3è
DIMANCHE DE CARÊME
ANNEE A
(Jn 4, 5-15.19b-26.39a.40-42)
Jésus
arriva à une ville de Samarie, appelée Sykar,près du terrain que
Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se
trouvait le puits de Jacob.Jésus, fatigué par la route, s’était
donc assis près de la source.C’était la sixième heure, environ
midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait
puiser de l’eau.Jésus lui dit :« Donne-moi à
boire. » – En effet, ses disciples
étaient partis à la ville pour acheter des provisions.
Dans
la première lecture nous sommes en présence du Peuple de Dieu
confronté à la soif dans le désert du Sinaï en marche pour la
terre promise. Il me semble que ce Peuple s'abandonne un peu
facilement au chargé de mission: « Moïse » ;il
attend tout de lui , non seulement la libération et donc la liberté,
mais aussi « la table et le couvert » et il devient
accusateur, violent même dans ses propos au point que l'épreuve
dépassée, Moïse baptisera le lieu de la révolte « épreuve »
( Massa ) et Querelle ( Mériba )
Ne
serions pas de « dignes » descendants de ce Peuple ,
n'attendons-nous pas trop facilement d'être pris en charge par la
société, par nos responsables hiérarchiques, par les Politiques,
l’Église, quand ce n'est pas par Dieu que nous rendons responsable
trop souvent de tous nos maux ? Un proverbe du XVII ou XVIII è
siècle nous donne la clef : « aide toi et le ciel
t'aidera » ! Le ciel t'aidera , en effet, si tu as fait
tout ce qui est en ton pouvoir pour trouver une issue à ta
difficulté ( intellectuellement, physiquement, psychologiquement ) .
Le ciel c'est à dire : Dieu, a mis en nos vies tous les moyens
qui nous permettent d'être et de rester debout, Lui prend le relais
lorsque, ayant tout envisagé, nous sommes devant un mur . Si
nous frappons à Sa porte alors, Il ouvre, comme Il a permis à Moïse
de se sortir de ce mauvais pas où il était pris à partie !
Dans
la péricope de l’Évangile de ce jour, certes on peut aisément
croire que Jésus a soif sous le soleil brûlant de la sixième heure
(midi) et au cours d'une longue marche ! Mais Jésus voit bien
plus loin que Sa propre soif physique : Ses apôtres ne sont-ils
pas partis pour s'approvisionner? Il se repose un peu mais voilà
qu'une occasion Lui est offerte pour entrer en dialogue avec une
femme, une Samaritaine ( nous savons maintenant, pour en avoir
souvent parlé dans le contexte de ce blog, que les Juifs et les
Samaritains n'avaient pas d'excellentes relations ) qui vient puiser
de l'eau pour son propre compte. Comme chacun sait, le bon moyen pour
ouvrir une relation c'est de demander un service, Jésus saisit
l'occasion qui lui est offerte et demande à boire à cette femme qui
mord à l'hameçon bien plus facilement qu'un poisson. Jésus réussit
sans la moindre difficulté à la faire réagir :
La
Samaritaine lui dit :« Comment ! Toi, un Juif, tu me
demandes à boire,à moi, une Samaritaine ? »– En
effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus
n'en attendait pas moins ! En réalité, Sa soif Lui importe peu
, c'est le ver de l'hameçon ! que la Samaritaine happe
immédiatement ! Elle s'exprime ! C'est ce qu'attendait
Jésus pour aller plus loin dans la rencontre . Jésus rebondit
aussitôt :
Jésus
lui répondit :« Si tu savais le don de Dieu et qui est
celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’,c’est toi qui lui
aurais demandé,et il t’aurait donné de l’eau vive. » Jésus
aiguise sa curiosité , Il tient à Lui permettre de poser des
questions pour l'entraîner plus loin ! Jésus parle du
« don » de
Dieu,( langage absent du vocabulaire de la Samaritaine) ,
c'est-à-dire, de Lui-même, alors qu'Il est un inconnu pour cette
femme, et d'une « eau
vive »
qui ne peut que surprendre la Samaritaine enfermée dans le
matériel !
