vendredi 11 mars 2022

CELUI QUE J'AI CHOISI...ECOUTEZ-LE

 

DEUXIEME DIMANCHE


DE CARÊME


Année C




(Lc 9, 28b-36)

En ce temps-là Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Le désert, la montagne, sont ces lieux familiers que Jésus recherche, parce qu'ils sont habités de silence, de solitude, Il peut y rencontrer sans être dérangé, son Père Bien Aimé. La montagne est aussi le Lieu choisi par le Père pour parler à l'homme dans un cœur à cœur transformant ! Tel Moïse qui y séjournera quarante jours et quarante nuits :Moïse pénétra dans la nuée et il monta sur la montagne. Moïse resta sur la montagne quarante jours et quarante nuits. (Ex 24)

Lorsque Moïse descendit de la montagne du Sinaï, ayant en mains les deux tables de la charte de l'Alliance, il ne savait pas que son visage rayonnait de lumière depuis son entretien avec le Seigneur. Aaron et tous les fils d'Israël virent arriver Moïse : son visage rayonnait. (Ex 34)

Sois prêt pour demain matin; tu monteras dès le matin sur le mont Sinaï et tu te tiendras devant moi, là, au sommet de la montagne. Personne ne montera avec toi; et même, qu'on ne voie personne sur toute la montagne; même le petit et le gros bétail, qu'ils ne paissent pas devant cette montagne. .. Le Seigneur descendit dans la nuée, se tint là avec lui, et Moïse proclama le nom de " Seigneur (Ex 34)

Moïse tailla de nouveau deux tables de pierre. Il se leva de bon matin, et il gravit la

montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il emportait les deux tables de pierre. Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. Il proclama lui-même son nom ; il passa devant Moïse et proclama : « LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de fidélité, (Ex 34)

St Luc nous fait revivre, lors de la Transfiguration, une nouvelle théophanie où nous retrouvons les mêmes éléments qu'au Sinaï environ 1300 ans avant Jésus : la montage, la nuée, la Parole du Père, la transformation – illumination du visage . Mais tandis que Moïse gravit seul la montagne pour s'entretenir avec Dieu, Jésus prend trois témoins pour L'accompagner dans le but de fortifier leur foi pour l'heure des ténèbres que nous évoquions dimanche dernier. D'ailleurs , Jésus n'est Il pas souvent appelé et reconnu, comme le nouveau Moïse ?

Gravir la montagne pour nous, ce peut être nous mettre à l'écart, nous retirer dans notre chambre ou dans un monastère pendant quelques jours, pour nous plonger dans le silence de la prière et écouter Dieu parler à notre cœur !Si notre visage ne rayonne pas comme celui de Moïse, ou celui de Jésus, notre cœur revient apaisé, renouvelé , habité et notre famille, nos amis n'hésitent pas, parfois, à en faire la remarque. Il est évidemment difficile , sinon impossible pour des parents de s'éloigner du foyer, mais ils peuvent choisir un moment bien précis pour se retirer et se recueillir, écouter Dieu parler à leur cœur, Le Seigneur pourvoit à nos incapacités. L'essentiel est de donner le peu dont nous disposons, le Seigneur est assez puissant en amour pour compléter. Ne disons-nous pas souvent : c'est l'intention qui compte ?

Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Il est bien difficile de trouver les mots qui conviennent pour appréhender ce qui se passe à ce moment-là. Simplement, à partir d'expériences humaines nous pressentons, l'insondable profondeur de la prière de Jésus . Des saints ont fait cette expérience d'une prière transformante, où ils sont là sans y être, saisis qu'ils sont par la Présence de Dieu. Peut-être connaissez-vous ces versets de la seconde Lettre de Paul aux Corinthiens, où il partage une expérience mystique de la « saisie » de Dieu, il est à ce point rempli de Dieu qu'il ne sait pas l'exprimer de façon précise, tout simplement parce que c'est indicible :

«  Je connais un homme dans le Christ qui, il y a quatorze ans, fut ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps, je ne sais; si ce fut hors de son corps, je ne sais: Dieu le sait). Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps, je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu'il a entendu des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme de révéler. C'est pour cet homme-là que je me glorifierai; mais pour ce qui est de ma personne, je ne me ferai gloire que de mes faiblesses. » (2Cor 12)

