jeudi 3 mars 2016

DIEU A GENOUX !

QUATRIÈME DIMANCHE DE CARÊME 2016

Lc 15, 1-3.11-32)



L’Évangile offert à notre méditation en ce quatrième dimanche est long, je le propose en trois séquences :

En ce temps là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » 

Nous sommes en présence de trois entités :

- les publicains et les pécheurs qui viennent pour se nourrir des Paroles qui sortent de la bouche du Seigneur, ces Paroles les attirent par leur profondeur.

- Les Pharisiens et les scribes qui, comme à l'accoutumé, récriminent contre Jésus, ils ont bien du mal à accueillir Ses propos, de plus, Ses fréquentations , les dérangent !

- Enfin, et surtout, il y a Jésus ! Jésus pourrait se mettre en colère, invectiver pharisiens et scribes qui ne se gênent pas pour Le critiquer. Jésus n'ignore rien de leurs intentions meurtrières, Il avance paisiblement vers son sacrifice, Il ne rentre pas dans de vaines discutions, ce que nous serions tentés de faire pour justifier nos choix, nos paroles. Nous le disions récemment, commencer à discuter c'est entrer dans le jeu du Malin et tomber dans ses griffes, Jésus reste maître de Lui et propose une histoire, à la portée de tous, cette magnifique Parabole qui trouve bien sa place à la mi-temps du Carême et en cette année du « Jubilé de la Miséricorde ».

En parcourant les deux séquences suivantes, nous pourrions garder dans notre esprit la question suivante : lequel des deux fils domine en moi ?

 Alors Jésus leur dit cette parabole .

« Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père :‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’Et le père leur partagea ses biens.Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune menant une vie de désordre...

Premier temps : le fils cadet demande intentionnellement son héritage. Il sait en effet ce qu'il a en tête ; subtil, il ne tient pas à choquer son père qui pourrait refuser, du moins c'est ainsi qu'il peut ressentir la situation.

Quel que soit notre âge, ce jeune « tout fou », c'est chacun de nous quand nous agissons en écervelés, ne désirant rendre de compte à nul autre qu'à soi-même !

Deuxième temps : Le père respecte la liberté de son enfant, il obtempère sachant cependant les risques encourus. Il ne fait aucune remarque désobligeante, la moindre remarque risque de compliquer la situation et de distendre les liens. Comblé, ce fils cadet quitte son père pour faire la fête ! Il y a bien des façons de faire la fête ! On peut entendre ici, que ce fils veut vivre à sa guise, profiter de la vie, expression que nous connaissons bien , « s'éclater », être libre, apparemment seulement, de quelle liberté s'agit-il en effet ?

Ne nous perdons pas de vue, c'est encore chacun de nous, quand, baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, nous vivons comme étrangers à ce chemin de Vie que Jésus nous trace ! Quand nous passons le temps à nous dissiper pour nous étourdir, que nous vivons à la surface de soi-même, sans le moindre retour sur nos agissements, sans la moindre pause pour tenter de parler avec celui de qui nous tenons TOUT !

Troisième temps : sans travailler, les biens sont vite dilapidés et c'est la disette, c'est aussi le début d'une prise de conscience de la situation . Pas de travail, égale pas de revenus, comment vivre alors , survivre même?La solution réside dans un travail quel qu'il soit mais qui permette de se nourrir et de dormir à l'abri. Dans de telles circonstances, on marche sur sa fierté et on prend le « premier petit boulot » qui permet de garder une apparence humaine : ici ce sera la garde de cochons animaux déconsidérés parce que impurs. Tous les employeurs n'affichent pas la même humanité et, encore moins, la même honnêteté, notre « écervelé » n'a même pas le loisir de partager la nourriture des animaux qu'il garde . 

C'est encore et toujours chacun de nous ! L'essentiel nous manque, nous avançons dans le vide, nous ne savons vers quoi, vers qui nous allons, nous avançons têtes baissées, butés, emmurés imposant le silence à cette voix intérieure qui nous « titille », voudrait nous réveiller, nous éveiller à autre chose, autrement !

Quatrième temps : l'heure de la réflexion est arrivée, couronnée par une humble décision. Ce jeune a vécu autrement, il sait que son père est juste avec son personnel, son père ne compte pas, chacun mange selon son
appétit … que faire ? Il ne peut tout de même pas prétendre reprendre la place qu'il occupait comme fils, c'est impossible, impensable, il a dépensé tout ce qui lui revenait ! Peut-être peut-il solliciter une place de serviteur, repartir à zéro, au plus bas de l'échelle ? Sa décision est prise : il va retourner vers son père, reconnaître son erreur, bien préciser qu'il ne mérite plus d'être fils, se présenter en serviteur …. Il est en route, lourd de sa détresse, la tête basse, les jambes pesantes, traînant les pieds, il approche du but les yeux rivés sur le sol ( il préférerait ne voir personne sur son chemin, la honte l'envahit,) perdu dans ses pensées, il ne voit même pas arriver Celui qui l' espère, qui l'enveloppe déjà dans ses bras , le couvre de baisers, l'habille de neuf,donne des ordres pour célébrer ce retour espéré, attendu, organise un festin, une soirée dansante, on se réjouit, on pleure de joie, le fils perdu est retrouvé !

Ce fils, cette fille c'est encore et toujours chacun de nous quand nous revenons vers le Père, quand nous accueillons Son Pardon dans le sacrement de réconciliation : « il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. Lc 15,7 » Et qui peut se targuer de n'avoir pas besoin de conversion ?