Elle
lui dit :« Seigneur, tu
n’as rien pour puiser,et
le puits est profond.D’où as-tu donc cette eau vive ?
Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce
puits,et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » A
ce stade la samaritaine reste terre à terre tu
n’as rien pour puiser,et le puits est profond. Cette
femme est réaliste et ne manque pas de faire remarquer à Jésus
dans quel dénuement Il se trouve . Jésus ne semble pas avoir de
réserve d'eau et Il parle d'eau vive c'est un comble ! Elle ose
même Le mettre au pied du mur en Lui faisant remarquer que ce puits
est un bien reçu en cadeau de leur ancêtre Jacob qui l'utilisait
pour lui, sa famille, ses bêtes. Comment Jésus, ce Juif démuni et
de passage, peut-Il prétendre dépasser en puissance Jacob qui avait
un patrimoine ? Elle n'est pas au bout de ses surprises !
Jésus,
en effet, nous surprend toujours sur le chemin de la vie ! Nous
croyons parfois tout savoir de Lui, tout comprendre, or l’Évangile
est toujours nouveau et restera une Bonne Nouvelle jusqu'à la fin
des temps. Nous n'aurons jamais fini de l'approfondir, de le
découvrir, Il est vraiment cette eau vive dont parle Jésus qui au
lieu d'étancher notre soif la décuple et nous donne envie de
creuser toujours davantage pour que jaillisse le source qui ne tarit
pas, ne s'épuise pas, comme Bernadette à Lourdes nous allons
toujours plus profond et restons des assoiffés et des affamés et il
en sera ainsi jusqu'à notre dernier souffle.
Jésus
suit son idée et revient à l'essentiel, Il ne discutaille pas ,
l'important c'est cette eau vive et Il ramène cette femme à cet
essentiel qu'Il désire Lui faire découvrir !

La
Samaritaine est loin d'être insensible aux propos de Jésus, cette
information l'intéresse au plus haut point. Chaque jour, et parfois
plusieurs fois par jour, elle doit se déplacer et porter sur sa tête
la réserve d'eau familiale aussi une eau jaillissante serait la
bienvenue, c'est ce qu'elle retient pour le moment et prie Jésus de
la libérer de cette corvée :
La
femme lui dit :« Seigneur, donne-moi de cette eau,que je
n’aie plus soif,et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.
Tout
bascule ici : Jésus ouvre une brèche qui peut déstabiliser
mais aussi permettre à cette femme d'ouvrir son cœur, de se laisser
rejoindre par l'Amour véritable du Dieu qui nous libère, loin des
amourettes feu de paille, qui font de la personne une esclave !
Jésus pointe Son doigt sur la vie désordonnée de cette personne
pour lui faire retrouver, si elle accepte, sa pureté originelle :
Jésus
lui dit :« Va, appelle ton mari, et reviens. » Jésus
ose entrer dans Sa vie privée parce qu'Il la sait prisonnière
de ses passions et n'a qu'un souci, celui du Royaume qu'Il veut
ouvrir à cette femme, c'est tout le sens de Sa soif lors de la
rencontre, Jésus a soif des âmes . La Samaritaine ne se braque pas,
ne se révolte pas, elle n'avoue pas non plus sa vie désordonnée
elle souligne un aspect de sa situation, elle ne ment pas, elle ne
dit pas non plus la vérité. A ce stade elle pense s'en sortir avec
une pirouette et un constat superficiel : « Je
n’ai pas de mari. » Jésus
garde la maîtrise de la situation, garde son calme, mais poursuit
son œuvre de libération en lui permettant d'avancer elle-même sur
ce chemin de retournement, de conversion, de vérité, d'accueil de
l'eau vive.Pour accueillir l'eau vive désirée il convient qu'elle
libère son cœur de ses esclavages . N'est-ce pas un des aspects du
Carême ? Ce temps de ressaisissement que nous offre l’Église
n'est-il pas offert pour nous permettre de faire le point dans notre
vie spirituelle en nous laissant interrogés par l’Évangile pour
nous permettre ce renouvellement intérieur qui nous conduira à la
joie de Pâques ?