Dés lors que dire de Jésus transfiguré dans et par la prière ? Les trois apôtres ont vu cette illumination de son Être, appelée transfiguration. Il ne s'agit pas d'une métamorphose, où un être est changé en un autre, mais d'un dépassement qui donne à un visage un éclat inhabituel , un caractère éclatant et magnifique, qui exprime la transcendance, c'est-à-dire qui est au-delà du perceptible ordinaire ? Dieu en Jésus rencontre Dieu le Père, ce n'est plus l'homme Jésus, c'est le Fils Bien aimé , donné à voir, comme il sera dit un peu plus tard. Rien ne les préparait à cette révélation, à ce dévoilement inattendu du mystère de Jésus Fils de Dieu C'est pourtant ce qui se passe ici ! Les trois apôtres expérimentent quelque chose de la divinité de Jésus qui se laisse voir dans cette lumière éclatante. De plus, dans cette lumière, les apôtres voient , de leurs yeux de chair, que deux hommes s’entretenaient avec lui   :c’étaient Moïse et Élie,    apparus dans la gloire.Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Moïse et Élie, la Loi et les Prophètes, s'entretiennent avec Jésus venu accomplir tout ce qu'ils ont dit et fait Au Nom du Père, au cours de leur existence terrestre. Eux aussi sont dans la Gloire, dans la Lumière de Dieu et ils évoquent ensemble l'instant unique de la Résurrection où Jésus, rayonnant de lumière, entrera dans la Gloire du Père.Gloire à laquelle nous participons déjà par notre baptême même s'il faudra encore un peu de temps pour que cela soit manifeste nous dit St Paul : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, où le Christ demeure assis à la droite de Dieu; affectionnez-vous aux choses d'en haut, et non à celles de la terre:car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous apparaîtrez, vous aussi, avec lui dans la gloire. (Co 3)

Les apôtres, malgré une fatigue évidente entendent cette conversation, même s'ils ne

comprennent pas , à cette heure, le sens profond des mots, ils sont littéralement éblouis, renversés par cette conversation « au sommet », ils éprouvent un tel bien-être qu'ils en oublient ce qui se passe au bas de la montagne et ce pour quoi ils ont été appelés ; « Ne crains point; « désormais ce sont des hommes que tu prendras. " Ils ramenèrent les barques à terre et, laissant tout, ils le suivirent. (Lc 5) ils resteraient bien là, pour toujours, et font une proposition des plus humaine :

Pierre dit à Jésus :« Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes :une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »Il ne savait pas ce qu’il disait. 

Pierre, bouleversé par l'expérience spirituelle qu'il est en train de vivre, ne voudrait plus quitter ce lieu béni et encore moins cette atmosphère d'où émane une telle qualité de Présence, de douceur et de paix. Pierre n'a pas encore compris, comme David autrefois, que Dieu n'a pas besoin de lui pour lui construire une demeure.

« Va dire à mon serviteur, à David: Ainsi parle le Seigneur: Est-ce toi qui me bâtirais une maison pour que j'y habite?... Et le Seigneur t'annonce qu'il te fera une maison. (2S 7)

Sa demeure, c'est la vie éternelle qui s'exprime, se donne à voir dans cette nuée qui , alors que Pierre parle encore, les enveloppe au point de les effrayer. Car s'ils ne voient rien d'autre que la lumière éblouissante, ils entendent par contre la voix du Père , et si

le Père, qu'on ne peut voir parce qu'Il est Esprit, affirme que Jésus est Son Fils , Celui-ci participe à l’Être de Dieu et, est Lui-même Dieu.Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.    Et, de la nuée, une voix se fit entendre :« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi :écoutez-le ! » Qu'ils soient effrayés, qui ne le comprendrait ? Les apôtres découvrent qu'ils sont en relation étroite avec Dieu-Lui-même, qu'ils font route avec Dieu, qu'ils partagent Ses joies et Ses difficultés dans ce monde de pêcheurs … Dieu est avec eux comme autrefois avec Jacob et ils ne le savaient pas vraiment « Certainement Dieu est en ce lieu, , et moi je ne le savais pas! " Saisi de crainte, il ajouta: " Que ce lieu est redoutable! C'est bien ici la maison de Dieu, c'est ici la porte du ciel. (Gen 28)

Les trois apôtres prennent conscience qu'ils marchent en Présence de Dieu à tout instant, jour et nuit, ils ont accès si j'ose dire , au ciel, en la personne de Jésus ; et après eux , par eux, depuis que Jésus est descendu chez les hommes nous bénéficions de cette même grâce, nous partageons ce même bonheur de « marcher en Sa Présence » En sommes-nous conscients ! Dieu avec nous ! Dieu en nous ! Ce sont aussi les Paroles de Dieu à Moïse.. Ici, qui dit ange, dit Présence de Dieu Lui-même :

« Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t'ai préparé. Respecte sa présence, écoute sa voix. Ne lui résiste pas : il ne te pardonnerait pas ta révolte, car mon Nom est en lui. Mais si tu lui obéis parfaitement, si tu fais tout ce que je dirai, je serai l'ennemi de tes ennemis, je poursuivrai tes persécuteurs. (Ex 23)

Le Dieu en présence de qui ont marché mes pères Abraham et Isaac, le Dieu qui fut mon berger depuis que j'existe jusqu'à ce jour, (Gn 48)

Celui que j'ai choisi dit le Père. Le Choisi, c'est l'élu :Voici mon serviteur, que je soutiens, mon élu, en qui mon âme se complaît; (Is 42) Cet élu dont parle Isaïe, nous entendrons ce passage au cours de la Passion, Il est là, Le Père Le désigne en Jésus, les prophètes n'en étaient que l'annonce, une préfiguration. Les apôtres et chacun de nous devons L'écouter , c'est un impératif ! Écoutez-le ! Marie n'a-t-elle pas dit Elle-même, à Cana : « faites tout ce qu'Il vous dira » . Ce que j'écoute je dois le mettre en application ! Que fais-je de la Parole de Dieu que j'écoute régulièrement, ai-je ce souci d'en vivre ?

Il est impressionnant de constater que la Transfiguration est comme la levée d'un voile , un dévoilement de l'identité profonde de Jésus.

Pierre dit à Jésus ... Pierre n’avait pas fini de parler...pendant que la voix se faisait entendre, . C'est peu à peu que se lève le voile , et quand il est complètement remonté, les yeux s'ouvrent il n’y avait plus que Jésus, seul. Le Jésus, de tous les instants, le Jésus du quotidien, Celui qui nous accompagne sur la route par Sa Parole, et avec les sacrements confiés à Son Église.

Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu. Non seulement les disciples de Jésus, ont gardé le silence mais ils se sont remis en marche avec Jésus le Fils bien Aimé du Père, le cœur rempli d'émerveillement, même s'ils n'ont pas tout compris, à la demande de Jésus comme le précise St Matthieu dans ce même récit :: " Levez-vous, ne craignez point. ", ils ont repris leur marche pour annoncer la Bonne Nouvelle de l'Amour infini de Dieu , ce pour quoi Jésus est venu : « Je suis venu mettre le feu sur la terre, et qu'est-ce que je désire, si déjà il est allumé? (Lc 12)

Dès lors : Hop ! Il y a du travail sur la planche, le repos, la tente , ce n'est pas encore le moment, l'heure est à l'évangélisation des frères qui sont restés en bas et nous attendent . Si notre citoyenneté est dans les cieux comme le dit St Paul dans la deuxième lecture, nous devons semer la Bonne Nouvelle partout où nous passons ! :

nous avons notre citoyenneté dans les cieux,
d’où nous attendons comme sauveur
le Seigneur Jésus Christ,
    lui qui transformera nos pauvres corps
à l’image de son corps glorieux,
avec la puissance active qui le rend même capable
de tout mettre sous son pouvoir.

    Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection,
vous, ma joie et ma couronne,
tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

Si nous demeurons dans l’amour, nous sommes déjà transfigurés. La transfiguration est notre fidélité à l’amour infini de Dieu dans le quotidien, au jour le jour. C’est la victoire de l’amour que nous portons en Jésus dans et par nos vies habitées. Immergés dans le Christ, dans son amour infini, nous sommes déjà vainqueurs mais nous ne pouvons pas nous reposer pour le moment car : « la Moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux ».


« Dans le désert, je cherche ta Face » :

« Dans le désert, je cherche ta Face.
Dans le désert, ton Pain me nourrit.
Je ne crains pas d’avancer sur ta Trace.
C’est pour ma soif que ton Eau vive jaillit !

R/ : Promis à Toi dans la justice,
Promis à Toi dans l’amour,
Dans la fidélité,
Comme je suis connu, je connaîtrai !

Dans le désert, j’entends ta Parole,
Dans le désert, loin de la rumeur,
Le souvenir de ta Loi me console.
Ô Dieu caché, Tu veux parler à mon cœur !

Dans le désert, j’aspire ton Souffle,
Dans le désert, habite l’Esprit.
Il est la force, au matin, qui me pousse.
Il est le feu qui me précède la nuit !
Ainsi soit-il. »
Jacqueline Frédéric Frié (1922-2009)


L'Ermite

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