Ne tardons pas, le Père nous attend les bras ouverts, tendus, comme pour nous extraire de notre bourbier, nous serrer sur Son cœur, nous envelopper de Sa tendresse, nous couvrir de Ses baisers, justement là où ça fait mal, Il est à genoux pour entendre notre errance, nous accueillir avec des vêtements de fête, nous passer au doigt, l'anneau de l'Alliance éternelle, pour faire la fête, une fête qu'Il espère éternelle. N'ayons pas peur de Dieu, Il est Père et Mère, comme le traduit si bien Rembrandt dans son tableau du Père Miséricordieux, Il ne nous veut que du bien, Il nous attend ! « L'amour, nous espère toujours » écrit le P. Baudiquey.

 Le fils lui dit :‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi.Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’Mais le père dit à ses serviteurs : Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller,
mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,allez chercher le veau gras, tuez-le,mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort,et il est revenu à la vie ;il était perdu,
et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.

Je vais prendre du temps au prêtre, je vais le déranger, et puis, que dirai-je ? Il y a si longtemps que je ne me suis pas confessé(e) … Je ne sais plus comment m'y prendre … bien des remarques risquent d'envahir notre esprit, tout cela n'est que tentation, le Malin ne tient pas à nous lâcher, surtout ne l'écoutons pas, n'hésitons pas, pensons à Jésus qui a donné sa vie pour que nous vivions pleinement, jetons-nous dans les bras du Père sachant qu'Il nous attend , nous aime et nous reçoit à genoux ! Oui, à genoux . Pour illustrer cela, je me permets de vous partager une expérience tout-à-fait personnelle, qui a marque toute ma vie :

J'avais autour de 24/25 ans, je rentrais d'animer un camp de jeunes. Depuis les Landes, nous avions effectué un camp à bicyclette en Espagne. Comme je ne me donnais jamais à moitié, au retour j'étais épuisée, les derniers kilomètres furent un supplice, mes rotules ne fonctionnaient plus ! J'avais rendez-vous avec mon accompagnateur spirituel et confesseur, à Lourdes.

Il était de permanence dans l'une des trois basiliques, les confessions se passaient dans une petite pièce ouverte sur la basilique mais dans un confessionnal. Comme je lui expliquais ma difficulté à m'agenouiller, en un tour de main, je me suis retrouvée assise dans le confessionnal, à sa place, et lui, à genoux, recevait ma confession ! Dieu, à genoux, dans son prêtre, entendait ma confession et me donnait son pardon ! Quelle grandeur dans cette humilité ! De mon côté je suis marquée pour toujours par tant de grandeur et ne suis pas étonnée que le Seigneur ait accueilli ce prêtre il y a huit ans, le jour de la fête de la divine Miséricorde !

N'oubliez pas : «  C'est à genoux que Dieu nous offre son pardon ! » Il ne cesse de nous espérer.

Le Père de la Parabole a deux fils, or, l'aîné est retenu par son travail quand le cadet ose revenir à la maison ; il s'était installé dans sa nouvelle situation de fils unique, sa surprise est grande lorsqu'il entend la musique et la fête et qu'il est informé du retour du frère « égaré » ! Cette nouvelle circonstance le dépasse, la colère monte et éclate, il refuse de se joindre à la fête, de partager la joie des convives ! Son père le supplie, lui, fait valoir ses droits, « jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. » sa fidélité, son obéissance de tous les instants ! Sa rage monte d'un cran quand il évoque ce frère dévoyé ! Que sait-il de son errance ? Il n'y avait ni police du renseignement, ni radio, ni ...au lieu d'apaiser, il tente d'attiser le feu qu'il allume contre son propre frère, le père quant à lui, garde son calme et tente de faire valoir l'insondable bonheur , la grâce incomparable, la gratuité de la présence continue, de ce partage au quotidien :

« ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi,et tout ce qui est à moi
est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ;il était perdu, et il est retrouvé ! »

« Dieu fait avec nous, comme a fait le père de la parabole du fils prodigue : "mon fils était mort et il est revenu à la vie". Le père miséricordieux révèle la profondeur du péché de son fils : il était mort. Ce fils prodigue croyait avoir seulement perdu sa dignité de fils : "je ne suis pas digne d’être appelé ton fils". Il n’avait pas saisi qu’il s’agissait là d’une mort. Le père seul sait la gravité de sa trahison et le lui révèle en même temps qu’il lui redonne vie dans l’effusion de ses bras affectueux. » Mgr Camiade évêque de Cahors

« Plus qu'un parcours sans faute au cours duquel on ne transgresse aucun des ordres, le chemin du disciple est une expérience personnelle de la miséricorde du Père. C'est cette expérience que refuse le fils aîné, tandis que le fils cadet la fait en rentrant en lui-même et en étant accueilli par son père. »P. Berrached prions en Église

"Un monde nouveau est déjà né.Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ,et il nous a donné le ministère de la
réconciliation.Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes,et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ,et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ,laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché,Dieu l’a pour nous identifié au péché,afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu."2 Cor 5.

Oui, en cette année du Jubilé de la Miséricorde, en cette montée vers Pâques, laissons-nous réconcilier avec Dieu et soyons Ses ambassadeurs auprès de nos frères, directement quand c'est possible, par la prière et l'offrande si ce ne l'est pas !



DIEU N'EST QU'AMOUR IL NOUS ATTEND, A GENOUX !


L'Ermite


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