Jésus
rebondit, Il ne devance pas la réaction de son interlocutrice, il
lui permet d'aller au bout de ce qui est difficile à reconnaître :
Jésus
reprit :« Tu as raison de dire que tu n’as pas de
mari : des maris, tu en a eu cinq,et celui que tu as
maintenant n’est pas ton mari ;là, tu dis vrai. » Et
que fait la femme devant cette révélation inattendue ?
Que
ferons-nous quand il nous sera proposé de boire l'eau vive du
sacrement de la Réconciliation ? Certains, désabusés,
risquent de s'appuyer sur les fragilités de l’Église en disant
les prêtres ne sont pas meilleurs que nous ! Que signifie
d'aller confier mes limites à quelqu'un qui est peut-être pire que
moi ? D'abord c'est dans le cœur de Jésus que je me libère,
le prêtre est témoin et canal de l'eau vive, Il n'est que serviteur
de l'eau Vive de la Grâce et c'est énorme mais il n'est pas Jésus !
Au sacrement du Pardon, c'est à Jésus que je m'adresse, et c'est au
Nom de Jésus que le Prêtre, lui-même pêcheur pardonné, fait
couler sur moi, l'eau de la grâce, cette source jaillissante !
Croyants
en Jésus ressuscité tout ce que nous soulevons pour justifier
notre éloignement de ce sacrement n'est que prétexte . Demandons la
grâce de l'humilité pour chacun de nous afin de ne pas négliger
cette opportunité qui nous est offerte pour « devenir
saints comme l'est notre Père des cieux » !
Voici
ce que disait Saint François d'Assise à ce propos !( je n'ai
pas retrouvé la référence pour le sacrement du pardon mais ce qui
suit est dans le même esprit ) Si
j’avais autant de sagesse que Salomon, et s’il m’arrivait de
rencontrer de pauvres petits prêtres vivant dans le péché, je ne
veux pas prêcher dans leurs paroisses s’ils m’en refusent
l’autorisation. ... Je ne veux pas considérer en eux le péché ;
car
c’est le Fils de Dieu que je discerne en eux,
et ils sont réellement mes seigneurs. Si
je fais cela, c’est parce que, du très haut Fils de Dieu, je ne
vois rien de sensible en ce monde, si ce n’est son Corps et son
Sang très saints, que les prêtres reçoivent et dont ils sont les
seuls ministres.
Cette
femme découvre en cet instant que Celui qui lui parle et lui demande
à boire n'est pas un simple marcheur
Je
vois que tu es un prophète !... Eh bien !
Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là,et vous, les Juifs,
vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Les
différences de « doctrine » l'intriguent , le fond de sa
remarque est une question : « qui dit la vérité,
quel est le meilleur lieu pour adorer » et, sous-entendu, pour
plaire à Dieu ?
Jésus
lui dit :« Femme, crois-moi :l’heure vient où vous
n’irez plus ni sur cette
montagne ni à Jérusalem pour adorer le
Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez
pas ;nous, nous adorons ce que nous connaissons,car le salut
vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est
maintenant –où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit
et vérité :tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Dieu est esprit,et ceux qui l’adorent,c’est en esprit et
vérité qu’ils doivent l’adorer. »
Jésus avance
« au rythme » de la Samaritaine , Il ne la devance
jamais, Il saisit chaque occasion pour l'entraîner plus loin . Jésus
lui permet d'élargir son esprit , sa manière de rencontrer Dieu
lequel ne se limite pas à un lieu, un espace, ( même s'il est bon
d'avoir des lieux de recueillement) une nation... Dieu est Esprit je
peux l'adorer partout. Si, un jour je suis bloqué au fin fond du
monde, je peux, en descendant en moi-même y retrouver le Dieu qui me
fait vivre et L'adorer, car adorer c'est reconnaître que Dieu est
Dieu, c'est essayer, jour après jour de vivre en communion avec Lui,
c'est reconnaître Sa Seigneurie sur ma vie, sur le monde ,c'est
croire vraiment « que
sans Lui, je ne peux rien faire » ,
sans Lui je ne suis pas .
