend dans nos vies personnelles si nous avons un peu d'humilité pour Le reconnaître à l’œuvre . Si nous acceptions de nous abandonner, de Lui faire une confiance absolue nous baignerions dans l'action de grâce ! « C'est la nuit qu'il est beau de croire en la lumière » écrivait Edmond ROSTAND, la nuit est toujours chassée par la lumière et, pour nous qui avons la grâce de croire, la LUMIÈRE n'est autre
que Jésus, lequel ne peut pas nous laisser sombrer, pas plus qu'Il ne laisse sombrer Ses apôtres dans la mer déchaînée, ou Pierre qui perd pied sur le lac ! De même qu'aux jours de création Dieu, à partir de rien crée l'univers, Jésus qui nous respecte infiniment ,et nous aime, avec « nos riens » fait des merveilles . Ces cinq pains et ces trois poissons ridicules pour nourrir une foule Jésus ne les dédaigne pas Il va les faire fructifier comme Il fait fructifier nos insignifiantes générosités. Pour Jésus tout est respectable : tout, tous et chacun !

    
Alors Jésus prit les pains 
et, après avoir rendu grâce, 
il les distribua aux convives ;
il leur donna aussi du poisson, 

autant qu’ils en voulaient. 

Ne reconnaissons-nous pas là les paroles de la consécration ? « Il prit le pain dans Ses mains très saintes, et, les yeux levés au ciel, vers Toi, Dieu Son Père Tout-Puissant, Il le bénit et le rompit, et le donna à ses disciples en disant : »prenez et mangez en tous ! » Chez St Marc nous trouvons : Et il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, prononça la bénédiction, rompit les pains et les donna aux disciples » Faut-il voir ici un avant goût de l'Institution de la Sainte Eucharistie ? Je n'ai pas la réponse, mais je n'ai pas de difficultés à croire que là encore Jésus prépare Ses apôtres et nous-mêmes, à ce sommet de Sa vie donnée, livrée « afin que le monde croie » Et Jésus ne fait rien à moitié :

   Quand ils eurent mangé à leur faim,
il dit à ses disciples :
« Rassemblez les morceaux en surplus,
pour que rien ne se perde. »
    Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers
avec les morceaux des cinq pains d’orge,
restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.
Il n'est pas inutile de noter en parallèle la première lecture de ce jour :
« un homme vint de Baal-Shalisha et, prenant sur la récolte nouvelle, il apporta à Élisée, l’homme de Dieu, vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac.
Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : ‘On mangera, et il en restera.’ » Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur. »
Nous reconnaissons les grands points de l'expérience des apôtres et de la foule en ce jour, prémices de la merveille qui nous est offerte chaque dimanche, voire chaque jour si nous le voulons et le pouvons ! De toujours à toujours, Dieu a le souci de Ses créatures et

donne à chacun sa part d'amour, sa part de pain ; Je sens sourdre l'objection : mais alors, pourquoi des peuples meurent-ils de faim ? Je crois du fond du cœur que l'humanité est responsable de cette aberration par son péché ! Les uns amassent, et amassent encore souvent, presque toujours sur le dos des autres. Nous réduisons nos frères en esclavage, nous leur volons leurs richesses à des prix dérisoires constituant ainsi notre propre richesse ! N'oublions pas : « c'est sur l'amour que nous avons les uns pour les autres, que nous serons jugés » J'aurai, nous aurons des comptes à rendre au Maître de la vie !

    À la vue du signe que Jésus avait accompli,
les gens disaient :
« C’est vraiment lui le Prophète annoncé,
celui qui vient dans le monde. »
    Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever
pour faire de lui leur roi ;
alors de nouveau il se retira dans la montagne,
lui seul.
Jésus, nous le voyons souvent, ne cherche ni la notoriété, ni la Gloire , Jésus aime, Jésus nous aime et quand Il voit, comprend que les bénéficiaires de cet amour inconditionnel veulent L'utiliser pour Le porter en triomphe et faire de Lui leur roi, alors Jésus se soustrait à leur attention et se retire seul sur la montagne. La montagne, les zones désertiques, la solitude, la prière voilà Ses lieux de prédilection. C'est là qu'Il se plonge dans la vie Trinitaire où Il peut converser avec le Père et l'Esprit pour continuer Son action de grâce et nous y associer :
Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Ne sommes-nous pas l’œuvre de Dieu ? Ne sommes-nous pas Ses fidèles ? Appelés que nous sommes pour rendre grâce à notre tour, bénir Dieu, dire Sa gloire par notre vie, et faire que nos vies expriment Ses exploits ?(ceux de Jésus bien sûr !)
Un grand prophète s’est levé parmi nous :
et Dieu a visité son peuple.
Et le visite à chaque instant
L'Ermite

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