SIXIEME DIMANCHE DE PÂQUES
Année B
(Jn 15, 9-17)
En ce sixième dimanche de Pâques nous poursuivons la méditation du chapitre 15 de l’Évangile de Saint Jean . Dimanche dernier, Jésus nous déclarait que la Gloire de Son Père est de nous voir porter beaucoup de fruit et que pour cela, il n'y a pas d'autre possibilité pour les « sarments que nous sommes », que de demeurer reliés au « CEP JESUS » dont la sève, « Parole de vie et sacrements », nous alimente ..
En ce dimanche, en huit versets seulement , Jésus conjugue pas moins de dix fois le verbe aimer. En avançant, nous comprendrons qu'il ne s'agit pas d'un amour à l'eau de rose, fade, insipide...mais d'un amour fort, pur, total. Avant d'entrer dans les Paroles de Jésus essayons de définir, certes partiellement , ce que signifie aimer !
Ce terme employé diversement dans notre langue française , est devenu un passe-
Quand une personne dit à une autre « je t'aime » il est prudent et sage d'apprendre à comprendre le contenu de cette expression. Qu'est-ce qui est aimé dans l'autre ? Ce que j'en attends ou ce que je vois comme potentiel et que je souhaite voir se développer pour l'aider et lui permettre de produire son suc , ce qu'elle, il, a de meilleur ?
Saint Augustin a osé cette assertion puissante : « la mesure de l'amour, c'est d'aimer sans mesure » Qui connaît cet amour-là ? Qui peut aimer dans la démesure, sinon Celui qui EST AMOUR ? En effet, AMOUR est le seul vrai nom de Dieu ! Qui d'autre que le PARFAIT peut effectivement s'approcher de Ses créatures sans craindre d'être « sali » ?
Aimer c'est s'engager envers l'autre , or qui plus et mieux que notre Père s'est engagé et s'engage chaque instant, à l'égard de Ses créatures ? « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire » dit Jésus au verset 5
La meilleure démonstration d'amour, si j'ose parler ainsi, n'est-elle pas celle du Père pour le Fils, du Fils pour le Père d'où émane une troisième personne qui est pur Amour ! Le FRUIT de l'Amour du Père pour le Fils, et du Fils pour le Père, ce FRUIT c'est l'AMOUR qui a pour nom l'Esprit Saint ! Quand Jésus dit dans l’Évangile de ce jour :
« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Dès l'ouverture Jésus ne lésine pas , Il va droit au but , nous comprenons de quel amour Jésus nous parle .
D'une part nous sortons de la fête de Pâques , nous savons où l'amour L'a conduit et d'autre part, nous sommes dans le chapitre de la vigne où nous avons compris que pour produire un fruit qui demeure, tel que l'amour, nous devons rester « branchés », reliés, pour ne pas nous dessécher !
Arrêtons nous cependant sur cet amour du Père pour Jésus : quelle en est la manifestation ? Sinon une confiance absolue. Le Père, en permettant que Jésus vienne chez les hommes sous l'apparence d'un homme ordinaire, Lui a donné une responsabilité sans mesure, à la mesure de Son Amour pouvons-nous dire, et le Fils a répondu de la même manière ! Jésus nous montre en le faisant Lui-même que le moyen de rester dans l'amour, c'est de rester relié : « Je ne fais rien que je ne voie faire au Père » Le Père aime le Fils en Lui accordant la LIBERTE de se donner totalement à l'humanité au point de l'épouser, de disparaître comme Dieu, et d'apparaître comme un homme ordinaire, l'un d'entre nous à ceci près qu'Il n'a pas connu le péché. Le Fils aime le Père en Se recevant à chaque instant en ne disant et accomplissant que la volonté du Père. Quant au Fils, Il nous a aimés, et nous aime, en renonçant à ses prérogatives de Dieu pour s'habiller de notre nature et Se laisser librement condamner à mourir sur l'infâme gibet de la croix pour que l'homme soit élevé à la dignité de fils adoptif du Père. Voilà jusqu'où va l'AMOUR. «Bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. » (Ph 2) .