Tout
en douceur, cette femme s'ouvre à une autre perspective , elle sait
que le monde attend le Messie, qui sera l'oint de Dieu ,attendu
depuis des millénaires , au fond d'elle-même elle L'espère comme
tout un chacun, elle L'attend parce qu'Il fera bouger « les
lignes »et fera connaître toutes choses, toutefois elle est
encore loin de penser que celui qui lui parle est Celui-là et
n'hésite pas à dire :
« Je
sais qu’il vient, le Messie,celui qu’on appelle Christ.Quand il
viendra,c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. »
Quelle
déflagration la réponse de Jésus a-t-elle provoqué en elle !
Quel bouleversement !
Jésus
lui dit :« Je le suis,moi qui te parle. »
Il
n'est plus question d'eau, de cruche , d'appartenance, voit elle
seulement arriver les disciples ?
À
ce moment-là, ses disciples arrivèrent ;ils étaient surpris
de le voir parler avec une femme.Pourtant, aucun ne lui dit :
« Que cherches-tu ? »ou bien : « Pourquoi
parles-tu avec elle ? »
Plus
rien ne la retient , elle ne voit plus rien, plus rien ne compte
, la voilà devenue missionnaire, elle a besoin de partager sa
découverte et pour l'étayer elle rapporte sa conversation du moins
ce qui la concerne personnellement. Ce qui pourrait la desservir
auprès des villageois, elle en fait un témoignage car qui d'autre
que le Christ peut lui parler ainsi :
La
femme, laissant là sa cruche,revint à la ville et dit aux gens :
« Venez
voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait.Ne serait-il pas
le Christ ? »...Beaucoup
de Samaritains de cette ville crurent en Jésus.
Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui,ils l’invitèrent à
demeurer chez eux.Il y demeura deux jours. Ils
furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole
à lui, et ils disaient à la femme :« Ce
n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous
croyons :nous-mêmes, nous l’avons entendu,et nous savons que
c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Et
l'inattendu se produit ! A l'écoute de Jésus Lui-même,
nombreux sont ceux (Samaritains) qui non seulement accueillent Son
message mais adhérent au point de devenir croyants et de Le
RECONNAITRE comme SAUVEUR DU MONDE Ils précisent qu'au-delà du
témoignage de la femme ils sont séduits par Jésus Lui-même !
Quelle merveille , et cela à tous les points de vue : le
témoin en effet n'est pas là pour retenir la Lumière mais pour la
diffuser ! Le témoin exprime son expérience, non pour attirer
à soi, mais pour conduire à Jésus ! L'essentiel réside dans
cette rencontre unique avec le Seigneur de nos vies , n'est-Il pas
« le
chemin, la vérité et la vie » ?
Tout témoin est un passeur, il n'est pas le but ! Le but, c'est
de permettre à nos frères d'expérimenter qui est Jésus et de voir
des personnes se mettre en route, ajuster leurs pas à ceux de Jésus
pour être portés, conduits par Lui , aimés.
Entre-temps,
les disciples l’appelaient :« Rabbi, viens manger. »
Mais il répondit :« Pour
moi, j’ai de quoi manger :c’est une nourriture que vous ne
connaissez pas. »
Les disciples se disaient entre eux :« Quelqu’un
lui aurait-il apporté à manger ? »
Jésus leur dit :« Ma
nourriture,c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et
d’accomplir son œuvre.
Ne dites-vous pas :‘Encore quatre mois et ce sera la
moisson’ ?Et moi, je vous dis :Levez
les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson.Dès
maintenant, le moissonneur reçoit son salaire :il récolte
du fruit pour la vie éternelle,si bien que le semeur se réjouit en
même temps que le moissonneur. Il est bien vrai,
le dicton :‘L’un sème, l’autre moissonne.’
Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun
effort ;d’autres ont fait l’effort,et vous en avez
bénéficié. »
Quant
aux disciples, à cette heure, ils n'ont pas d'autre souci que de
restaurer leur Maître et de se restaurer et ils le font
savoir :« Rabbi,
viens manger. » Les
disciples sont au même niveau que la Samaritaine :« Seigneur,
donne-moi de cette eau,que je n’aie plus soif,et que je n’aie
plus à venir ici pour puiser. L'une
et les autres reçoivent les paroles de Jésus au tout premier
degrés. L'une a soif , elle veut se désaltérer, les disciples ont
faim ils veulent se rassasier avec ce qu'ils ont trouvé dans les
magasins , Jésus, Lui est dévoré par le feu intérieur qui l'anime
et Il tente d'éveiller l'une et les autres aux nourritures
spirituelles :
« Pour
moi, j’ai de quoi manger :c’est une nourriture que vous ne
connaissez pas. »
Les disciples se disaient entre eux :« Quelqu’un
lui aurait-il apporté à manger ? » Pour
Jésus, le pain, l'eau c'est tout-à-fait secondaire, le but de Sa
vie c'est :
« Ma
nourriture,c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et
d’accomplir son œuvre.
D'accomplir
la Volonté du Père : voilà ce qui Le comble et la volonté de
Son Père « c'est qu'aucun de ceux qui Lui sont confiés ne se
perde » Et nous ?
Je
suis consciente d'avoir seulement survolé ce très beau passage
d’Évangile, et j'en suis navrée mais il faudrait y passer des
heures et des heures ! Ma joie serait de vous donner envie de le
ruminer encore et encore pour en extraire un maximum de substance
pour un Carême de LIBERATION !

Suite
à la décision administrative préfectorale interdisant les
rassemblements collectifs dans le département, n’y a-t-il pas un
excès de zèle d’avoir suspendu toutes les messes publiques la
semaine dernière et de continuer à les interdire dans les zones de
« clusters » ?
⇒ Il
n’y a que sur les réseaux sociaux que nous trouvons des gens qui
sont experts en toute chose et qui donnent un avis infaillible sur
tout. Le
bon sens et le réalisme nous font un devoir d’entendre ceux qui
sont effectivement compétents et qui sont chargés de prendre des
décisions, surtout en mesure de santé publique.
En l’espèce, l’Église n’est pas l’autorité sanitaire et il
est de son devoir d’accepter ses préconisations et même ses
conseils. Toute autre attitude relèverait d’une irresponsabilité
coupable dont nous aurions à répondre, non seulement devant
l’autorité civile, mais en conscience devant Dieu.
L’obéissance
aux autorités civiles ne cache-t-elle pas une mollesse, une tiédeur
? Jusqu’où l’Église a-t-elle à se soumettre à la loi civile ?
⇒ Pour
un chrétien l’obéissance aux autorités civiles n’est pas une
option facultative, elle est un devoir. C’est ce que nous dit saint
Paul dans le chapitre 13 de la Lettre aux Romains : « Que chacun
soit soumis aux autorités supérieures, car il n’y a d’autorité
qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies
sous la dépendance de Dieu ; si bien qu’en se dressant contre
l’autorité, on est contre l’ordre des choses établi par Dieu,
et en prenant cette position, on attire sur soi le jugement. En
effet, ceux qui dirigent ne sont pas à craindre quand on agit bien,
mais quand on agit mal. Si tu ne veux pas avoir à craindre
l’autorité, fais ce qui est bien, et tu recevras d’elle des
éloges. Car elle est au service de Dieu pour t’inciter au bien ;
mais si tu fais le mal, alors, vis dans la crainte. En effet, ce
n’est pas pour rien que l’autorité détient le glaive. Car elle
est au service de Dieu : en faisant justice, elle montre la colère
de Dieu envers celui qui fait le mal. C’est donc une nécessité
d’être soumis, non seulement pour éviter la colère, mais encore
pour obéir à la conscience. C’est pour cette raison aussi que
vous payez des impôts : ceux qui les perçoivent sont des ministres
de Dieu quand ils s’appliquent à cette tâche. Rendez à chacun ce
qui lui est dû : à celui-ci l’impôt, à un autre la taxe, à
celui-ci le respect, à un autre l’honneur » (1).
Il
le redit dans la lettre à Tite : « Rappelle à tous qu’ils
doivent être soumis aux gouvernants et aux autorités, qu’ils
doivent leur obéir et être prêts à faire tout ce qui est bien
» (2).
L’appartenance à l’Église ne dispense pas d’obéir aux lois
de la cité, dans leur ordre de légitimité temporelle
Saint
Pierre ne dit-il pas qu’il faut « obéir à Dieu plutôt qu’aux
hommes » ? (3)
⇒ Il
ne s’agit pas du même contexte mais d’une circonstance où des
hommes, en l’occurrence le grand prêtre et le conseil suprême,
voulaient empêcher les apôtres de prêcher et enseigner au nom de
Jésus. C’est le salut qui est en cause ici et pas l’obéissance
aux lois qui organisent la cité. Cette réponse de Pierre fonde
l’objection de conscience vis-à-vis de ce qui pourrait
compromettre le salut éternel et s’opposer au plan de Dieu. Mais,
en ce qui concerne l’obéissance aux autorités civiles, on ne peut
pas opposer Pierre à Paul. Saint Pierre écrit d’ailleurs dans sa
première lettre : « Soyez soumis à toute institution humaine à
cause du Seigneur, soit à l’empereur qui est souverain, soit aux
gouverneurs qui sont ses délégués pour punir les malfaiteurs et
reconnaître les mérites des gens de bien » (4).
Jésus
lui-même n’était pas un zélote, révolté contre l’autorité
romaine ; interrogé sur l’obligation de payer l’impôt à César,
il a répondu : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu
ce qui est à Dieu » (5).
Lui-même s’est soumis aux autorités jusqu’à recevoir d’elles
la mort. Il n’a pas appelé à son secours « des légions d’anges
» (6) et
il voit dans son arrestation l’accomplissement des Écritures (7).
C’est même par son obéissance qu’il nous sauve et qu’il est
glorifié : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne
retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il
s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant
semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est
abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la
croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou
fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue
proclame : “Jésus Christ est Seigneur” à la gloire de Dieu le
Père » (8).
Nous ne
pouvons pas réagir systématiquement comme si les lois civiles
étaient intrinsèquement opposées à la loi de Dieu et devaient
faire l’objet d’une résistance opiniâtre de la part de
l’Église. L’obéissance aux lois qui organisent la Cité n’est
pas une concession faite par mollesse, elle est un devoir de la part
du chrétien. Si chaque citoyen ou chaque communauté n’obéissait
qu’aux lois qu’il se donne à lui-même, la société
retournerait au chaos.
Les
martyrs n’ont-ils pas fait preuve de cette résistance ?
⇒ Il
faut encore une fois comparer ce qui est comparable. Les martyrs ont
été confrontés à des lois qui s’opposaient à la loi de Dieu et
qui compromettaient leur salut et celui de leurs frères, pas à des
lois qui concernaient le maintien de la santé publique et la lutte
contre une épidémie. Leur témoignage s’est fait au prix de leur
propre vie et pas au péril de la santé et de la vie de leur
prochain. Leur témoignage était basé sur le commandement de
l’amour de Dieu et du prochain, et s’ils ont accepté joyeusement
la mort, dans l’espérance de la vie éternelle, ils ne l’ont pas
procurée à leurs frères. Dieu est le Dieu de la vie pas de la mort
Les
prêtres pourraient-ils arguer de la clause de conscience pour
célébrer la messe publiquement, malgré tout, dans les zones
d’infestation du virus ? Et les fidèles pour y assister ?