Et Jésus qui s'est tout entier livré, donné, Se détourne de Lui-même pour nous
demander instamment pour notre seul bien , pas le sien, Il ne pense pas à Lui mais à chacun de nous, Il nous demande impérativement de Demeurez dans mon amour ! Non pas pour en tirer un quelconque bénéfice personnel mais pour notre seul bonheur car Il sait, Lui, que le bonheur absolu est en Dieu , Dieu qui est Amour ! Nous conjurant de DEMEURER, Il nous indique aussitôt comment procéder :Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
Et que signifie garder les commandements ? Quand on AIME VRAIMENT il n'est pas nécessaire de rabâcher les dix commandements, de les éplucher pour voir et savoir si nous n'avons rien oublié , un seul les rassemble et résume toute la doctrine : le commandement de l'Amour. N'est-ce pas ce qu'exprime Saint Augustin dans ce conseil lapidaire : AIME et FAIS CE QUE TU VOUDRAS ! Si tu aimes tu ne peux vouloir, tu ne peux accomplir que ce qui est bon, beau et bien ! Jésus l'exprime ainsi :
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Être et vivre dans l'AMOUR est source de joie et de joie parfaite ! Me vient à l'esprit cette question de Saint François d'Assise à frère Léon
Comment Saint François, cheminant avec frère Léon, lui exposa ce qu'est la joie parfaite.
Comme
saint François allait une fois de Pérouse à Sainte Marie des Anges
avec frère Léon, au temps d'hiver, et que le froid très vif le
faisait beaucoup souffrir, il appela frère Léon qui marchait un peu
en avant, et parla ainsi : « O frère Léon, alors même que les
frères Mineurs donneraient en tout pays un grand exemple de sainteté
et de bonne édification, néanmoins écris et note avec soin que là
n'est pas point la joie parfaite. »
Et saint François allant plus loin l'appela une seconde fois : « O frère Léon, quand même le frère Mineur ferait voir les aveugles, redresserait les contrefaits, chasserait les démons, rendrait l'ouïe aux sourds, la marche aux boiteux, la parole aux muets et, ce qui est un plus grand miracle, ressusciterait des morts de quatre jours, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. »
Marchant encore un peu, saint François s'écria d'une voix forte : « O frère Léon, si le frère Mineur savait toutes les langues et toutes les sciences et toutes les Écritures, en sorte qu'il saurait prophétiser et révéler non seulement les choses futures, mais même les secrets des consciences et des âmes, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. »
Allant un peu plus loin, saint François appela encore d'une voix forte : « O frère Léon, petite brebis de Dieu, quand même le frère parlerait la langue des Anges et saurait le cours des astres et les vertus des herbes, et que lui seraient révélés tous les trésors de la terre, et qu'il connaîtrait les vertus des oiseaux et des poissons, de tous les animaux et des hommes, des arbres et des pierres, des racines et des eaux, écris qu'en cela n'est point la joie parfaite. »
Et faisant encore un peu de chemin, saint François appela d'une voix forte : « O frère Léon, quand même le frère Mineur saurait si bien prêcher qu'il convertirait tous les fidèles à la foi du Christ, écris que là n'est point la joie parfaite. »
Et comme de tels propos avaient bien duré pendant deux milles, frère Léon, fort étonné, l'interrogea et dit : « Père, je te prie, de la part de Dieu, de me dire où est la joie parfaite. » et saint François lui répondit : « Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de
Et si nous persistons à frapper, et qu'il sorte en colère, et qu'il nous chasse comme des vauriens importuns, avec force vilenies et soufflets en disant : « Allez-vous-en d'ici misérables petits voleurs, allez à l'hôpital, car ici vous ne mangerez ni ne logerez », si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite.
Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frappons encore et appelons et le supplions pour l'amour de Dieu, avec de grands gémissements, de nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et qu'il dise, plus irrité encore : « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils le méritent », et s'il sort avec un bâton noueux, et qu'il nous saisisse par le capuchon, et nous jette par terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tous les nœuds de ce bâton, si tout cela nous le supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu'en cela est la joie parfaite.
Ainsi osent parler et vivre les saints ! Non seulement parler mais vivre !
La joie, ce fruit de l'Esprit,(Gal.5) s'épanouit dans un cœur en paix, serein, un cœur doux et humble.
Jésus continue , mais cette fois , il ne s'agit ni d'une suggestion, ni d'un conseil avec cette liberté de dire oui ou non, il s'agit d'un ordre, d'un commandement dit Jésus . Si nous voulons faire partie de Ses amis nous n'AVONS PAS LE CHOIX, nous DEVONS NOUS AIMER, non pas comme on apprécie un aliment, un film, une fleur etc mais COMME LUI, JESUS NOUS A AIMES et NOUS AIME. Et comment Jésus nous a t-il aimés ? En se faisant petit, en s'anéantissant , en se livrant Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. C'est en nous donnant vraiment , en nous livrant que nous serons admis au rang d'amis !
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Avons-nous réfléchi parfois à cette assertion de Jésus ? Nous sommes-nous arrêtés pour entendre Jésus nous dire cela ? Jésus, le Fils Bien Aimé du Père éternel fait de nous, de chacun de nous UN AMI ! La relation d'amitié suppose une relation de confiance réciproque, de loyauté, d'engagement : chacun peut compter sur l'autre. Donc je peux compter sur Jésus et Jésus doit pouvoir compter sur moi ! Cela veut-il dire que Jésus fait de chacun Son égal ? Oui, Il le précise d'ailleurs :
Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.
En venant chez les hommes, Jésus se livre tout entier, Il ne cache rien de Sa vie au sein de la Trinité , de Sa relation au Père et à l'Esprit , Il en parle ouvertement et nous précise que pour participer à cette vie trinitaire Il est le chemin. En L'écoutant, en Le
Et c'est LUI JESUS qui a l'initiative de cette amitié, c'est LUI QUI NOUS A CHOISIS !
Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »
Et nous bouderions cet amour incomparable ? Hélas, chaque fois que nous nous choisissons, chaque fois que nous tournons le dos à Jésus en acceptant le mal en nous, autour de nous, quand nous ne le provoquons pas ce mal ! Chaque fois, nous refusons l'Amour que nous offre le Bien Aimé du Père ! Chaque fois nous rejetons le choix d'un Dieu qui s'est fait homme !
Sœurs, frères, en ce temps pascal essayons d'entendre comme pour la première fois, ce commandement de NOTRE AMI :Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. » Acceptons de prendre un peu de temps, de nous recueillir pour accueillir ce message . Nos frères de religion Juive orthodoxe portaient ( je ne sais si c'est encore le cas) au bras gauche et sur la tête pendant la prière du matin. un phylactère petite boîte carrée renfermant les bandes de parchemin sur lesquelles sont inscrits des versets de la Bible . A nous de trouver un moyen personnel pour inscrire, graver dans notre cœur ce COMMANDEMENT DE L'AMOUR pour qu'il devienne chair de notre chair . Prions Jésus, qui nous a choisis, de nous en imprégner afin que notre vie tout entière exprime, transpire l'AMOUR.
En conclusion, voici quelques extraits du livre de Paul Baudiquey ,à propos du thème de l'amour
« il n'est pas de plus grand amour
que de donner sa vie … »
Donner sa vie, un bien grand mot
pour l'étroitesse de nos vies …
Et pourtant : ce peut être aussi tisser une trame
très humble et très banale
au plus près d'un quotidien
sans miracle et sans mirage
Accepter de mourir à des idées, à des principes
qui avaient pris corps et visage d'Absolu.
Accepter que d'autres
-et parmi les plus proches -
pensent, éprouvent et vivent autrement que nous,
sans les juger, ni les condamner.
Ni se détourner d'eux.
Accepter la lutte et cet affrontement loyal
de l'intelligence et du cœur
dont chacun sort grandi, même s'il en sort blessé.
Abandonner l'idée idéale qu'on se faisait
de l'ami ou du partenaire les plus proches
et qui pesait sur eux comme insupportable contrainte.
Se méfier de l'affection trop laissée à elle-même,
prompte aux illusions bénisseuses, aux chantages,
aux marchandages.
Laisser à l'autre un espace de croissance
et de respiration.
Faire justice de l'impossible transparence :
renoncer à se « fondre »,
car personne n'est soluble dans personne.
Consentir au temps,
seule vraie mesure de toute croissance :
Ouvre-t-on un bouton de rose
en tirant sur les pétales ?
Que vaudrait un amour
auquel on serait contraint ?
Et que vaut une conduite,
quand le cœur n'y est pas ?
….....
Donner sa vie, c'est être libre,
refuser de vivre peureusement :
n'avoir plus « peur du tout » ;
n'avoir plus peur du temps qui use et qui efface,
du temps fragile – lourd de promesse-
comme toute chair vivante ;
n'avoir plus peur
du visage changeant des hommes.
Donner sa vie, c'est ESPERER, envers et contre tout,
envers et contre tous,
envers et contre soi-même aussi...
Donner à chacun sa chance sans naïveté,
mais aussi sans méfiance.
Donner sa vie, c'est se laisse habiter, envahir
par autant de visages que sont des frères à aimer.
Donner sa vie , c'est laisser la vie passer ATRAVERS NOUS,
dans un élan qui nous dépasse
parce qu'elle vient d'une source
qui est très en amont de nous-mêmes
et qu'elle se perd dans un océan
beaucoup plus vaste que nos cœurs.
Oui, c'est bien là
que sont les vrais commencements
et de nous et de tout . »
L'Ermite
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