⇒ Si
l’assistance à la messe quotidienne était une nécessité
indispensable au salut, une clause de conscience pourrait jouer, mais
ce n’est pas le cas. Participer à la messe en semaine est d’une
grande fécondité spirituelle mais n’est pas une obligation
demandée par l’Église. Quant à l’obligation de participer à
la messe du dimanche, elle est un commandement de l’Église et donc
l’Église peut, en constatant des cas d’impossibilité ou
d’épreuve, en donner temporairement dispense. Sanctifier le jour
du Seigneur est le troisième commandement de Dieu. Traduire ce
précepte par l’assistance à la messe dominicale est le deuxième
commandement de l’Église. Le chrétien qui est dans
l’impossibilité de s’y conformer trouvera d’autres modalités
pour sanctifier le jour du Seigneur. Mais en tout état de cause,
l’Église qui donne ce deuxième commandement est à même d’en
dispenser les fidèles pour des raisons graves. Même en l’absence
de décision de l’évêque, les prêtres pourraient en dispenser
les fidèles qui leur sont confiés si les nécessités l’imposaient.
Quelle
légitimité y a-t-il à traduire sur le plan liturgique des mesures
sanitaires préconisées par le préfet (communion dans la main,
bénitiers vidés, pas de geste de paix) ?
⇒ Il
est bien évident que le préfet n’est pas l’ordonnateur de la
liturgie, mais la légitimité de traduire en termes liturgiques les
dispositions sanitaires vient de la nature même des choses. Des
mesures générales qui ne seraient pas traduites par des attitudes
et des pratiques concrètes n’auraient aucune efficacité. Or le
but des mesures sanitaires est d’être efficace. En interdisant les
rassemblements, les autorités sanitaires cherchent à éviter les
contacts qui sont vecteurs de la transmission du virus.
Pour ce qui
est de la communion, j’entends souvent l’objection que les mains
ne sont pas plus propres que la langue, qu’elles sont le principal
vecteur de transmission du coronavirus, ou qu’en donnant la
communion dans la bouche le prêtre n’a pas plus de contacts avec
les communiants qu’en la donnant sur la main. C’est oublier que
le coronavirus est responsable d’une maladie respiratoire et qu’il
est présent dans les gouttelettes qui constituent l’haleine, dans
les respirations, et que le souffle même est un vecteur de
transmission en particulier lorsque le communiant est debout. Si nous
sommes atteints d’une maladie respiratoire, s’abstenir de
communier dans la bouche est une précaution, une délicatesse
vis-à-vis des personnes qui communieront après nous et que nous
pourrions contaminer. Il ne s’agit pas d’interdire la communion
dans la bouche, qui est le mode normal et traditionnel de recevoir la
communion, mais, chaque mode présentant des risques, de recommander
à chacun de prendre les précautions nécessaires pour garantir le
précepte de la charité qui est le résumé et la source de tous les
commandements.
C’est la
raison pour laquelle j’ai recommandé de faire une communion
spirituelle.
Personne ne
peut revendiquer les sacrements comme un dû, ils sont toujours un
don de Dieu que personne ne peut revendiquer au mépris de la
charité. Et le temps d’épreuve présent nous invite à nous
demander encore plus si, à chaque fois, nous nous préparons assez
dignement à recevoir ce don.
Il
est d’autant plus légitime de traduire sur le plan liturgique les
mesures sanitaires que les personnes qui participent à nos liturgies
constituent souvent un public fragile sur lequel le coronavirus peut
avoir des conséquences très graves. « Nous les forts, nous devons
porter la fragilité des faibles et non faire ce qui nous plait
» (9).
Pourquoi,
plutôt que d’inviter les gens à prier individuellement, ne pas
proposer des prières collectives, des processions pour intercéder
avec plus de ferveur pour les malades ?
⇒ Je
sais bien que l’on fait souvent appel à un passé idéalisé pour
juger ce qui se fait concrètement aujourd’hui. Autrefois, en
période d’épidémie, on se rassemblait pour prier. Nous ne
dédaignons pas les prières publiques et, dimanche dernier, nous
sommes allés en pèlerinage à Pontivy prier Notre-Dame-de-Joie qui
est intervenue dans le passé pour protéger nos ancêtres contre une
épidémie. Mais les hommes du XIVe ou du XVIIe siècle
n’avaient pas les notions de prophylaxie que nous avons
aujourd’hui. Leur science et leur industrie étaient très
limitées. Et après avoir utilisé les médicaments sommaires qu’ils
avaient pu concevoir, ils n’avaient pas d’autre recours que la
prière. Dieu leur venant en aide palliait les insuffisances
inhérentes à leur temps et à leur degré de connaissance.
Aujourd’hui aussi, Dieu le fera ! Mais en attendant, nous devons,
selon le principe de saint Ignace, agir comme si tout dépendait de
nous et prier en sachant que tout dépend de Dieu.
Prier pour
avoir la santé sans prendre aucune précaution pour empêcher la
maladie de s’étendre, ce n’est pas de la foi, c’est du
fidéisme. Pire même, c’est tenter Dieu. Le premier dimanche de
Carême, nous avons lu dans l’Évangile le récit des tentations de
Jésus. Sommé par le diable de se jeter du haut du temple au motif
que Dieu enverrait son ange « pour que son pied ne heurte les
pierres », Jésus a répondu : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton
Dieu ».
N’est-ce
pas un manque de foi de penser que les saintes espèces, corps et
sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, pourraient être vecteur de
maladie ou de mort ?
⇒ Là
encore, attention au fidéisme. La transsubstantiation change
l’identité mais pas les accidents. Les espèces et apparences du
pain et du vin demeurent et restent soumises aux lois de la nature.
Une hostie consacrée abandonnée dans un endroit humide se
détériore, livrée aux flammes elle brûle et la présence réelle
ne demeure que tant que dure le signe du pain. Quelques miracles
eucharistiques célèbres et retentissants, échappant à ces lois
naturelles, nous ont été donnés pour augmenter notre foi. Mais ce
sont des miracles ! Nous ne pouvons demander à Dieu de réaliser un
miracle permanent pour pallier nos manques de prudence. Les virus ne
se désactivent pas plus en entrant dans une église catholique
qu’ils ne le font en entrant dans un temple protestant. « Tu ne
mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Rappelons-nous
ce récit humoristique mais plein de sens :
« Lors de
terribles inondations, un village est sur le point de se faire
engloutir. Toute la population est évacuée par les pompiers, sauf
le curé de ce village qui tient à rester
.
–Mais pourquoi ? Tout va disparaître !!
– N’ayez crainte, c’est Dieu qui me sauvera.
–Mais pourquoi ? Tout va disparaître !!
– N’ayez crainte, c’est Dieu qui me sauvera.
Tout le monde
part, et le curé reste seul dans son église, les pieds dans l’eau,
à prier.
Plus tard, l’eau a atteint le premier étage, et des pompiers sur un Zodiac arrivent près de la fenêtre :
– Montez, mon Père, montez !!
– Non, Dieu me sauvera, je le sais, je dois prouver ma foi.
Lorsque l’eau a continué de monter, le curé est en haut du clocher, un autre Zodiac des pompiers arrive auprès de lui. Même scénario, le curé refuse l’aide.
L’eau continue de monter… et le curé se noie.
Plus tard, l’eau a atteint le premier étage, et des pompiers sur un Zodiac arrivent près de la fenêtre :
– Montez, mon Père, montez !!
– Non, Dieu me sauvera, je le sais, je dois prouver ma foi.
Lorsque l’eau a continué de monter, le curé est en haut du clocher, un autre Zodiac des pompiers arrive auprès de lui. Même scénario, le curé refuse l’aide.
L’eau continue de monter… et le curé se noie.
Il arrive aux
portes du Paradis et dit :
– Vraiment mon Dieu, je ne comprends pas. J’ai passé ma vie à Te prier, à Te servir, toute ma vie T’a été dévouée, et Tu n’as rien fait pour me sauver !
– Vraiment mon Dieu, je ne comprends pas. J’ai passé ma vie à Te prier, à Te servir, toute ma vie T’a été dévouée, et Tu n’as rien fait pour me sauver !
Et Dieu lui
dit :
– Mais si ! Je t’ai envoyé les pompiers trois fois, mais tu n’en as pas voulu. »
– Mais si ! Je t’ai envoyé les pompiers trois fois, mais tu n’en as pas voulu. »
(*)
Titre de La
DC.
(1) Rm 13,
1-7.
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